Entre Colombie et Panama, les migrants devant l’enfer vert: « J’ai peur qu’on m’oblige à retourner au Venezuela »
Malgré les dangers, les migrants sont de plus en plus nombreux à traverser le Darién. Une région montagneuse et recouverte de jungle, entre Colombie et Panama.
Penchée sur sa tente, Vanessa Perez ramasse une couverture gorgée d’eau tandis qu’elle tient sa fille d’à peine 18 mois avec l’autre bras. La journée ne fait que commencer mais le bob en toile vissé sur ses longs cheveux noirs tressés masque un regard déjà fatigué. La maman n’a presque pas dormi, sa fille et Jesus, son mari, non plus. «Il a plu une bonne partie de la nuit, soupire cette Vénézuélienne de 29 ans, qui désigne avec dépit la bâche noire qui sert de toit à sa famille. Cette tente n’est pas assez solide pour arrêter l’eau.»
Au matin du 24 novembre, Vanessa et Jesus ne sont pas les seuls à constater les dégâts causés par la pluie. Comme le jeune couple, des dizaines de migrants, en grande majorité vénézuéliens, dorment sur la plage de Necoclí, petit port de pêche qui domine la côte orientale du golfe d’Uraba, à l’ouest des Caraïbes colombiennes.
A la suite des intempéries, une eau brune serpente entre les abris de fortune, charriant les cendres du feu de camp allumé la veille et des morceaux d’emballages alimentaires, entre autres déchets. Les mieux lotis dorment dans des tentes de camping en toile synthétique. Les autres, comme Vanessa, s’abritent dans de fragiles structures constituées de bâches et de bouts de bois récupérés aux alentours.
Les Vénézuéliens, eux, ont rarement les moyens de s’offrir la «route VIP» vers le Panama, par la mer.
Situation économique catastrophique
Vanessa et sa famille vivent dans ces conditions depuis plus de trois mois. Leur objectif se trouve pourtant à plus de 3 500 kilomètres de là: les Etats-Unis, d’abord la frontière, puis New York où vit un cousin de Jesus depuis plusieurs années.
«J’espère qu’il pourra nous accueillir», souffle le père de famille de 24 ans, sans aucune certitude. Lui est originaire de Caracas, Vanessa de l’Etat de Lara, à l’ouest de la capitale. Le couple habitait depuis six ans à La Cruz, au Pérou, où Jesus travaillait dans les pêcheries pendant que Vanessa, infirmière de formation, gagnait l’équivalent de septante dollars par mois en tant qu’auxiliaire de laboratoire.
Au Pérou, la situation économique s’est dégradée depuis la pandémie de Covid-19. Au Venezuela, c’est encore pire. «Là-bas, tu travailles mais tu ne gagnes pas assez pour vivre normalement», lâche Jesus qui fustige «des prix qui changent tout le temps».
Selon les calculs de l’agence de presse Reuters, le pays devrait terminer l’année avec un taux d’inflation de 317,6%. Après des mois d’hésitation, la petite famille a pris la décision de partir, direction le nord du continent. Quatre mois passés sur les routes, principalement à pied et parfois en bus, les voilà à Necoclí. La prochaine étape de leur périple, l’une des plus dangereuses, se trouve au départ d’Acandí ou de Capurganá, de l’autre côté du golfe d’Uraba. Deux localités situées aux portes du Darién.
Nouvelle année, nouveau record
Le Darién s’étend sur environ 26 000 kilomètres carrés. Cette région, presque aussi grande que la Belgique, est constituée d’une jungle épaisse et montagneuse et correspond au seul tronçon encore inexistant de la célèbre Route panaméricaine, qui relie les champs pétrolifères de Prudhoe Bay en Alaska, à la Terre de feu argentine.
Les dangers qui le composent n’empêchent pas les candidats à l’exil de tenter la traversée. Au contraire: près de 460 000 migrants sont parvenus jusqu’au Panama depuis le début de l’année, selon les statistiques officielles, du jamais-vu depuis 2009, date à laquelle les services migratoires panaméens ont commencé à tenir un registre des arrivées. Dès le mois d’août, le chiffre, déjà record, de 250 000 en 2022 avait été battu. Depuis 2021, le nombre d’arrivées double chaque année et pourrait dépasser la barre des cinq cent mille fin décembre.
Une migration de plusieurs siècles
Les migrations humaines à travers le Darién remontent à plusieurs siècles. «Des vestiges datant de l’époque maya attestent de passages humains dans la région», confirme Marilou Sarrut, doctorante en géographie sociale au Centre d’études en sciences sociales sur les mondes africains, américains et asiatiques de Paris (Cessma) et spécialiste du sujet (1).
La chercheuse, qui a passé plusieurs mois dans la région, côté panaméen comme côté colombien, rappelle également que, dans les années 1980, des Colombiens fuyaient le conflit armé en empruntant cette route. «Il existait aussi une migration continue d’individus extracontinentaux, c’est-à-dire non-Américains, ajoute-t-elle. Il s’agissait d’un flux d’individus provenant du Népal, d’Inde ou d’Afrique, par exemple, et géré par des réseaux de trafiquants internationaux spécifiques et professionnels.»
L’impact du Covid
Le flux restait cependant relativement faible et n’influençait que peu la vie des localités des deux côtés de la frontière. Entre 2010 et 2014, les autorités panaméennes enregistrent une moyenne de 2 400 arrivées par an. Au détour des années 2015 et 2016, la situation change: trente mille migrants passent côté panaméen, principalement des Cubains et des Haïtiens.
Les restrictions de visa imposées par les Etats-Unis et les pays d’Amérique centrale conjuguées à la pandémie de Covid-19 à partir de 2020 contraignent les migrants à emprunter la route du Darién. Avant de traverser, ils s’agglomèrent à Necoclí ou Turbo, une cinquantaine de kilomètres plus au sud.
Des migrants chinois
En septembre 2021, douze mille Haïtiens, soit l’équivalent du tiers de la population de Necoclí, se retrouvent bloqués en ville, faute de pouvoir obtenir un ticket de lancha, les petits bateaux qui traversent quotidiennement le golfe d’Uraba. Assise à l’ombre du bougainvillier – un arbre aux fleurs rose fuchsia – planté à l’entrée de sa maison, Gloria, qui vit à Necoclí depuis plus de 25 ans et y loue quelques chambres simples mais à la propreté impeccable, se souvient avec amusement du jour où les Haïtiens ont manifesté pour que les autorités les laissent passer: «Ils défilaient dans la rue avec des pancartes qui disaient “Laissez-nous passer” et criaient “Liberté! Liberté!”. On n’avait jamais vu ça.»
Gloria n’en revient toujours pas du nombre de nationalités différentes qu’elle a vu défiler chez elle ces dernières années. «Des Afghans, des Indiens, des Turcs, des Equatoriens et j’en passe», énumère la sexagénaire. En cette fin de mois de novembre, et mis à part les Vénézuéliens, ce sont les Chinois qui forment le contingent le plus important.
« Pourquoi passer par Darién? »
«Quand ils ont commencé à arriver, les gens ici n’en croyaient par leurs yeux, poursuit Gloria. Pour nous, la Chine est une grande économie, un pays qui se développe. Partir aux Etats-Unis, d’accord, mais pourquoi passer par le Darién?»
Plus aisés financièrement, les migrants chinois se permettent de prendre un hébergement pour se reposer avant de reprendre la route. Le 26 novembre dernier, une famille et deux hommes ont d’ailleurs loué des chambres chez Gloria. L’un deux, un jeune homme de 23 ans, accepte de raconter son voyage mais souhaite rester anonyme: «Si les autorités chinoises parviennent à m’identifier, elles peuvent s’en prendre à ma famille restée en Chine.»
Migrer pour « vivre librement »
Le jeune homme n’a personne pour l’accueillir aux Etats-Unis, pays dans lequel il n’a jamais réussi à obtenir de visa, mais veut rejoindre Las Vegas et y trouver du travail. Originaire de Canton, il a d’abord rejoint Casablanca, au Maroc, avant d’atterrir à Quito, le 9 novembre. «Quand vous partez de Chine, vous êtes obligé de faire des détours pour ne pas attirer l’attention des autorités. Si elles ont un doute, elles vous empêchent d’embarquer.»
Après plusieurs escales dans des aéroports colombiens, il atteint finalement Necoclí. S’il concède ne pas être «une cible des autorités chinoises», le jeune homme affirme avoir pris le chemin de l’exil pour des raisons politiques: «Depuis la pandémie, les libertés sont encore plus réduites en Chine. Je ne suis pas d’accord avec le contrôle que le gouvernement exerce sur nos vies et cela finira par m’attirer des ennuis. Je veux rejoindre les Etats-Unis pour pouvoir vivre librement.»
Un business florissant
Les habitants de Necoclí ont vite compris qu’ils pourraient tirer profit de ces nouveaux venus aux poches plus ou moins remplies de dollars. Dans la rue principale, là où s’arrêtent les autocars en provenance de Montería et Medellín, les magasins de camping se suivent et se ressemblent.
Assise derrière la caisse de son magasin, Angelica attend les premiers clients de l’après-midi. La jeune femme propose des tentes deux places à 68 000 pesos (quinze euros), des réchauds à gaz à 90 000 pesos (vingt euros) ou encore des petites lampes de poche à 15 000 pesos (3,50 euros). «Ce qui part le mieux, ce sont ces protections pour téléphone portable», précise la vendeuse en désignant des pochettes imperméables en plastique.
Pourtant, le succès rapide de ces boutiques commence à retomber. «Au début, c’était un très bon commerce mais maintenant, la concurrence est très forte, soupire Angelica. Voici quelques années, personne ne vendait ces produits. Aujourd’hui, on les trouve partout.»
Quand ils ont commencé à arriver, les gens ici n’en croyaient par leurs yeux.
Malgré la concurrence, l’écrasante majorité des habitants de Necoclí s’accorde à dire que l’arrivée des migrants a revitalisé l’économie de la ville. Avant, l’activité tournait essentiellement autour de la pêche et du tourisme, mais sans commune mesure avec d’autres destinations plus réputées de la côte caraïbe colombienne.
Le tourisme de la migration
Le secteur de l’hébergement touristique a largement profité du passage de ces «touristes» d’un genre particulier. «Quand les Haïtiens sont arrivés, ils avaient de quoi payer un logement», raconte Gloria. La vieille dame, aux cheveux fins et grisonnants, poursuit son récit: «Tout le monde s’était mis à leur louer une chambre. Certains sont même retournés vivre chez leurs parents pour pouvoir louer toute la maison et se faire plus d’argent!»
Son jeune locataire chinois est arrivé à Necoclí déjà bien équipé. Il a tout de même acheté une pochette pour protéger son téléphone et des pastilles de purification d’eau. Il fait attention à ses dépenses: sans compter les billets d’avion, il a déjà déboursé huit cents dollars aux passeurs pour rejoindre le Panama.
La « route VIP »
A ce prix-là, l’un des plus élevés «proposés» à Necoclí, il empruntera la route plus sûre jusqu’au pays voisin, celle qui passe par Capurganá, puis par la mer, pour finalement accoster aux villages de Carreto ou Calidonia, au Panama.
Les Vénézuéliens, eux, ont rarement les moyens de s’offrir cette «route VIP» comme l’appellent communément les organisations humanitaires présentes à Necoclí. Ce sont pourtant, de loin, les plus nombreux. Leur nombre a explosé depuis 2021. Deux ans plus tard, ils représentent plus de la moitié des migrants qui traversent le Darién.
La débrouille des migrants
Comme tous les matins, aux alentours de 7 heures, l’embarcadère de Necoclí entre en ébullition. Pedro Carrillo se fraie un chemin entre les touristes et les autres voyageurs qui s’apprêtent à partir pour Capurganá ou Acandí.
L’homme, âgé d’une trentaine d’années, aborde les passagers prêts à grimper dans la lancha pour leur vendre des sacs-poubelle qui protégeront leurs bagages le temps de la traversée. «J’essaie de faire un petit peu d’argent comme je peux, mais je sais déjà que ce ne sera pas suffisant pour payer la traversée du Darién», regrette-t-il.
Le golfe d’Uraba est une zone sous l’influence des paramilitaires du Clan del Golfo. Issu du conflit armé, le groupe est surtout connu pour son implication dans le trafic de cocaïne mais ses activités s’étendent bien au-delà. Pour les habitants de Necoclí, cela ne fait aucun doute que ce sont eux qui régulent le flux migratoire et fixent les prix pour traverser le Darién, une région abandonnée par l’Etat colombien.
La faim plus forte que la peur
«Pour passer, on me demande de payer le bateau jusqu’à Acandí ou Capurganá, en plus d’un impôt de quatre-vingts dollars à Necoclí, puis un autre, de 170 dollars, une fois de l’autre côté du golfe, avant de commencer à marcher, détaille Pedro Carillo. Ce sont presque trois cents dollars, alors que je n’ai même pas de quoi payer la nourriture pour mes enfants.»
Lui et sa famille se rendent quotidiennement aux cantines gérées par les ONG pour manger à leur faim. «Sans cette aide, je ne sais pas comment nous ferions», reconnaît le père de famille.
La route la moins chère, celle qu’emprunte la majorité des Vénézuéliens, est aussi la plus dangereuse. A Capurganá, les guides prennent des allures de tour-opérateurs. Lunettes de soleil sur le nez et gilet coloré sur les épaules, ils attendent les migrants à la descente de la lancha, au milieu des touristes en short et claquettes qui slaloment entre les palmiers en direction de l’une des plages qui composent le paysage paradisiaque de ce petit bout du monde.
Le « trou »
L’atmosphère n’est toutefois plus la même depuis que le flux migratoire s’est intensifié et qu’il s’est, en quelque sorte, institutionnalisé. «Tu serais venu il y a quatre ou cinq ans, tu n’aurais presque pas vu de motos, juste des mules. Capurganá était très calme, raconte la gérante d’un restaurant qui ne souhaite pas révéler son identité. Aujourd’hui, elles n’arrêtent pas d’aller et venir.»
Quand les migrants posent pied à terre, les guides les dirigent directement vers l’un des deux refuges qu’ils gèrent à Capurganá. Ensuite, ils prendront le chemin du hueco, le «trou», comme certains locaux surnomment le Darién, pour rejoindre les localités de Canaán Membrillo puis de San Vicente, où l’administration panaméenne reçoit les arrivants dans l’une de ses stations de réception migratoire (ERM). La traversée prend entre quatre et dix jours mais peut aussi durer plusieurs semaines, selon certains témoignages recueillis par les ONG présentes au Panama.
Le faux «no man’s land»
Le Darién a beau être une région isolée, escarpée et sans réseau téléphonique, sa réputation de «no man’s land» est erronée, insiste Marilou Sarrut. «C’est une zone hors du contrôle étatique mais qui a ses propres codes, souligne l’anthropologue. Côté panaméen, il existe une multitude de bandes armées, peu hiérarchisées, qui y règnent par la terreur.»
En plus des risques naturels et de maladies – malaria, maladies liées à la consommation d’eau non potable, etc. – qu’implique la traversée de la jungle, les migrants témoignent de scènes de racket, de violences physiques et d’assassinats.
L’ONG Médecins sans frontières a par ailleurs dénombré plus de deux cents cas de violences sexuelles depuis le début de l’année 2023. Selon l’ONG Human Rights Watch, 253 migrants sont morts entre 2014 et 2021 durant la traversée, un chiffre qui ne représenterait qu’une fraction du nombre des victimes réelles, précise toutefois l’organisation.
Renoncer n’est pas une option
Ces dangers n’effraient pas Pedro Carrillo, qui compte bien traverser le Darién avec ses deux garçons âgés de 3 et 7 ans. «Ce dont j’ai peur, ce n’est pas de la jungle, assure-t-il en regardant ses enfants qui jouent sur la plage. Ce dont j’ai peur, c’est de rester ici et d’avoir faim, c’est de ne pas avoir de travail, qu’on m’oblige à retourner au Venezuela, là où il n’y a même plus de santé ou d’éducation pour mes enfants.»
La vingtaine d’ONG qui travaille à Necoclí est consciente que renoncer au voyage n’est pas une option pour les migrants arrivés jusqu’ici. Plutôt que de les convaincre de changer leurs plans, elles s’efforcent de leur fournir l’aide nécessaire à leur survie à Necoclí et à la préparation de la suite du voyage.
Jamais dans ma vie je n’ai vu un problème sans solution, mais je n’en vois aucune à celui-ci.
Le soutien humanitaire
A quelques mètres de l’embarcadère, la fondation Sahed et l’Unicef tiennent une boutique humanitaire où les personnes migrantes peuvent venir chercher des biens de première nécessité. A l’intérieur du petit local, les étagères de serviettes hygiéniques suivent celles de pastilles de purification d’eau et les paquets de couches. Les parents ont droit à cinq couches par jour et par enfant.
Malgré l’insistance de certaines familles, le personnel humanitaire reste strict sur les quantités données: il a remarqué que certaines personnes revendaient la marchandise à l’intérieur du campement pour se faire quelques pesos. Des messages de prévention, allant des bonnes pratiques en matière de consommation d’eau à comment éviter les risques de séparation familiale une fois dans la jungle, sont inscrits sur tous les produits distribués.
Un flux migratoire contrôlé
En plus des crises politique et économique internes aux pays d’origine des migrants (Haïti, Venezuela, etc.), le problème de fond qui alimente la route du Darién reste les politiques migratoires étasuniennes et des pays d’Amérique centrale.
Pour les ressortissants de nombreux pays sud-américains ou caribéens, obtenir un visa pour le Mexique ou les pays voisins est très difficile et traverser le Darién demeure leur seule alternative. Plutôt que d’ouvrir de nouvelles voies légales de migration, les Etats-Unis font pression sur leurs voisins latinos pour tenter de limiter le flux. Sous l’influence de l’Oncle Sam, le Panama et le Costa Rica ont adopté, ces dernières années, une stratégie dite de «flux contrôlé» qui consiste à limiter les départs vers le nord du continent et ainsi éviter un afflux massif de migrants à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis.
La crise migratoire va « détruire New York »
En avril dernier, les gouvernements colombien et panaméen se sont également accordés sur une déclaration commune en matière de migration dont l’un des objectifs est de mettre fin aux passages illégaux de biens et de personnes à travers le Darién.
L’accord a été conclu quelques jours après la visite de hauts fonctionnaires américains dans la région. Le 7 octobre, Eric Adams, le maire de New York, s’est lui-même rendu à Necoclí, pour constater la situation. Un mois plus tôt, et après avoir indiqué que 110 000 demandeurs d’asile étaient arrivés dans sa ville depuis avril 2022, le maire avait déclaré: «Jamais dans ma vie je n’ai vu un problème sans solution, mais je n’en vois aucune à celui-ci», allant jusqu’à dire que la crise migratoire allait «détruire New York».
Fermer la route du Darién semble pourtant utopique compte tenu «du nombre d’acteurs présents sur ce territoire et des tensions locales et géopolitiques qu’une telle mesure impliquerait», commente Marilou Sarrut. Quand bien même le Panama et la Colombie trouveraient le moyen d’en interdire l’accès, les différentes expériences migratoires à travers la planète montrent que la fermeture de routes migratoires engendre l’ouverture de nouvelles.
«Ce sont des routes de plus en plus longues, de plus en plus dangereuses, mais la réalité est que les personnes continueront à migrer, constate la chercheuse. Les migrants trouveront toujours le moyen de passer.» Ni Vanessa, Jesus ou Pedro ne la contrediront. Assis sur le petit muret qui borde l’embarcadère, ils regardent par-delà l’horizon, le regard fixé vers le Darién.
(1) «Briser le mythe de la «jungle qui tue»: analyse du rôle des intermédiaires dans la traversée du Darién (frontière Colombie-Panama)», par Marilou Sarrut, Revue européenne des migrations, vol. 39 num. 4, décembre 2023.
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