En juin 2022, la gauche présentait un front uni pour les élections législatives. Alliance purement de circonstance? © getty images

En France, l’union à gauche sur le fil du rasoir

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Après l’«affaire Médine», les composantes de la Nupes se divisent sur le vivre-ensemble et sur la stratégie en vue des élections européennes.

Fini l’enthousiasme de l’étonnante et efficace alliance à gauche qui avait permis aux composantes de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes), forgée par le chef de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, d’assurer une présence de très honorable (66 députés LFI) à honorable (28 élus pour le Parti socialiste, quinze pour Europe Ecologie Les Verts, et douze pour le Parti communiste) à l’Assemblée nationale à l’issue des élections législatives des 12 et 19 juin 2022.

Quatorze mois plus tard, la rentrée politique est le révélateur des dissensions au sein de cette famille politique nostalgique du temps où la gauche, principalement socialiste, rivalisait avec la droite pour l’exercice du pouvoir. L’«affaire Médine», du nom du rappeur ayant eu des paroles et des attitudes controversées sur l’antisémitisme et sur l’homophobie, n’a que peu divisé la Nupes, même si elle a suscité des dissensions internes au sein de ses partis. Europe Ecologie Les Verts, le Parti communiste et La France insoumise ont maintenu l’invitation qui lui avait été faite de participer à leurs universités d’été respectives. Et le Parti socialiste n’en a pas rajouté dans la polémique née de la diffusion d’un nouveau tweet problématique (lire page 46).

Deux visions du respect de la laïcité… autour d’une question: cette abaya est-elle une tenue religieuse?

En revanche, un autre thème lié au vivre-ensemble va enflammer les passions et les divisions. L’interdiction du port de l’abaya à l’école, longue robe que revêtent les jeunes filles musulmanes, décidée par le nouveau ministre de l’Education nationale Gabriel Attal, fracture sérieusement le camp «progressiste». La France insoumise, qui a annoncé son intention de saisir le Conseil d’Etat, et Europe Ecologie Les Verts, y sont opposés. Le PS et le PC, qui ont voté en 2004 la loi d’interdiction du port de tenues religieuses à l’école, y sont favorables. Deux visions du respect de la laïcité… autour d’une question: cette abaya est-elle à proprement parler une tenue religieuse? Le Conseil français du culte musulman a jugé que non.

Enfin, thème si l’en est où les positions des partis français de gauche sont éloignées, l’Europe fournit un nouvel épisode de tensions. Et ce ne sont pas les questions de fond qui l’alimentent mais l’idée de présenter une liste commune aux élections européennes du 9 juin 2024. Présente aux «Amfis» de La France insoumise à Valence, Ségolène Royal, candidate à l’élection présidentielle de 2007, a dit sa disponibilité à mener une liste commune de gauche. Elle s’était déjà rapprochée de LFI en apportant son soutien à la candidature à la présidentielle de 2022 de Jean-Luc Mélenchon. Saluée par celui-ci, son initiative a suscité incrédulité ou irritation dans les autres formations politiques. Les verts et les communistes tiennent à présenter des listes autonomes lors du scrutin européen et ont déjà désigné leur leader, respectivement Marie Toussaint et Léon Deffontaines. Chez les socialistes, l’eurodéputé Raphaël Glucksmann, cofondateur du mouvement Place publique, est jugé favori pour conduire une liste soutenue par le parti comme il y a cinq ans. Mais un certain flou persiste, ce qui n’étonne pas de la part de son chef Olivier Faure. De quoi doper la volonté des «socialistes canal historique» de donner corps au projet de l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve de raviver, autour de son mouvement La Convention, une formation de gauche de gouvernement, en lutte contre l’emprise qu’opère La France insoumise sur le camp progressiste.

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