A Sarajevo, les stigmates du conflit sont omniprésents: « Ils ont oublié de nous soigner » (En images)
A travers l’artiste féministe Adela Ju¨i?, portrait intime d’une génération marquée par la guerre et la mort, nostalgique d’un passé qu’elle n’a pas connu. Par Jeanne Frank.
Vingt-cinq ans après les accords de Dayton, la situation en Bosnie-Herzégovine semble figée. Le pays, désormais divisé, est gangrené par la pauvreté, la corruption et le chômage. L’avenir, les jeunes préfèrent ne pas y penser et regardent vers le passé ou partent construire leur présent ailleurs. Ils sont nostalgiques d’une époque qu’ils n’ont pas connue, celle de Tito, maréchal de Yougoslavie, symbole de » fraternité et d’unité » entre des peuples qui vivaient ensemble et voyageaient librement. Un souvenir lointain et forcément idéalisé.
Ici, malgré la fin du conflit armé, la guerre est omniprésente au quotidien : dans la presse, à travers les murs criblés de balles ou dans le discours politique nationaliste qui continue à entretenir les divisions ethniques. Pour cette génération qui a grandi à Sarajevo, ville assiégée, pilonnée et ravagée par les bombardements incessants, le traumatisme est réel. Une jeunesse sans repères, survivant dans une sorte de perpétuel exil.
Aujourd’hui âgée de 37 ans, Adela Ju¨i? artiste féministe reconnue, avait une dizaine d’années lorsque débuta le siège de sa ville, en avril 1992, et que son père, membre de l’armée bosniaque, fut tué par un sniper. Toujours sous le choc, elle passe désormais ses journées dans des espaces confinés, comme son appartement, où elle peut recevoir ses amis pendant plusieurs jours, jusqu’à épuisement. En février dernier, elle a pris conscience que son addiction à l’alcool était liée aux séquelles psychologiques de la guerre. » Ils nous ont donné à manger, reconstruit nos monuments historiques mais ils ont oublié de soigner les gens « , juge-t-elle.
Adela Ju¨i? est une artiste reconnue dans son pays, et dont le travail est centré sur la violence faite aux femmes, leur engagement dans la lutte antifasciste ou encore la dissolution de la Yougoslavie socialiste et la guerre.
Traumatisée, le jeune femme ne promène sa chienne Luna que lorsque les rues sont désertes.
Durant le siège de Sarajevo, Adela écoutait de la musique pour couvrir le bruit des bombes. Aujourd’hui encore, la radio est allumée en permanence.
Sur le mur de la chambre d’Adela, une photo de ses grands-parents. Sa grand-mère est une figure très importante dans sa vie.
Fin de soirée du collectif Odron qui, à travers l’art, entend proposer de nouvelles alternatives pour le pays.
Bien qu’elle sorte rarement de chez elle, comme beaucoup de Bosniennes, la jeune femme tient à rester élégante.
Endommagés par la guerre, certains trams ont été rénovés, d’autres datent encore de l’époque de Tito. Ce jeune couple qui s’embrasse semble venir d’un autre temps.
Partout dans Sarajevo, la guerre a laissé ses stigmates, comme sur cet immeuble criblé d’impacts de balles.
Josip Broz Tito a gouverné la Yougoslavie d’une main de fer de 1945 jusqu’à sa mort. Quarante ans plus tard, il reste un modèle pour la nouvelle génération. Certains rêvent même d’un nouveau Tito au pouvoir.
Josip Broz Tito a gouverné la Yougoslavie d’une main de fer de 1945 jusqu’à sa mort. Quarante ans plus tard, il reste un modèle pour la nouvelle génération. Certains rêvent même d’un nouveau Tito au pouvoir.
L’artiste féministe avait l’habitude de fréquenter le club Silver and Smoke jusqu’à ce qu’elle réalise, en février dernier, que son addiction à l’alcool est liée au traumatisme de la guerre.
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