Liz Truss fait volte face, mais n’entend pas démissionner
Sur la sellette après seulement 38 jours au pouvoir, la Première ministre britannique Liz Truss, s’est dit « absolument déterminée » à mener à bien sa politique de soutien à la croissance, malgré les critiques croissantes, même dans son propre camp, contre sa stratégie économique. Elle a tout de même limogé son ministre des Finances, Kwasi Kwarteng, désormais remplacé par Jeremy Hunt.
La Première ministre britannique Liz Truss, est « absolument déterminée à tenir la promesse que j’ai faite d’obtenir une croissance plus forte, un Royaume-Uni plus prospère, et de sortir de la tempête que nous traversons », a-t-elle déclaré lors d’une courte conférence de presse.
La Première ministre, dont le gouvernement semble au bord de l’implosion, s’est s’exprimer dans un contexte particulièrement tendu. Selon la presse britannique, certains députés de son propre camp sont déjà à la manœuvre pour l’évincer, face à des sondages désastreux qui annoncent une défaite cuisante de la majorité avant les prochaines élections générales prévues en 2024. Le ministre britannique des Finances, Kwasi Kwarteng, aurait quant à lui été démis de ses fonctions ce vendredi, ont annoncé les médias britanniques.
En fin de matinée, M. Kwarteng s’était rendu à Downing Street, après être rentré plus tôt que prévu de Washington où il participait aux réunions annuelles du FMI (Fonds monétaire international) et de la Banque mondiale. Jeudi, il s’était dit persuadé qu’il resterait à son poste.
Le plan budgétaire du désormais ex-ministre des Finances Kwasi Kwarteng, annoncé le 23 septembre et qui prévoit des dizaines de milliards de baisses d’impôts sans financement clair a en effet déstabilisé les marchés, fait chuter la livre et profondément affaibli le gouvernement de Liz Truss.
Vendredi, le président de la commission du Trésor au Parlement Mel Stride a plaidé pour une révision rapide de son « mini-budget ». « Nous avons atteint un stade où nous avons besoin d’un signal très puissant vers les marchés (pour montrer que) la crédibilité budgétaire est fermement de retour », a-t-il déclaré sur la BBC.
M. Kwarteng aura occupé le poste de chancelier de l’Échiquier pendant 38 jours.
Jeremy Hunt nommé ministre des Finances
Jeremy Hunt a été nommé ministre des Finances par la Première ministre Liz Truss pour remplacer Kwarteng. Ancien ministre des Affaires étrangères et de la Santé, Jeremy Hunt, 55 ans, était candidat cet été pour succéder à Boris Johnson comme Premier ministre, avant de se rallier à Rishi Sunak face à Liz Truss.
Camarade de Boris Johnson et de David Cameron à l’Université d’Oxford, M. Hunt, jugé peu charismatique, est l’une des rares personnalités à avoir ouvertement défié l’ex-Premier ministre lors du vote de confiance en juin. En 2019, il avait perdu face à Boris Johnson lors de l’élection pour la direction du parti.
« Idée désastreuse »
Alors que le congrès conservateur avait déjà été marqué au début du mois par les tensions et dissensions internes, certains élus conservateurs évoquent désormais en privé des noms pour remplacer Liz Truss.
Un ticket Rishi Sunak-Penny Mordaunt, deux candidats battus par Mme Truss dans la course à Downing Street, serait évoqué, selon la presse.
M. Sunak, ancien ministre des Finances, était le candidat préféré des députés conservateurs, mais la décision finale revenait aux membres du parti, qui ont élu Mme Truss début septembre, laquelle a ensuite écarté du gouvernement le camp Sunak.
Les Britanniques confrontés ces dernières semaines à des taux d’emprunt immobilier qui montent en flèche perdent confiance et patience.
50% veulent que le parti conservateur remplace Mme Truss. Près de la moitié (43%) des électeurs ayant voté pour le parti conservateur lors du dernier scrutin veulent aussi un nouveau Premier ministre. 66% pensent que les membres du parti ont fait le mauvais choix, selon un sondage YouGov pour The Times publié jeudi soir.
Vendredi matin, Downing Street ne semblait prêt à aucune inflexion et le secrétaire d’Etat au commerce Greg Hands a affirmé qu’il n’y avait « absolument aucun plan pour changer quoi que ce soit » dans le mini-budget.
« La Première ministre et le ministre des Finances sont absolument déterminés à coller à leur plan de croissance », a-t-il affirmé sur la radio LBC.
« Changer de leader serait une idée désastreuse politiquement et économiquement », avait aussi averti jeudi le ministre des Affaires étrangères James Cleverly.
L’un des responsables de l’opposition travailliste, Ed Miliband, a quant à lui étrillé un « gouvernement qui s’effondre et une politique économique en lambeaux ». « Franchement je pense que le parti conservateur devrait avoir honte de ce qu’il fait subir au pays », a-t-il estimé sur Sky News.
Tenir jusqu’au 3 janvier pour éviter d’avoir « le plus court » mandat
Liz Truss devra conserver son poste de Premier ministre jusqu’au début de l’année prochaine si elle veut éviter que son mandat ne devienne le plus court de l’histoire britannique. La personne qui détient actuellement le titre est l’homme d’État conservateur George Canning, qui a passé 118 jours complets en tant que Premier ministre en 1827 avant de mourir en raison de problèmes de santé.
Liz Truss dépasserait ce nombre de jours le 3 janvier 2023. Il y a eu plusieurs premiers ministres qui, pour diverses raisons, n’ont pas réussi à tenir un an à ce poste. Parmi ceux-ci, deux Premiers ministres conservateurs au cours des 100 dernières années: Andrew Bonar Law, qui a accumulé 211 jours de 1922 à 1923 avant de démissionner en raison d’une mauvaise santé, et Alec Douglas-Home, qui a presté 364 jours en 1963-64 jusqu’à la perte d’une élection générale. Au 18e et au début du 19e siècles, il n’était pas rare que les premiers ministres britanniques ne servent qu’un ou deux ans, ou qu’ils fassent le travail pendant une courte période, ce qui fut le cas à diverses reprises.
Si Liz Truss dépasse, le 3 janvier prochain, la barre des 118 jours fixée par George Canning, d’autres prédécesseurs qu’elle peut viser à dépasser incluent le 4e duc de Devonshire, qui a été Premier ministre pendant 225 jours en 1756-1757, et le 2e comte de Shelburne, qui a réussi à atteindre 265 jours en 1782-83.
Entretemps, Kwasi Kwarteng a, de son côté, évité de justesse d’être le chancelier de l’Échiquier de l’histoire moderne le plus brièvement présent à son poste. Il a en effet accumulé 38 jours complets dans le rôle avant d’être limogé par Liz Truss – huit de plus que le conservateur Iain Macleod, décédé pendant ses fonctions après seulement 30 jours en 1970.
Les 38 jours tumultueux de Liz Truss à la tête du gouvernement britannique
Elle était vendredi au pouvoir depuis 38 jours. Voici les grandes dates de son arrivée tumultueuse à Downing Street:
7 juillet : Boris Johnson annonce sa démission après des mois de scandales mais reste à Downing Street le temps que son successeur soit nommé. Une campagne est lancée au sein du parti conservateur pour le remplacer. Huit candidats sont en lice, dont six seront éliminés lors de votes successifs des députés conservateurs qui choisissent les deux finalistes : Liz Truss, 47 ans, ministre des Affaires étrangères, et l’ancien ministre des Finances Rishi Sunak, 42 ans. Les deux candidats enchaînent débats et meetings tout l’été tandis que les membres du parti conservateur, auxquels revient le choix final, votent par correspondance.
5 septembre: Liz Truss, qui a fait campagne sur des baisses d’impôts pour relancer la croissance, emporte le scrutin des membres du parti par 81.326 votes, contre 60.399 pour Rishi Sunak : elle est ainsi élue par 0,2% du corps électoral britannique.
6 septembre: Elle devient officiellement Première ministre après avoir rencontré la reine Elizabeth qui lui demande de former un nouveau gouvernement.
8 septembre: Liz Truss annonce au Parlement un gel des prix de l’énergie. Son annonce est totalement éclipsée par le décès d’Elizabeth II, la vie politique s’arrête pour dix jours de deuil national.
23 septembre: Le ministre des Finances Kwasi Kwarteng annonce un « mini-budget » pour sortir de la crise à base de baisses d’impôts de dizaines de milliards de dollars au financement flou. Les marchés financiers s’affolent. Le 26, à la réouverture des marchés, la livre plonge à un plus bas historique.
28 septembre: Face à la panique financière, la Banque d’Angleterre annonce intervenir en urgence sur le marché obligataire face à un « risque important pour la stabilité financière du Royaume-Uni ».
29 septembre: L’institut de sondage YouGov annonce une avance de 33 points du Labour, le parti d’opposition travailliste, du jamais vu depuis la fin des années 1990. D’autres sondages annoncent également un désastre électoral pour les conservateurs, deux ans avant les législatives. Kwasi Kwarteng dit qu’il « maintient le cap ».
3 octobre: Lors du congrès du parti conservateur, marqué par les tensions et les dissensions, Liz Truss et Kwasi Kwarteng sont contraints à une première volte-face et renoncent à supprimer la tranche d’imposition la plus élevée, mesure extrêmement controversée de leur « mini-budget ».
5 octobre: Dans son discours au congrès conservateur Mme Truss insiste sur la « croissance, croissance, croissance », sans rassurer ni les plus sceptiques de son parti, ni les marchés nerveux.
10 octobre : M. Kwarteng avance au 31 octobre son plan budgétaire à moyen terme, initialement prévu fin novembre, censé expliquer comment le gouvernement va équilibrer les comptes.
12 octobre: Mme Truss exclut devant les députés toute réduction des dépenses publiques tout en promettant de maintenir les baisses d’impôts, ajoutant aux doutes sur sa politique.
13 octobre: Des conservateurs évoquent une liste de noms qui circulent pour la remplacer à Downing Street, 37 jours après son arrivée. Depuis Washington, Kwasi Kwarteng se dit sûr qu’il sera encore en poste dans un mois.
14 octobre: Kwasi Kwarteng, rentré en urgence de Washington, se rend à Downing Street et annonce peu après sur Twitter qu’il a été limogé.