Elisabeth Borne, première ministre en France: la continuité dans le changement (analyse)
Son deuxième quinquennat devait être différent du premier. Emmanuel Macron a pourtant choisi une de ses ministres les plus fidèles pour diriger Matignon. Elisabeth Borne remplit tous les critères requis pour la nouvelle politique annoncée.
Le contexte
Il avait annoncé qu’il désignerait une femme. Il a tenu sa promesse. Il voulait imprimer une orientation écologique et sociale à son nouveau mandat. Il a nommé une personnalité qui, sur le papier, correspond au cahier des charges. En désignant comme cheffe du gouvernement Elisabeth Borne, la ministre du Travail du gouvernement sortant, le président français réélu Emmanuel Macron n’a pas surpris, comme il en avait pris l’habitude. Peut-être réserve-t-il cet effet pour la composition du futur gouvernement.
«Cette ère nouvelle ne sera pas la continuité du quinquennat qui s’achève. Mais l’invention collective d’une méthode refondée pour cinq années de mieux, au service de notre pays, de notre jeunesse», avait annoncé Emmanuel Macron tout juste réélu, le soir du 24 avril. Pour le premier acte fort de son second mandat, le président français a donc choisi… la continuité en désignant comme Première ministre Elisabeth Borne, 61 ans, qui fut sans discontinuer de tous les premiers gouvernements de sa présidence. Il faudra ainsi attendre l’application de la méthode refondée pour savoir si de changement, il sera vraiment question dans les cinq prochaines années.
Soucieux de contrer l’élan de la gauche, rassemblée dans la Nouvelle union populaire écologique et sociale, en prévision des législatives et, peut-être, d’imprimer une orientation ancrée à gauche après un premier mandat inscrit prioritairement à droite, le président français cherchait une personnalité sensible «à la question sociale, à la question écologique et à la question productive». Elisabeth Borne répond à ces critères. Ministre des Transports, puis de la Transition écologique et enfin du Travail dans les équipes d’Edouard Philippe et de Jean Castex, elle peut se targuer d’une expérience dans les domaines requis par Emmanuel Macron.
Bilan contesté
Le revers de cet atout est qu’elle est aussi redevable d’un bilan. La réforme socialement douloureuse de la SNCF en tant que ministre des Transports, le report de l’interdiction du glyphosate quand elle était en charge de la Transition écologique et la réforme controversée de l’assurance-chômage depuis son poste au ministère du Travail sont autant de dossiers brandis par l’opposition politique, syndicale et associative pour mettre en doute, voire carrément démentir, le tournant social qu’inaugurerait le deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron. Et comme les principaux opposants politiques se situent désormais aux extrêmes, la critique a été d’emblée cinglante. Dans de premières réactions qui faisaient étonnamment ou pas chorus, Marine Le Pen a prédit la poursuite de «la politique de saccage social», et Jean-Luc Mélenchon a dénoncé l’accession à Matignon d’«une des figures les plus dures de la maltraitance sociale».
Les politiques publiques doivent se construire dans le dialogue.
Et si des responsables syndicaux ont reconnu l’appétence d’Elisabeth Borne pour le dialogue social, ils ont aussi pour la plupart souligné, selon la formule de Philippe Martinez, le secrétaire général de la Confédération générale du travail (CGT), qu’«elle écoute, mais elle n’entend pas». Un reproche souvent formulé à l’encontre d’Emmanuel Macron.
Appel au dialogue
Lors de sa première prise de parole en tant que Première ministre sur le perron de l’hôtel de Matignon, Elisabeth Borne a pourtant exprimé sa conviction que «les politiques publiques doivent se construire dans le dialogue». Elle a formulé le même vœu à propos du défi écologique et climatique pour lequel «il faut agir plus vite et plus fort»: «Nous pourrons le faire en associant encore davantage les forces vives de nos territoires, parce que c’est bien au plus près des Français qu’on trouvera les bonnes réponses.» Pour le coup, la Première ministre sera certainement prise au mot par les gilets jaunes. Emmanuel Macron avait promis que la cheffe du gouvernement serait en charge de la planification écologique. Elle devrait aussi être flanquée d’un ministre chargé de la Planification énergétique et d’un autre attaché à la Transition dans les territoires.
Planification écologique, dialogue social, réforme des retraites menée sans états d’âme, réalisme productiviste, sensibilité de gauche, femme d’action et fidèle du président… Elisabeth Borne respectait dès le début tous les critères requis pour remplacer Jean Castex. Pourquoi dès lors lui aurait été préférée jusqu’au 15 mai au soir, selon certains commentateurs, la présidente du Grand Reims, une ancienne députée sarkozyste, Catherine Vautrin, que son opposition affichée au mariage pour tous a finalement écartée sous la pression des pôles centriste et de gauche de la macronie? Pourquoi donc Emmanuel Macron se refusait-il à accepter le choix de sa ministre du Travail qui, devant lui, s’imposait? La raison froide a peut-être, cette fois-ci, prévalu sur le vertige de la nouveauté.
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