Amsterdam sous le choc après les violences en marge du match de football

Deux jours après les violences qui ont eu lieu après le match de football opposant l’Ajax d’Amsterdam à Maccabi Tel-Aviv qui ont suscité des condamnations internationales, la capitale néerlandaise et ses habitants juifs étaient encore sous le choc.

Dans le Jodenbuurt, quartier juif d’Amsterdam, des agents de police tiennent la garde près de la synagogue portugaise et du musée historique juif. Alors que la communauté se fait discrète ce samedi, un juif amstellodamois, tenant un stand de t-shirts au marché du quartier, a confié à l’AFP se sentir très mal depuis les violences de jeudi soir.

« Je ressens la honte que tout Amstellodamois doit ressentir, parce qu’encore une fois, comme si l’histoire se répétait, des juifs sont attaqués simplement parce qu’ils sont juifs, » déplore l’homme de 58 ans qui a préféré garder l’anonymat pour sa propre sécurité.

Des supporters du Maccabi Tel-Aviv ont été violemment pris à partie par des groupes d’individus dans les rues de la ville dans la nuit de jeudi à vendredi après le match de la Ligue Europa, dans un contexte marqué par la montée des actes antisémites et anti-israéliens dans le monde depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas en octobre 2023.

« Je suis totalement opposée à ce qu’Israël fait dans la bande de Gaza et je pense que c’est horrible et que cela dépasse les limites. Mais ce qui s’est passé à Amsterdam est allé trop loin », s’indigne Edit Tuboly, une femme de 61 ans interrogée dans les allées du marché, les bras chargés de sacs.

La police a fait état de cinq personnes brièvement hospitalisées et de 63 arrestations, et Israël a organisé des vols d’urgence pour rapatrier ses citoyens. Le gouvernement néerlandais ainsi que la mairie ont fermement condamné les attaques, les qualifiant d’antisémites. De nombreux dirigeants étrangers, dont l’Américain Joe Biden, les ont également dénoncées.

Amsterdam, « lieu sûr »

Originaire d’Israël et vivant à Amsterdam depuis 34 ans, le commerçant du marché a lui-même assisté, avec un ami, au match qui s’est terminé par une victoire de l’Ajax 5-0. « Même s’il y a une place pour les critiques sur le côté d’Israël dans ce conflit [à Gaza], ce n’est bien sûr pas la façon de l’exprimer en attaquant des personnes innocentes juste parce qu’elles viennent de quelque part », déplore-t-il.

Selon le commerçant, l’ambiance du match était « fantastique » entre les deux groupes de supporters. Néanmoins, il a déclaré connaître un ami qui a été agressé avec son fils de 17 ans après le match.

La capitale néerlandaise, surnommée « Mokum » ou « lieu sûr » en yiddish, est historiquement considérée comme un refuge pour la communauté juive. A l’exception de la période de la seconde guerre mondiale, la figure d’Anne Frank demeurant un symbole de la déportation de personnes juives. « Nous pensions jusqu’à présent qu’Amsterdam et les Pays-Bas étaient épargnés par cette violence extrême à l’encontre des Juifs, » explique le commerçant, visiblement ému.

Commémorations annulées

« Amsterdam devrait avoir honte du pogrom perpétré le soir de la commémoration de la Nuit de Cristal, » a déclaré le collectif d’organisations juives néerlandaises Centraal Joods Overleg, dans un communiqué publié vendredi.

Joana Cavaco, 28 ans, présidente du collectif juif antisioniste Erev Rav, créé il y a deux ans aux Pays-Bas, estime quant à elle qu’il est « inquiétant de voir que l’on parle de la sécurité des Juifs sans voir ce qui se passe sur le terrain« . Selon Mme Cavaco, les supporters du Maccabi ont senti avoir « carte blanche » et ont démarré les provocations dès leur arrivée. « Nous ne nous sentons pas en sécurité parce qu’Israël dicte la façon dont le monde nous perçoit, » a-t-elle déclaré à l’AFP.

Une soirée de commémoration de la Nuit de Cristal à Amsterdam, à laquelle Erev Rav allait participer, a été annulée, et la maire d’Amsterdam Femke Halsema a interdit vendredi toute manifestation pour trois jours.

La soirée de vendredi s’est déroulée dans le calme et samedi aussi, l’atmosphère dans la ville était calme, ont constaté des journalistes de l’AFP. La ville a mis en place des mesures d’urgence. La sécurité a été renforcée dans des lieux sensibles et les manifestations sont temporairement interdites.

Ce que l’on sait
Des supporters du club de football israélien Maccabi Tel-Aviv ont été violemment pris à partie par des groupes d’individus dans les rues d’Amsterdam dans la nuit de jeudi à vendredi, des heures « noires » pour la ville, selon la maire.
Voici ce que l’on sait des événements qui ont suscité l’indignation dans le monde, le président américain Joe Biden les ayant qualifiés de violences « antisémites » et « méprisables ». Le ministère palestinien des Affaires étrangères a de son côté condamné « les chants anti-arabes par des Israéliens et l’attaque contre le drapeau palestinien à Amsterdam ».

Mercredi, tensions en amont
Les tensions étaient déjà à leur comble avant le match jeudi soir de Ligue Europa entre l’Ajax Amsterdam et le Maccabi Tel-Aviv (5-0). Dès mercredi, des affrontements isolés ont lieu entre des supporters de l’Ajax, du Maccabi et du club turc de Fenerbahce, qui jouait contre un autre club néerlandais, l’AZ Alkmaar, selon le chef de la police d’Amsterdam, Peter Holla.
Des supporters du Maccabi brûlent un drapeau palestinien sur la place centrale du Dam, déclare M. Holla, et vandalisent un taxi. Des chauffeurs de taxi se mobilisent pour prendre à partie 400 supporters du Maccabi au Holland Casino. La police intervient et escorte les supporters hors du casino, explique M. Holla.
Quelques incidents isolés ont lieu autour du casino, mais selon le chef de la police, le calme revient dans la ville vers 03H30 du matin.

Jeudi, avant le match
Un grand groupe de supporters du Maccabi se rassemble sur la place du Dam vers 13H00 jeudi, selon le chef de la police. Quelques « incidents » ont lieu et des feux d’artifice sont tirés. « En général, la police a réussi à tenir les grands groupes à distance », affirme Peter Holla.
La police escorte dans le calme un millier de supporters de la place jusqu’à la gare centrale. Les autorités avaient déplacé une manifestation propalestinienne, mais de petits groupes se détachent en quête d’affrontements dans le quartier du stade, raconte M. Holla.
Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, dont l’origine n’a pas pu être vérifiée, ce qui semble être des fans du club du Maccabi chantent en hébreu « Que l’IDF (armée israélienne) gagne ! On va niquer les arabes ! ». Les forces de l’ordre réussissent à tenir les groupes à distance grâce à la police anti-émeute et des policiers à cheval.
Le match se déroule dans une ambiance globalement calme. Certains supporters israéliens ne respectent pas la minute de silence en mémoire des victimes des inondations en Espagne, pays qui a récemment reconnu l’Etat de Palestine.
« Après le match, la sortie du stade s’est bien déroulée. Vers 23H00, la situation autour du stade était calme« , relate Peter Holla.

Attaques dans le centre-ville
Après le match, des groupes d’individus s’en prennent à des supporters du Maccabi avant de prendre la fuite à scooter entre chaque attaque, et ce dans plusieurs quartiers de la ville. Cinq personnes sont brièvement hospitalisées.
La maire d’Amsterdam Femke Halsema a évoqué en conférence de presse des groupes d’individus ciblant des supporters du club israélien, les frappant et leur donnant des coups de pied. « C’est une explosion d’antisémitisme que j’espère ne plus jamais revoir », a déclaré Mme Halsema, qui a dit avoir « honte » de cette violence.
Des vidéos authentifiées par l’AFP montrent des groupes d’individus traquant des supporters israéliens, leur lançant des objets, les frappant et les maltraitant. Entre 20 et 30 supporters du Maccabi subissent des blessures. Les violences ont « profondément meurtri » la ville, affirme la maire.
La police a ouvert une enquête et a appelé la population à lui faire parvenir toute vidéo des violences. Soixante-deux interpellations ont été effectuées initialement, et une 63e a été effectuée après exploitation d’images, a déclaré à l’AFP une porte-parole de la police d’Amsterdam, Marijke Stor. Quatre personnes, dont deux mineurs, restaient en détention samedi pour être présentées à un juge en début de semaine, a indiqué le parquet.

Indignation
Les violences à Amsterdam, où les attaques antisémites se sont multipliées depuis le début de la guerre à Gaza, ont été condamnées dans le monde entier.
Le président israélien, Isaac Herzog, a dénoncé un « pogrom antisémite » qui selon lui fait echo à l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 en Israël. La maire d’Amsterdam a déclaré « facilement comprendre » la comparaison avec les pogroms.
Le Premier ministre néerlandais Dick Schoof a dénoncé une « terrible attaque antisémite ». « J’ai profondément honte que cela puisse se produire aux Pays-Bas en 2024 », a-t-il déclaré. M. Schoof a été critiqué pour ne pas avoir immédiatement quitté un sommet européen à Budapest pour rentrer aux Pays-Bas. 
Le Premier ministre « a été trop lent à prendre conscience de la gravité de la violence« , a écrit le quotidien de droite De Telegraaf dans un éditorial. Samedi, il a annoncé annuler son déplacement la semaine prochaine à la conférence climatique COP29 de Bakou « en raison de l’impact social majeur des événements de jeudi soir dernier à Amsterdam ».

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