En Ukraine, le « brouillard de la guerre » en attendant l’offensive
Les Ukrainiens multiplient les opérations sur et à l’arrière de la ligne de front. Le leader de Wagner sème le doute sur les capacités de l’armée russe. Info ou intox?
Préparatifs d’une grande offensive ou actes ordinaires d’une confrontation figée? Bien informé est celui qui peut décrypter les derniers «développements» du conflit en Ukraine. Les belligérants entretiennent stratégiquement le flou, voire la confusion, sur leurs potentiels préparatifs offensifs ou défensifs. L’intérêt est, le cas échéant, de tromper l’ennemi sur les projets. Sur les attentes en revanche – les prétentions, diront certains – le niveau est élevé: «Le timing et la localisation de la contre-offensive ne sont pas importants, a expliqué, le 8 mai, le vice-ministre ukrainien de la Défense, Volodymyr Havrylov. Mais je ne serais pas surpris si un jour, peut-être en mai ou en juin, nous assistions à quelque chose qui contribuera immédiatement à l’effondrement de la stratégie russe ou de son armée, de son économie.»
En mai ou juin, peut-être assisterons-nous à quelque chose qui contribuera à l’effondrement de l’armée russe.
On en est loin. Tout juste peut-on penser qu’une série d’actions perpétrées ou supposées commises par les Ukrainiens relève des préparatifs de la contre-offensive. Des attaques contre les infrastructures énergétiques de la Russie en Crimée ou dans son environnement proche: le 29 avril, contre un dépôt de carburant dans le port de Sébastopol, siège de la marine russe ; le 2 mai, contre un site pétrolier dans le village de Volna et, deux jours plus tard, contre une raffinerie de pétrole à Ilskii, deux localités de la région de Krasnodar, dans la continuité russe de la péninsule criméenne. D’autres opérations contre la logistique russe, notamment le déraillement, à la suite d’explosions, de deux trains près de la ville de Briansk, dans l’oblast du même nom, contiguë au nord de l’Ukraine. Une succession de petites attaques le long de la ligne de front depuis le delta du Dniepr jusqu’à la ville de Koupiansk, au nord dans la région de Kharkiv, comme si les Ukrainiens voulaient démultiplier les zones où les Russes devraient renforcer leur défense. Et puis, mise en évidence par la partie russe, une succession de bombardements sur des localités proches de la ligne de front dans le secteur de Zaporijia, là même où les experts militaires situent la partie du territoire ukrainien où une contre-offensive serait la plus opportune parce que, couronnée de succès, elle romprait la continuité de l’occupation russe.
C’est notamment dans cette zone que les forces russes continuent de transférer des équipements militaires, des munitions et du ravitaillement, selon l’Institut pour l’étude de la guerre, à Washington (ISW). Le renforcement de l’infrastructure de défense sur la ligne de front dans l’oblast de Zaporijia raréfie-t-il l’approvisionnement en d’autres endroits? On a cru en déceler la confirmation sur le front de Bakhmout quand le chef du groupe de mercenaires Wagner, Evgueni Prigojine, s’est plaint, en termes fleuris et moyennant une mise en cause personnalisée du ministre de la Défense Sergueï Choïgou et du chef d’état-major de l’armée Valeri Guerassimov, du manque de munitions à la disposition de ses hommes. C’était le 4 mai. Le lendemain, il menaçait de retirer ses troupes de la ville martyre du Donbass. Le 7 mai, il assurait que la hiérarchie militaire lui avait promis les munitions voulues. Deux jours plus tard, remobilisé sur la bataille de Bakhmout, il prétendait que des soldats de l’armée russe avaient fui le front, mettant ses hommes en danger…
Les stratèges militaires parlent du «brouillard de la guerre» qui peut être entretenu sciemment avant une offensive. On est en plein dedans. Mais il n’est pas sûr que, côté russe, il ne reflète pas une réalité et le signe avant-coureur d’un effondrement.
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