Affaire Benalla: échec d’une double motion de censure ciblant le gouvernement Macron
Baroud d’honneur d’une crise qui aura ébranlé la majorité présidentielle en France, droite et gauche ont défendu mardi, sans succès, deux motions de censure ciblant Emmanuel Macron sur l’affaire Benalla, du nom de l’ancien collaborateur du chef de l’État accusé de violences.
Cette double mise en cause – une première depuis 1980 – de la responsabilité du gouvernement constitue « une alerte » pour le président français, selon le terme du patron du Parti socialiste Olivier Faure.
Ce « scandale, c’est celui d’un chef de l’État qui a protégé, qui a privilégié un homme qui lui a rendu des services », « barbouze s’il en est », et d’un gouvernement qui a « abdiqué », a tonné le patron du groupe Les Républicains (LR, opposition de droite) Christian Jacob, en défendant la première motion. Cette affaire « laissera des traces profondes. Des traces politiques et morales pour le chef de l’État et des traces institutionnelles dans l’organisation des pouvoirs publics », a-t-il affirmé.
Le président des communistes André Chassaigne, défenseur de la motion du Parti socialiste, du Parti communiste et du parti La France insoumise (LFI, gauche radicale), a estimé que « l’affaire Macron-Benalla a(vait) permis de lever le voile sur la réalité de l’exercice du pouvoir par le président de la République » et « ouvert une plaie qui ne se refermera pas ».
Dans sa réponse, le chef du gouvernement Édouard Philippe a déploré « une instrumentalisation politique » et une « volonté d’atteindre » le chef de l’État à travers cette affaire et le dépôt des motions, les premières depuis l’élection d’Emmanuel Macron en mai 2017.
Il y a eu une centaine de motions de censure depuis 1958 mais une seule a été adoptée, en 1962, faisant chuter le gouvernement de Georges Pompidou.
Les deux motions n’avaient aucune chance d’aboutir: LR ne réunit que 103 députés et la gauche 63, ne pouvant donc pas rassembler la majorité requise de 289 voix pour faire tomber le gouvernement. La première motion – de LR – n’a été votée que par 143 députés. La seconde n’a rallié les suffrages que de 74 députés. Mais elles visaient avant tout à contraindre le gouvernement à « s’expliquer » et à dénoncer un « verrouillage » empêchant « la vérité » d’émerger sur l’affaire qui a éclaté autour d’Alexandre Benalla, ex-collaborateur de l’Élysée poursuivi pour violences contre des manifestants le 1er mai à Paris alors qu’il assistait aux défilés en tant qu’observateur au sein des forces de l’ordre.
La révélation de l’affaire est la plus grave crise politique essuyée par M. Macron.
Benalla, « symptôme » des problèmes
Les deux motions sont aussi une opportunité inespérée pour les oppositions de renaître de leurs cendres, après la victoire aux législatives de 2017 des députés du parti présidentiel LREM.
« Vos motions de censure ne sont rien d’autre que des motions de blocage », a lancé à l’opposition le Premier ministre. Edouard Philippe a notamment évoqué « l’espoir » de l’opposition de tous bords « de ralentir le rythme de la transformation du pays », promettant: « Nous ne ralentirons pas, nous ne lâcherons rien, nous irons jusqu’au bout de notre projet ». Sur le fond de l’affaire, il a jugé que « la démocratie avait fonctionné » avec des enquêtes administrative, judiciaire et parlementaires.
Le pouvoir n’a eu de cesse de tenter de minimiser l’affaire Benalla, assurant qu’il ne s’agissait que d’une « dérive individuelle » et non d' »une affaire d’État ». Emmanuel Macron est sorti il y a une semaine de son silence devant un cercle restreint de responsables de son camp. « Le seul responsable de cette affaire, c’est moi et moi seul! », a-t-il alors lancé. Depuis, il a évoqué une « tempête dans un verre d’eau » et cherche à tourner la page, alors qu’il recule dans plusieurs sondages. Ses troupes dénoncent une « instrumentalisation politique ». « Tenter de faire tomber un gouvernement et des réformes parce qu’un chargé de mission (Alexandre Benalla, ndlr) a dérapé ? » a tweeté Gabriel Attal, le porte-parole de LREM.
« Benalla n’est pas la cause des problèmes, il en est le symptôme », a lancé mardi à la tribune Jean-Luc Mélenchon, leader de LFI, en dénonçant une « monarchie présidentielle ».
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