Etats-Unis : ces républicains plus trumpiens que Trump
L’élection chahutée de Kevin McCarthy comme speaker de la Chambre illustre les divisions des républicains et la force de nuisance de ses membres les plus radicaux. Un nouveau coup contre la démocratie.
La demi-déroute essuyée par le Parti républicain américain, et plus précisément sa faction «pro-Trump», lors des élections de mi-mandat du 8 novembre 2022 n’a pas incité les éléments les plus extrémistes des conservateurs à faire profil bas, bien au contraire. L’attitude d’un groupe d’une vingtaine de «frondeurs» hostiles à la nomination du député républicain californien Kevin McCarthy comme speaker de la Chambre des représentants illustre combien le parti repose plus que jamais sur des bases idéologiques branlantes, et cela même si le processus a finalement trouvé une issue dans la nuit du 6 au 7 janvier avec l’élection du candidat.
D’un côté, figurent les partisans, nombreux, d’un «retour à la normale», après six années d’une empreinte profonde de Donald Trump sur le parti ; de l’autre, une portion restreinte d’hommes et de femmes politiques désireux d’ancrer les Etats-Unis à droite toute, fiscalement et idéologiquement. Ces derniers, qui jugent le nouveau speaker trop mou car trop au centre, sont parvenus, à travers cette épreuve de force, à s’octroyer les armes pour exercer, au cours des deux prochaines années, une pression maximale sur leur leader. Au rang des concessions forcées à la majorité raisonnable des députés républicains, on observe que le seuil fixé pour le dépôt d’une motion de défiance à l’égard du speaker s’établira désormais à un seul député, contre cinq auparavant, et que les membres du Freedom Caucus, le groupe le plus radical du parti, se verront attribuer des postes clés dans différentes commissions.
Les grands donateurs, indispensables rouages de la machinerie conservatrice, commencent à se détourner de Donald Trump.
Joe Biden, grand gagnant?
Ce désaccord idéologique de fond risque de fragiliser durablement le parti dans son opposition au programme du président Biden, raison pour laquelle Donald Trump lui-même a tenté d’influer sur les insurgés pour les pousser à privilégier l’unité contre les démocrates. C’est un élément dont l’ancien président espère tirer profit dans sa course à une nouvelle présidence en 2024, bien qu’elle s’annonce semée d’embûches. Joe Biden pourrait ainsi être le grand gagnant de la zizanie au sein du Parti républicain, lui qui a prévu d’annoncer dans les prochaines semaines s’il compte se représenter ou pas à la prochaine élection présidentielle.
C’est finalement une leçon à tirer des élections de mi-mandat: même si elles n’ont pas été le succès espéré pour les républicains, elles ont donné temporairement plus de poids et de pouvoir de nuisance à la frange trumpiste du parti. Pour longtemps? Difficile à déterminer à ce stade. Est-ce parce que Donald Trump a participé à faire rentrer dans le rang les récalcitrants? Toujours est-il que son étoile semble faiblir dans la galaxie conservatrice, et les différents députés s’en réclamant pourraient pâtir d’un affaiblissement progressif de son influence.
L’attrait d’une autre candidature
Plusieurs éléments l’expliquent. Premièrement, Donald Trump, éloigné de la lumière des projecteurs, commence à se faire oublier, voire, ce qui est pire pour lui, à fatiguer. Ses récentes interventions médiatiques, entre autres sur son souhait de voir modifier les règles électorales inscrites dans la Constitution, ont achevé d’irriter certains membres du parti. Mais pas seulement. Les grands donateurs, indispensables rouages de la machinerie conservatrice, également exaspérés des ennuis en tous genres de Trump, commencent à se détourner de lui, pour se concentrer sur Ron DeSantis, triomphalement réélu gouverneur de Floride en novembre, et qui semble se positionner comme la nouvelle égérie du camp conservateur. Enfin, les électeurs républicains eux-mêmes semblent, dans leur majorité, lassés de l’ancien président: deux tiers désirent voir une autre figure se présenter au prochain scrutin présidentiel.
Le Parti démocrate ne contrôlant plus que le Sénat, il est acquis que, durant ses deux dernières années de mandat, le président Biden ne pourra plus faire passer de législation d’envergure. Les grandes promesses de mettre sur pied une loi fédérale protégeant le droit à l’avortement, une loi sur la protection du droit de vote des minorités ou encore une législation volontariste sur les armes à feu ne verront pas le jour. Mais le contrôle du Sénat, précisément, permet aussi à la gauche de ne pas se voir attaquer plus que de raison par les républicains, même si ces derniers étaient désireux de détricoter le programme législatif du président.
Les républicains à l’offensive
Il reste donc aux conservateurs, comme ils s’y sont engagés, à lancer une série d’enquêtes sur la gestion, par l’administration Biden, de plusieurs dossiers «chauds», du retrait de l’ Afghanistan à la gestion de la pandémie de Covid-19. Mais aussi à multiplier les débats. Dans les prochains mois, de nombreux sujets seront abordés sous la supervision du speaker: relèvement du plafond de la dette publique, financement de l’Etat fédéral ou encore aide à l’Ukraine, les frondeurs républicains n’étant pas favorables à sa poursuite aux mêmes conditions.
On peut donc s’attendre à ce que les différentes politiques mises en place durant la première moitié du mandat de Joe Biden soient systématiquement attaquées, au même titre que les conclusions des travaux de la commission parlementaire sur l’insurrection au Capitole, le 6 janvier 2021, dont les conclusions sont accablantes pour l’ancien président. Les neuf membres de la commission ont, en effet, recommandé que Donald Trump soit poursuivi au pénal sur la base de quatre chefs d’accusation distincts. Il appartient désormais au ministre de la Justice et à Jack Smith, son procureur spécial, de se pencher sur le sujet. Avec des conséquences encore à déterminer.
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