Des émeutes surviennent en France tous les dix ou quinze ans. Ce n’est pas une fatalité. © getty images

Et si on misait sur ce que peuvent apporter les jeunes de banlieue ?

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le sociologue Jean Viard propose de miser sur la biculturalité des immigrés pour bâtir un projet de codéveloppement entre l’Europe, la Méditerranée et l’Afrique.

Comme tous les dix ou quinze ans, la France fut le théâtre, fin juin et début juillet 2023, d’émeutes émanant de ses banlieues. Une partie significative des violences enregistrées alors a pris pour cible des symboles de l’Etat. Cette dimension a contribué à prioriser la réponse du pouvoir dans le registre de la répression, balayant l’émotion suscitée par le meurtre du jeune Nahel Merzouk par un policier et le questionnement récurrent sur la gestion par les forces de l’ordre des «quartiers difficiles». Le sociologue Jean Viard ne se résout pas à ce qu’une nouvelle irruption de violence se reproduise dans dix ans ou avant, et propose d’explorer une voie d’apaisement dans son essai sous forme de cri d’alarme, Une émeute est le langage de ceux qui ne sont pas entendus (1).

Plus nous sommes inhospitaliers aux enfants des anciennes colonies, plus le codéveloppement sera impossible.

L’auteur s’inscrit en faux contre l’idée, véhiculée par l’extrême droite, que la France est au bord de la guerre civile. La société est de plus en plus accueillante aux «étranges étrangers», assure-t-il sur la base d’une observation sur le temps long des sentiments de ses compatriotes. Il n’en constate pas moins que la France s’est évertuée à masquer la question postcoloniale depuis l’indépendance de l’Algérie, il y a plus de soixante ans. Il en donne pour preuve l’assignation des populations immigrées aux «quartiers» alors que l’utilisation du terme «faubourgs» (de la ville) consacrerait pour leurs habitants la possibilité d’une transition vers d’autres lieux de vie et donc, vers une plus grande intégration.

(1) Une émeute est le langage de ceux qui ne sont pas entendus. Pour une pensée postcoloniale positive, par Jean Viard, L’Aube, 128 p.
(1) Une émeute est le langage de ceux qui ne sont pas entendus. Pour une pensée postcoloniale positive, par Jean Viard, L’Aube, 128 p. © National

Il faut faire une place aux peaux brunes, martèle Jean Viard. Il s’agit d’une question de respect de l’autre mais aussi de défense des intérêts de tous. «Plus nous sommes inhospitaliers aux enfants des anciennes colonies, plus le codéveloppement sera impossible ; partant, plus l’Afrique et la Méditerranée seront pauvres et nous enverront par nécessité des vagues de plus en plus incontrôlables de migrants.» Ce codéveloppement par-delà la Méditerranée est crucial pour les Européens. Dans cette perspective, la centralité afro-méditerranéenne de l’immigration en France est un atout considérable qu’il faut faire fructifier «en faisant des jeunes biculturels un point d’appui et un point de force» dans «un monde où nous serons minoritaires en nombre physiquement et culturellement, mais où notre science, notre techno- logie, nos firmes, et notre éducation seront nos forces réelles.» Beau projet.

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