En Afghanistan, un vent de négociation et de répression
Les talibans sont réunis au Qatar avec des représentants de l’Union Européenne et des États-Unis. Ils négocient leurs futures relations diplomatiques. Mais à côté des belles promesses du régime, l’ONG Human Rights Watch a publié un rapport alarmant sur la situation humanitaire du pays.
Les talibans ont besoin d’aide extérieure et surtout de ressources financières. Depuis quelques jours, le régime négocie avec des représentants sur plusieurs sujets que ce soit au niveau financier ou coopératif. Très vite, après les premières rencontres, le service diplomatique de l’Union Européenne (SEAE) a publié un communiqué pour clarifier la situation : « Ce dialogue n’implique pas la reconnaissance par l’UE du gouvernement intérimaire mais fait partie de l’engagement opérationnel de l’UE, dans l’intérêt de l’UE et du peuple afghan. »
De quoi vont-ils parler ?
Ces négociations ont commencé il y a quelques jours au Qatar et pour Sébastien Boussois, docteur en sciences politiques et chercheur sur le Moyen Orient et les relations euro-arabes (ULB) : « Ce qui est clair, c’est que le Qatar, depuis presque 3 ans, essaye de venir dans une logique de médiateur pour permettre aux acteurs décisifs de la questions de discuter et faire avancer les choses sur un sujet qui n’a pas pour le moment eu vraiment de solution. » Pour l’instant, les talibans s’engagent à « garantir et à faciliter le passage en toute sécurité des ressortissants étrangers et des Afghans qui souhaitent quitter le pays. ». Mais ce premier geste n’est évidemment pas gratuit « À cet égard, les deux parties ont souligné l’importance fondamentale de maintenir les aéroports afghans ouverts, et la délégation afghane a demandé une aide pour maintenir les opérations des aéroports. » Ensuite, « l’UE a exprimé sa volonté d’envisager de fournir une aide financière substantielle au bénéfice direct du peuple afghan, en plus de l’aide humanitaire. »
Selon Sébastien Boussois, « Il y a un tiraillement géopolitique : à qui va arriver à mettre les talibans sous leur coupe pour évidemment après engager des négociations, leur proposer des choses en échange, etc. Pour moi, les négociations ne sont que le prolongement d’une lente dérive du multilatéralisme qui ne parvient pas à trouver une solution à l’Afghanistan ni par la voie du dialogue ni par la guerre pendant 20 ans. Aujourd’hui, ces négociations tentent d’amortir le choc de cette prise de l’Afghanistan par les talibans avec globalement une impuissance internationale assez flagrante pour essayer de monnayer auprès des talibans des choses en échange du fait qu’ils puissent se calmer ou pas…«
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Le problème de nos représentants est de discuter avec ce régime tout en voulant affirmer que des efforts vont être faits de leur côté pour garantir la liberté (dans son sens le plus large). « Lors de la réunion, la délégation afghane a confirmé son engagement à faire respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales, y compris les droits des femmes, des enfants et des personnes appartenant à des minorités, ainsi que la liberté d’expression et des médias, conformément aux principes islamiques. » peut-on lire dans le communique de la SEAE. Mais quels sont ces principes islamiques ? La Charia ? Cela semble presque impossible de penser que les femmes pourront vivre en toute liberté dans ce pays. Pour Sébastien Boussois : « Cette liberté qui pourrait être octroyée par les talibans aux femmes me semble malheureusement difficilement applicable dans la réalité de l’Afghanistan profond. «
Pendant ce temps, parution d’un rapport alarmant du Human Rights Watch
La diplomatie de l’Union Européenne publiait dimanche « La délégation afghane a réaffirmé son attachement à l’amnistie générale décrétée lors de son accession au pouvoir et a convenu de la nécessité d’amplifier ce message, et son application, à l’intérieur de l’Afghanistan. » Mais coup de tonnerre, l’organisation Human Rights Watch a publié hier un rapport sur différents cas de meurtres ou de disparitions dans le pays « Les forces talibanes ont tué ou fait disparaître de force plus de 100 anciens membres des forces de sécurité dans ces quatre provinces [Ghazni, Helmand, Kandahar et Kunduz.] au cours des trois mois qui ont suivi leur prise de contrôle de Kaboul, la capitale afghane, le 15 août. »
Ariane Kandilaptis
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