En Turquie, dénoncer les « terroristes » contre de l’argent est de plus en plus courant
Un article du journal Le Monde nous apprend que les délations anonymes se multiplient en Turquie depuis le « putsch » manqué de juillet 2016. Et ce ne sont pas les djihadistes du groupe Etat islamique qui sont les plus dénoncés.
Dénonciations contre rémunérations, voilà une pratique de plus en plus courante en Turquie. Depuis le coup d’Etat manqué le 15 juillet 2016, les cas de « délation contre rémunération » se multiplient. Le gouvernement a lui-même mis en place ce système, près d’un an avant le coup d’Etat avorté, via trois numéros d’urgence. Les dénonciations sont également possibles depuis l’étranger, en passant par les consulats et les ambassades.
Les dénonciations sont anonymes, et les rémunérations se font exclusivement en liquide, la somme pouvant aller de 2300 à 980.000 euros. Les tarifs, qui sont clairement indiqués sur le site du ministère de l’Intérieur, dépendent évidemment de la fiabilité des informations fournies et du niveau de dangerosité de la personne dénoncée.
Qui sont les « dénoncés »?
On apprend que les photos, la date et le lieu de naissance de tous les suspects sont consultables. Les autorités ont décidé de classer ces mêmes suspects selon plusieurs « catégories ». Les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) constituent le premier groupe en termes d’importance, suivi des sympathisants du prédicateur Fethullah Gülen, que la Turquie considère comme le « cerveau » de la tentative de coup d’Etat de 2016. Le groupe terroriste Etat islamique n’arrive qu’en troisième position, alors que, semble-t-il, il existe de nombreuses cellules dormantes de l’organisation sur le territoire.
« Au total, ce système nous a permis de neutraliser 609 terroristes. Grâce à la dénonciation de nos citoyens, nous avons réussi à éviter de nombreux attentats », a indiqué la police turque dans un communiqué il y a une dizaine de jours.
L’article du Monde nous apprend que la majorité des 140.000 fonctionnaires évincés après la tentative de coup d’Etat de juillet 2016, l’ont été sur base de dénonciation de leurs collègues. De plus, les dossiers d’inculpation des 50.000 personnes arrêtées depuis l’instauration le 20 juillet 2016 de l’état d’urgence pullulent de nombreux témoignages émanant d’informateurs anonymes.
Depuis son officialisation, environ un an avant le putsch manqué de juillet 2016, sur arrêté du ministère de l’Intérieur, la pratique de délation rémunérée a semble-t-il pris une place considérable dans la vie quotidienne turque. Cette décision, prise pendant une période de troubles politiques (Erdogan avait échoué à obtenir une révision constitutionnelle vers un régime hyper-présidentiel, en plus d’avoir perdu, pour la première fois en 12 ans, la majorité absolue au Parlement), était, déjà, à l’origine, présentée comme un moyen efficace pour lutter contre le terrorisme.
La mise en service à Istanbul, depuis juillet dernier, d’une nouvelle application mobile pour les taxis (appelée »I-Taksi »), qui sont équipés de micros et de caméras, n’a pas arrangé les choses et n’a fait qu’exacerber les craintes importantes liées à ce système de délation généralisée. Beaucoup dénoncent, de plus, une atteinte claire à la vie privée.
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