La Finlande officiellement membre de l’Otan: les alliés s’impatientent pour la Suède
Après trois décennies de non alignement militaire, la Finlande rejoint l’Otan, une étape « historique » pour l’Alliance mais qui déclenche la colère de la Russie.
La Finlande est officiellement devenue mardi le 31e membre de l’Otan avec la remise des documents d’adhésion au chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, dont le pays est le dépositaire du traité fondateur. « Nous déclarons la Finlande 31e membre de l’Alliance avec la réception de ces documents », a déclaré M. Blinken lors d’une cérémonie au siège de l’Otan à Bruxelles.
C’est bien sûr un grand jour pour la Finlande (…) C’est aussi une bonne chose pour l’Otan », a déclaré le ministre finlandais de la Défense Antti Kaikkonen avant la cérémonie.
Le président finlandais a salué mardi « une nouvelle ère » pour l’entrée dans l’Otan du pays frontalier de la Russie, après des décennies de neutralité forcée par Moscou puis de non-alignement. « L’ère du non-alignement militaire dans notre histoire s’achève. Une nouvelle ère commence », a déclaré le chef de l’Etat Sauli Niinistö avant que le drapeau finlandais ne soit symboliquement hissé devant le siège de l’Otan à Bruxelles.
La Russie menace de « contre mesures »
Le Kremlin a promis mardi de prendre des « contre-mesures » après l’adhésion de la Finlande à l’Otan, qualifiant l’élargissement de l’alliance occidentale d' »atteinte à la sécurité » de la Russie. « C’est une nouvelle aggravation de la situation. L’élargissement de l’Otan est une atteinte à notre sécurité et aux intérêts nationaux » russes, a déclaré à la presse le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov. « Cela nous contraint à prendre des contre-mesures« , a-t-il poursuivi. « Nous allons suivre attentivement ce qui se passe en Finlande, (…) la façon dont cela nous menace. Des mesures seront prises en fonction de cela. Notre armée fera son compte-rendu en temps voulu », a ajouté M. Peskov.
Après trois décennies de non-alignement militaire, la Finlande a rejoint l’Otan, un tournant stratégique provoqué par l’invasion russe de l’Ukraine. L’adhésion de la Finlande doublera pour l’Otan la longueur de la frontière que partagent ses membres avec la Russie, ce que Moscou voit d’un très mauvais oeil.
L’Alliance atlantique, emmenée par les États-Unis, est en effet considérée par Moscou comme l’une des principales menaces à sa sécurité. La volonté affichée par Kiev de rejoindre l’Otan était d’ailleurs l’une des raisons invoquées par la Russie pour justifier son offensive militaire contre l’Ukraine.
La décision de la Finlande, après des décennies de neutralité, représente donc un revers pour Moscou. « La Finlande n’est jamais devenue anti-Russie et nous n’avions aucune dispute » avec elle, a déploré M. Peskov. Son adhésion à l’Otan « ne pourra qu’affecter la nature de nos relations », car l’Alliance « est une organisation inamicale, hostile à plus d’un titre envers la Russie », a-t-il ajouté.
Blinken salue une « journée historique »
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a salué mardi une « journée historique » pour l’Otan avec l’adhésion de la Finlande à l’alliance atlantique, « précipitée » selon lui par l’invasion russe de l’Ukraine. « Je suis tenté de dire que c’est peut-être la seule chose pour laquelle on peut remercier (le président russe Vladimir) Poutine, parce qu’il a, une fois de plus, précipité quelque chose qu’il disait vouloir éviter en agressant » l’Ukraine, a-t-il déclaré.
Le président américain Joe Biden s’est dit « fier » d’accueillir la Finlande dans l’Otan, dont elle vient de devenir le 31e pays membre. « Quand (Vladimir) Poutine a lancé sa brutale guerre d’agression contre le peuple ukrainien, il pensait pouvoir diviser l’Europe et l’Otan. Il avait tort. Aujourd’hui, nous sommes plus unis que jamais », a déclaré M. Biden dans un communiqué. Il a également dit « se réjouir » d’accueillir la Suède dans l’Alliance « dès que possible ».
L’Ukraine réaffirme à Bruxelles son souhait d’intégrer l’Otan
L’Ukraine a renouvelé mardi, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, son souhait d’adhérer à terme à l’Otan et de suivre l’exemple de la Finlande, qui rejoint l’Alliance atlantique le jour-même. « Nous félicitons nos amis finlandais pour leur adhésion. L’Ukraine se réjouit d’atteindre le même objectif, à savoir devenir membre à part entière de l’Otan », a déclaré M. Kouleba à son arrivée au siège bruxellois de l’organisation pour une rare réunion de la Commission Otan-Ukraine, un forum de consultation entre les alliés et Kiev.
« L’Otan et l’Ukraine ont besoin l’une de l’autre », a ajouté le chef de la diplomatie ukrainienne, soulignant qu' »il n’y a pas de meilleure solution structurelle pour garantir la sécurité stratégique dans la région euro-atlantique que l’entrée de l’Ukraine dans l’Alliance ». Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a demandé le 30 septembre dernier – en pleine guerre avec la Russie – une « adhésion accélérée à l’Otan ». Mais les alliés ne se sont pas encore prononcés sur cette demande, formulée après que le président russe Vladimir Poutine eut formalisé l’annexion des quatre régions ukrainiennes occupées par la Russie. Les alliés redoutent qu’en plein conflit avec Moscou, l’Ukraine n’invoque en cas d’adhésion le traité fondateur de l’Otan, dont l’article 5 sur la défense collective stipule qu’une « attaque contre un allié est considérée comme une attaque contre tous les alliés ».
M. Kouleba a ajouté qu’il était venu à Bruxelles pour « accélérer les livraisons » de matériel militaire déjà promis à Kiev par les alliés, citant des munitions d’artillerie, des véhicules blindés. « Tour ce dont l’Ukraine a besoin pour une contre-offensive », a-t-il déclaré. Les chefs de la diplomatie des 30 pays alliés, ainsi que de la Finlande et de la Suède qui a le statut d' »invitée » dans l’attente d’un feu vert de la Turquie et de la Hongrie à son adhésion, doivent discuter mardi et mercredi du soutien à long terme à l’Ukraine ainsi que de la relation future entre l’Otan et Kiev, selon le secrétaire général Jens Stoltenberg.
Et la Suède?
Le Premier ministre britannique Rishi Sunak s’est félicité mardi de l’adhésion « historique » de la Finlande à l’Otan et a appelé « tous les membres » de l’Alliance à approuver celle de la Suède, actuellement bloquée par la Turquie et la Hongrie. « C’est un jour historique pour la Finlande et l’Otan (…). Tous les membres de l’Otan doivent maintenant prendre les décisions nécessaires pour admettre aussi la Suède, afin que nous puissions constituer une Alliance unie pour défendre la liberté en Europe et dans le monde », a déclaré M. Sunak dans un communiqué.
Le chancelier allemand Olaf Scholz a assuré mardi la Suède du « soutien » de Berlin pour son adhésion à l’Otan, actuellement bloquée par la Turquie et la Hongrie, tout en félicitant la Finlande pour son entrée dans l’Alliance. « La Finlande est à partir de maintenant membre de l’Otan – C’est une bonne nouvelle et un gain pour la sécurité transatlantique (…) L’adhésion de la Suède, qui n’a pas encore eu lieu, a tout notre soutien !« , a dit le dirigeant allemand dans un tweet.
La Turquie et la Hongrie avaient émis des objections qui ont retardé l’adhésion d’Helsinki et les deux pays bloquent toujours celle de Stockholm. L’adhésion de la Finlande, devenue mardi le 31e membre de l’Otan, et la candidature de la Suède interviennent dans le contexte de l’invasion russe de l’Ukraine, qui a poussé ces deux pays à réviser leur stratégie de neutralité en Europe et à vouloir rejoindre le parapluie protecteur de l’Otan.
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a appelé mardi la Turquie et la Hongrie à approuver « sans délai » l’adhésion de la Suède à l’Otan, peu après l’entrée officielle de la Finlande dans l’Alliance atlantique. « Nous encourageons la Turquie et la Hongrie à ratifier les protocoles d’adhésion de la Suède sans délai afin que nous puissions accueillir la Suède dans l’Alliance atlantique aussi vite que possible », a-t-il déclaré dans un communiqué diffusé à l’issue d’une cérémonie de lever du drapeau finlandais au siège de l’Otan à Bruxelles.
L’adhésion de la Finlande « rend l’Alliance plus forte et chacun de nous plus en sécurité », a insisté Rishi Sunak. « La Russie pensait que son agression allait nous diviser. A l’inverse, nous sommes encore plus unis, résolus à défendre nos principes de liberté et d’Etat de droit », a aussi affirmé le ministre britannique des Affaires étrangères James Cleverly, qui a fait le déplacement à Bruxelles pour la cérémonie officielle d’accueil de la Finlande.