Engagements éthiques dans l’industrie minière: réel tournant ou poudre aux yeux?
L’industrie minière, accusée d’être l’une des plus polluantes et dangereuses au monde, dit vouloir adopter des pratiques plus éthiques, mais les associations de défense de l’environnement et des droits humains dénoncent des paroles vaines.
Il y a quelques jours, le Conseil mondial de l’or (CMO) a publié des principes d’extraction responsables, appelant ses membres à « s’opposer à la corruption », « respecter les droits humains des employés et communautés » ou encore « protéger les écosystèmes fragiles ».
Le London Metal Exchange (LME), plateforme boursière consacrée aux métaux industriels, avait déjà proposé à ses utilisateurs des normes pour une meilleure traçabilité des matières premières.
Certaines entreprises, comme le plus gros producteur mondial d’or Barrick Gold, affirment déjà respecter, voire dépasser, les principes du CMO, ou font la publicité de projets « responsables », comme les groupes industriels BMW, BASF et Samsung viennent de le faire pour le cobalt en RDC.
Mais les ONG et experts sont sceptiques. « Les déclarations de ce type sont d’importantes expressions de bonne volonté (…) mais il est crucial de joindre le geste à la parole », a expliqué à l’AFP Lucy Graham, de l’ONG Amnesty International.
Plus critique, Jamie Kneen, de l’ONG canadienne MiningWatch, dénonce « un énième effort pour blanchir la réputation » du secteur.
– Batailles stratégiques –
Minéraux et terres rares comme le cuivre, le lithium ou le nickel sont essentiels dans la fabrication des voitures électriques ou de panneaux solaires et leur demande ne cesse de grimper.
Ils font l’objet de batailles entre grandes puissances, qui cherchent à dominer les technologies et énergies du futur, mais leur exploitation dans des pays parfois peu soucieux du respect des droits humains ou environnementaux fait régulièrement les gros titres pour ses ravages.
Parmi les derniers en date, l’effondrement d’une mine artisanale affiliée au géant suisse Glencore et la rupture d’un barrage du brésilien Vale, qui a fait au moins 270 morts et disparus. L’industrie des terres rares était aussi pointée du doigt après qu’un site d’extraction en Mongolie intérieure eut déversé des détritus toxiques dans le lac artificiel de Baotou.
Pour Eniko Horvath, chercheuse au centre de réflexion britannique spécialisé BHRRC, ils doivent en faire beaucoup plus pour contrôler le respect de droits humains « à tous les échelons de leurs chaînes d’approvisionnement ».
Les militants des droits de l’homme critiquent aussi le caractère non contraignant de ces normes.
Amnesty International souhaite ainsi « la mise en place de lois qui obligeront légalement l’industrie à miner (…) de manière responsable et transparente », insiste Lucy Graham. Même dans certains pays comme les Etats-Unis ou le Brésil, les gouvernements vont plutôt dans le sens de plus de dérégulation des activités minières.
Afin de mettre les sociétés face à leurs responsabilités, le BHRRC a créé début septembre un site internet dédié, le Transition Minerals Tracker.
Il répertorie les allégations d’atteintes aux droits humains des plus grosses compagnies productrices de six minéraux clés de la transition écologique, dont le manganèse ou le zinc.
Glencore y figure en mauvaise place avec environ 60 allégations. L’une des motivations des entreprises pour prendre des mesures éthiques pourrait être la préservation de leur cours de Bourse, à l’heure où la responsabilité des entreprises fait de plus en plus les gros titres.
Pour l’instant, les catastrophes minières ont eu un effet mitigé: le titre de Glencore avait chuté puis rapidement rebondi lors de l’effondrement de la mine à Kolwezi, mais l’action de Vale a plus de mal à se remettre.
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