Viktor Orban
Viktor Orban © Getty

Aide à l’Ukraine: comment Viktor Orban parvient à faire chanter les 27

Dès son arrivée au sommet européen à Bruxelles, le Premier ministre hongrois Viktor Orban a tenté de briser le rêve européen de l’Ukraine. Même s’il n’a pas réussi à bloquer les négociations en vue de l’adhésion de l’Ukraine à l’UE, les discussions sur le budget, et le soutien au pays en guerre, ont été reportées à début 2024.

L’Union européenne n’est « pas en position » d’ouvrir des négociations d’adhésion avec l’Ukraine, a décrété le Premier ministre hongrois Viktor Orban en arrivant au sommet européen à Bruxelles crucial pour Kiev.

En dépit de ces déclarations, l’UE a rapidement trouvé un accord pour ouvrir les négociations d’adhésion avec l’Ukraine et la Moldavie. En revanche, les discussions sur l’aide à l’Ukraine ont été reportées à début 2024 en raison d’un blocage de la Hongrie.

Depuis des semaines, les nuages s’accumulent au-dessus de l’Ukraine. Sa contre-offensive militaire n’a pas produit de percée décisive et l’aide, indispensable à l’effort de guerre, est bloquée, que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis. Et sans cette aide, « bien sûr, on ne peut pas gagner », martelait mercredi à Oslo Volodymyr Zelensky.

Le dirigeant magyar n’en est pas à son coup d’essai. A chaque crise importante, que ce soit la crise de financière en 2008, de l’immigration  en 2015 ou du Covid en 2020, Viktor Orban a tenté de bloquer les décisions.

« Viktor Orban ne conçoit pas le processus d’intégration européenne de la même manière que les autres états-membres. Il ne cherche pas de compromis, mais s’oppose systématiquement sur de nombreux dossiers cruciaux pour l’UE », expose Ramona Coman, professeure en sciences politiques à l’ULB.

Les relations qui lient le dirigeant hongrois au Kremlin jouent bien entendu aussi un rôle. Non seulement les deux pays sont fortement corrompus, mais ils partagent également un certain nombre d’intérêts économiques. « Il y a longtemps que Viktor Orban s’oppose aux fortes contraintes exercées par l’Union européenne. Et comme il a des accords avec Vladimir Poutine, il tente de freiner l’Union européenne  dans son aide à l’Ukraine et dans son opposition à la  Russie », rappelle Franklin Dehousse, professeur à l’Université de Liège. 

Là non plus, Viktor Orban n’en est pas à son coup d’essai: il n’a pas hésité à intervenir pour  faire  lever  des  sanctions  contre  certains  oligarques russes, ainsi que pour  limiter certains  soutiens  à  l’Ukraine.

Un « chantage » de Viktor Orban

Sanctionnée en raison de manquements à l’Etat de droit, la Hongrie réclame de l’Union européenne qu’elle débloque tous les fonds lui revenant mais qui ont été gelés. Elle a obtenu le déblocage de dix milliards d’euros mercredi, soit la veille du sommet européen. Certains eurodéputés voient une tentative d’amadouer le Premier ministre hongrois qu’ils accusent de « chantage ».

La Commission européenne se défend d’avoir cédé à un tel chantage, et affirme que ce déblocage fait suite aux réformes entreprises par Budapest pour respecter une série de conditions visant à améliorer l’indépendance du système judiciaire hongrois.

Les menaces de Victor  Orban portent très souvent leurs fruits, souligne Ramona Coman.  « Même  quand les autres membres de l’UE tentent de lui faire  plaisir et de tenir compte de ses souhaits,  il  continue  à  freiner  le  processus.  Ce n’est pas parce qu’il a obtenu les 10  milliards d’euros de la  Commission  européenne,  qu’il va essayer de parler d’une seule voix avec les  autres. Au  contraire ». 

Il semble que les institutions européennes n’aient pas tiré de leçons de l’attitude de Viktor Orban, pourtant au pouvoir depuis treize ans. Ramona Coman ne cache pas que les institutions européennes opposer plus de fermeté au régime hongrois. Pour Franklin Dehousse, l’Union européenne a subsidié,  pendant une décennie, un régime « autocratique et corrompu » qui lui est fondamentalement hostile. 

Même s’il oppose à l’Europe telle qu’elle existe aujourd’hui, Viktor Orban n’envisage pas de quitter l’Union européenne. « Sa situation économique n’est pas au beau fixe : il a besoin de ces 10  milliards  d’euros.  Son objectif  n’est pas de quitter l’Union européenne, mais de la transformer de l’intérieur.   Aujourd’hui,  tout ce qu’il réussit à faire,  c ‘est  de paralyser beaucoup  de  décisions.  Ce  qui  lui  permet  de  dire  que l ‘Union  européenne  ne  fonctionne  pas. C’est un cercle vicieux » , estime Ramona Coman.

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