Europe: ces pays qui applaudissent (ou regrettent) le retour de Trump
La victoire de Donald Trump lors de la présidentielle a été chaleureusement saluée par certains dirigeants européens, et en a inquiété d’autres. Deux réactions a priori opposées, mais l’Europe pourrait être moins divisée qu’il n’y paraît quant au ton à tenir face au républicain.
Viktor Orban a le sourire. Mercredi matin, avant même que la victoire de Donald Trump ne soit confirmée, le Premier ministre hongrois célébrait déjà le succès de son allié dans une publication sur Facebook: «C’est déjà dans le sac», écrivait-il. Avant les élections, Orban était le seul dirigeant en Europe à exprimer ouvertement son soutien au candidat républicain.
Mais il n’est pas le seul Européen à se réjouir. Avant de prendre la tête de l’Italie, Giorgia Meloni participait régulièrement aux événements en faveur de Trump. Depuis qu’elle est devenue Première ministre, elle a rencontré à plusieurs reprises l’un des plus ardents soutiens du président élu: Elon Musk, que ce soit à Rome ou à New York. Ces rencontres ont été l’occasion pour eux de synchroniser leurs positions sur la «défense des valeurs occidentales».
Les populistes se frottent les mains avec Trump
Giorgia Meloni représente désormais une interlocutrice privilégiée de Trump en Europe, d’autant que le républicain retrouve une Europe comptant un peu moins de dirigeants populistes. Si Robert Fico est toujours au pouvoir en Slovaquie, Andrej Babiš n’est plus à la tête de la Tchéquie, pas plus que Janez Janša en Slovénie ou Mateusz Morawiecki en Pologne.
Tant qu’ils ne reviennent pas au pouvoir, Rome et Budapest demeurent les principaux points d’ancrage des républicains américains en Europe, à moins que de nouvelles figures n’émergent. De nombreux partis d’extrême droite, tels que Vox en Espagne, les Démocrates de Suède, le PVV aux Pays-Bas, et le FPÖ en Autriche, ont applaudi la victoire de Trump à travers l’Europe.
Ces formations peuvent-elles tirer parti de cette vague conservatrice venue d’Amérique? «Je ne pense pas que les Etats-Unis aient une influence si décisive», tranche Tanguy De Wilde d’Estmael, spécialiste en géopolitique à l’UCLouvain. Mais pour son collègue Michel Liégeois, professeur de relations internationales, le retour de Trump «ouvre le champ des possibles» en «normalisant» les succès de l’extrême droite. «Le cordon sanitaire perd de sa légitimité, ce qui dédiabolise ces partis et pourrait libérer les votes en leur faveur.»
L’économie: un enjeu qui dépasse les clivages politiques
En France, bien que de nombreux partisans du Rassemblement national se soient réjouis de la victoire de Trump, Marine Le Pen et Jordan Bardella ont adopté un ton très diplomatique en lui adressant simplement leurs «vœux de succès». La première insiste même sur la nécessité pour que «l’Europe se réveille», «à partir du moment où les Etats-Unis vont manifestement défendre de manière plus vigoureuse encore leurs propres intérêts».
Car Donald Trump a prévenu: il compte imposer des droits de douane généralisés sur tous les produits venus de l’étranger. Une mesure qui pourrait sérieusement affecter l’Union européenne (UE), principal fournisseur du marché américain avec un quart des importations. Si les produits agroalimentaires sont ciblés, «la France figurerait parmi les premiers Etats touchés», observe Thierry Braspenning-Balzacq, professeur de science politique à l’UNamur et à Sciences Po Paris. L’Allemagne, premier exportateur européen vers les USA, notamment dans le secteur automobile, serait également en difficulté.
Thierry Braspenning-Balzacq et Tanguy de Wilde d’Estmael soulignent que la Belgique est relativement moins exposée, car elle exporte surtout des services, mais le premier précise que «tous les pays de l’UE seront affectés, car nous appartenons à un marché unique». «La politique voulue par Trump représenterait aussi une manière de toucher les gros pays de l’UE pour intimider les petits.»
Ce contexte représente une épreuve pour l’UE, estime Thierry Braspenning-Balzacq. Si elle parvient à faire bloc, les États membres pourront défendre leurs intérêts communs. Une telle union permettrait à l’UE de riposter, confirme Tanguy de Wilde d’Estmael, avec des contre-mesures pour «démontrer l’inutilité d’une guerre commerciale».
C’est dans cet esprit d’unité que de nombreux dirigeants ont réagi à la victoire de Trump en Europe. «Nous allons œuvrer pour une Europe plus unie», a déclaré Emmanuel Macron après un échange avec le chancelier allemand Olaf Scholz. Les organisations patronales ont adopté un discours similaire. «L’Europe et la Belgique devront être plus autonomes», affirme la Voka, organisation patronale flamande, tandis que la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) appelle à «l’unité des États membres».
Sous Trump, l’Europe obligée d’organiser sa propre défense?
L’unité européenne est également cruciale dans le domaine militaire, en particulier face aux positions critiques de Donald Trump envers l’OTAN et l’Ukraine. Le républicain envisage de réduire les dépenses américaines consacrées à la protection du Vieux Continent, notamment vis-à-vis la Russie. En réponse, la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, la Finlande et la Suède appellent à renforcer la défense européenne et à maintenir le soutien à Kiev. «Il n’y a aucun autre sujet ayant une valeur aussi existentielle pour notre partie du monde», déclare Ulf Kristersson, Premier ministre suédois.
«Ces pays peuvent être inquiets, pointe Thierry Braspenning-Balzacq. Les Etats-Unis pourraient forcer l’Ukraine à accepter une paix qui lui serait défavorable, ce qui ne serait pas du tout rassurant pour les voisins de la Russie.» Toutefois, il rappelle que certains républicains restent très attachés aux relations transatlantiques et ne soutiendraient pas nécessairement une telle politique, laissant entrevoir un débat interne au sein du parti.
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Dans le cas le plus probable, Donald Trump pourrait au minimum réitérer ses critiques envers les pays européens qui ne respectent pas la contribution de 2% de leur PIB au budget de l’OTAN. Si les pays d’Europe de l’Est remplissent ce critère, la Belgique reste, avec le Luxembourg, la plus mauvais élève en la matière. Problématique pour le pays hôte du siège de l’Alliance.
Malgré ces tensions, Michel Liégeois estime qu’il n’y a pas de «risque existentiel» pour l’OTAN. «Quand bien même il voudrait l’affaiblir, il ne pourrait pas le faire en quatre ans de mandat. Se désengager de l’OTAN prend énormément de temps. Donc s’il y a des raisons de s’inquiéter sur l’un ou l’autre point, et que Trump peut commettre des énormités, je ne crois pas en un scénario catastrophe.»
«Il faut néanmoins toujours se préparer au pire en politique, objecte Thierry Braspenning-Balzacq. Si les décideurs ne font pas cet exercice, ça risque d’être très difficile sous Trump.» Ce jeudi, de nombreux dirigeants européens se réunissent justement pour un sommet en Hongrie, qui assure actuellement la présidence tournante de l’UE. Un premier test pour leur positionnement face au retour annoncé du républicain.
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