En Birmanie, la répression militaire fait un premier mort
La répression orchestrée par les militaires birmans a fait un premier mort vendredi, une jeune fille blessée par balle la semaine dernière devenue une icône pour les manifestants qui continuent à se mobiliser pour dénoncer le putsch.
Une bonne partie de la Birmanie s’est soulevée quand la junte a déposé la cheffe du gouvernement civil Aung San Suu Kyi le 1er février et l’a placée en résidence surveillée.
Les forces de sécurité birmanes ont montré leur détermination à réprimer tout mouvement de contestation en utilisant gaz lacrymogène, canons à eau et balles en caoutchouc pour disperser des rassemblements pacifiques.
Mya Thwate Thwate Khaing, 20 ans, a reçu une balle dans la tête au cours d’une manifestation violemment réprimée à Naypyidaw, la capitale administrative, le 9 février.
Depuis, des manifestants défilent avec sa photo et une bannière de 15 mètres de long à son effigie a été déployée sur un pont.
Washington exhorte la Birmanie à « ne pas faire usage de violence »
L’hôpital où elle a été admise a confirmé qu’elle était morte peu avant midi vendredi, après 10 jours passés en soins intensifs. Un responsable de cet établissement a précisé qu’un examen médical de son corps serait pratiqué.
Un service funèbre doit être organisé dimanche, a dit son frère à l’AFP.
Si les autorités ont affirmé que seuls des projectiles en caoutchouc avaient été utilisés pendant la manifestation, des membres du personnel médical de l’hôpital qui a accueilli des blessés ont raconté qu’au moins deux personnes avaient été touchées par des tirs à balles réelles.
L’ONG Amnesty International est quant à elle arrivée à la conclusion, après avoir analysé les images à sa disposition, que « la police avait imprudemment visé des protestataires, sans la moindre considération pour leur vie ou leur sécurité ».
La soeur de la jeune fille, Poh Poh, a de son côté lancé un appel : « Rejoignez, s’il vous plaît, le mouvement de protestation pour qu’il réussisse ». « C’est tout ce que je veux dire », a-t-elle lâché devant des journalistes.
« Nous te considérerons comme notre Martyre », a réagi un homme sur Twitter, où les commentaires indignés se multipliaient. « Nous te rendrons justice », a-t-il ajouté.
– L’UE « solidaire » des manifestants –
« Ils peuvent abattre une jeune femme mais ils ne peuvent voler l’espoir et la résolution d’un peuple déterminé », a écrit sur le même réseau social le rapporteur spécial de l’ONU pour les droits de l’homme en Birmanie, Tom Andrews.
L’Union européenne, dont les ministres des Affaires étrangères se réuniront lundi pour discuter des mesures qu’ils pourraient prendre contre la junte, a adressé ses condoléances aux proches de Mya Thwate Thwate Khaing et fait part de sa « solidarité avec le peuple » birman.
Bruxelles a à cette occasion « réitéré son appel aux forces de sécurité birmanes à s’abstenir de (toute) violence contre les manifestants protestant contre le renversement de leur gouvernement légitime », selon Nabila Massrali, une porte-parole de l’UE.
Le Royaume-Uni, l’ancienne puissance coloniale, a annoncé sanctionner pour de « graves violations des droits humains » trois généraux birmans, tandis que le Canada a pris des mesures similaires à l’encontre de neuf responsables de l’armée, dénonçant « une campagne systématique de répression ».
Les Etats-Unis ont condamné « toute violence envers le peuple de Birmanie », selon le porte-parole du département d’Etat Ned Price, et « réitéré les appels envers l’armée birmane à ne pas faire usage de violence contre des manifestants pacifiques ».
Les groupes de défense des droits de l’homme ont néanmoins estimé qu’il fallait aller plus loin et s’en prendre aux activités économiques de l’armée, dans l’extraction de pierres précieuses et les secteurs de la bière ou bancaire.
La junte, à commencer par son chef Min Aung Hlaing, devenu un paria au plan international depuis les exactions commises contre les musulmans rohingyas en 2017, a toutefois jusqu’ici fait la sourde oreille face aux multiples condamnations internationales.
– Rassemblement de dizaines de milliers de Birmans –
Malgré la sévère répression, les appels à la désobéissance civile se poursuivent avec de nombreuses manifestations et grèves.
La Birmanie subissait une coupure presque totale d’internet pour la sixième nuit consécutive, selon Net Blocks, un observatoire spécialisé installé au Royaume-Uni.
A la mi-journée, des dizaines de milliers de personnes étaient rassemblées dans les rues de Rangoun, la plus grande ville du pays, brandissant des affiches avec des portraits d’Aung San Suu Kyi sur lesquelles on pouvait lire : « la liberté pour notre leader ».
« N’allez pas au bureau ! ». « Faites grève, faites grève ! », ont scandé les manifestants.
A Myitkyina, dans le nord, de petits groupes de contestataires ont été dispersés par la police et des militaires armés de matraques, selon des vidéos en ligne et des témoins.
Une enseignante qui était sur place et se cache désormais de peur d’être arrêtée a déclaré à l’AFP avoir vu des dizaines d’interpellations.
Plus de 520 personnes ont été arrêtées depuis début février, selon l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP).
Les militaires ont expliqué leur coup d’Etat par des allégations de fraudes massives aux élections de novembre, largement remportées par le parti d’Aung San Suu Kyi.
A Naypyidaw, l’ancienne cheffe du gouvernement âgée de 75 ans est assignée à résidence.
La lauréate du Prix Nobel de la paix, qui n’a pas été vue depuis son placement en détention, est poursuivie pour des motifs non politiques et doit comparaître le 1er mars.
Elle est accusée d’avoir importé « illégalement » des talkie-walkies et d’avoir avoir violé « la loi sur la gestion des catastrophes naturelles ».
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