Elections législatives en Suède : «L’extrême droite parvient à dicter l’agenda politique»
Le parti Démocrates de Suède joue un rôle similaire à celui du Parti du peuple danois: peser sur les politiques des gouvernements sans y participer, analyse Cyril Coulet, spécialiste des pays nordiques.
Ancien chercheur à l’Institut suédois des relations internationales et spécialiste des pays nordiques, Cyril Coulet analyse la place de l’extrême droite dans le paysage politique suédois.
Le parti Démocrates de Suède relève-t-il de l’extrême droite ou de la droite populiste?
Son origine le situe clairement comme un parti d’extrême droite. Il puise ses racines dans un mouvement très xénophobe, Conserver la Suède suédoise. Cette xénophobie continue à imprégner son discours. Le parti essaie aussi de normaliser son image comme beaucoup de formations qui viennent de l’extrême droite. Il se présente comme une formation populiste de droite qui met en scène une vision idéalisée et nostalgique de la Suède. Un de ses clips de campagne fait référence aux Vikings et à l’époque où la Suède était une grande puissance. Il comprend aussi des slogans très simples du style «Nous, les Suédois, on ne brûle pas les voitures. On les construit. Et on les construit bien», en référence aux voitures brûlées dans certaines banlieues du pays.
Le parti Démocrates de Suède puise ses racines dans un mouvement très xénophobe. Cette xénophobie continue à imprégner son discours.» – Cyril Coulet, ancien chercheur à l’Institut suédois des relations internationales.
Son principal «fond de commerce» actuel réside-t-il dans la lutte contre l’immigration?
Dans les thématiques de campagne qu’il met en avant, il y a à la fois les thématiques traditionnelles de l’extrême droite, l’immigration, la sécurité, et les questions sociales. Une attention est portée à l’école, au système de sécurité sociale, et notamment aux soins et à l’accompagnement des personnes âgées. Les enjeux considérés comme les plus importants par les Suédois sont la santé, la sécurité, l’éducation, l’immigration et l’intégration. Comme la plupart des partis d’extrême droite, Démocrates de Suède a d’abord été très libéral, dans les années 1980, puis il a adopté une dimension sociale forte en écho aux attentes de l’électorat.
La Suède a été le théâtre, ces derniers mois, de violences urbaines qui ont pesé sur la campagne électorale. Quelle est leur origine?
Plusieurs dimensions sont en jeu. On a un phénomène de banlieues qui est assez semblable à ce que l’on connaît en France, par exemple. Avec une très forte concentration de populations d’origine étrangère dans des espaces périurbains conçus dans le cadre d’une politique de grands ensembles de logements. La classe moyenne a fini par les déserter et ils ont servi de portes d’entrée sur le territoire pour les nouveaux venus. Ce sont des espaces dans lesquels le chômage est plus important et les problématiques sociales sont plus aiguës. Plus récemment, un activiste d’origine danoise, Rasmus Paludan, a fait une tournée dans ces banlieues en se mettant à brûler le Coran. Son initiative a entraîné une flambée de violence qui a culminé cette année avec des arrestations de résidents, des policiers blessés, des véhicules de police détruits. Cela a créé un sentiment d’insécurité.
La progression attendue de l’extrême droite consacre-t-elle l’échec du Parti social-démocrate, qui a durci sa position sur l’immigration?
Parce qu’elle progresse électoralement, l’extrême droite suédoise parvient, en tout cas, à dicter l’agenda politique et à rallier les formations traditionnelles à ses positions dans une forme de course permanente aux électeurs. Le Parti social-démocrate suédois a été amené à revenir sur ses valeurs fondamentales parce que la thématique de l’accueil des étrangers est devenue trop sensible. En ce sens, la Suède suit la voix du Danemark. Dans ce pays, la droite populiste n’a jamais été dans aucun gouvernement. Pourtant, les exécutifs danois successifs, qui ont été obligés de bâtir des coalitions en tenant compte de l’extrême droite, se sont de plus en plus déportés vers la droite radicale. On assiste un peu au même phénomène en Suède. Les Démocrates de Suède ont déjà réussi, par exemple, à contraindre un gouvernement social-démocrate à adopter un budget élaboré par les partis de droite en donnant leurs voix à l’opposition. On est passé en cinq à dix ans d’une situation où aucun parti ne voulait s’allier aux Démocrates de Suède à une situation où ils sont identifiés comme un potentiel partenaire de coalition.
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