Elections législatives au Luxembourg : Xavier Bettel, stop ou encore?
Après dix ans dans l’opposition, le Parti populaire chrétien-social veut revenir au pouvoir, avec ou sans le Premier ministre libéral sortant.
Celui qui, dans les cénacles européens, fut l’un des meilleurs «camarades de classe» de Charles Michel, Premier ministre belge puis président du Conseil, continuera-t-il de le côtoyer dans les travées du Juste Lipse à Bruxelles? Le riant chef du gouvernement luxembourgeois Xavier Bettel joue son avenir à la direction politique du Grand-Duché à l’occasion des élections législatives du dimanche 8 octobre.
En 2013 et en 2018, le candidat du Parti démocrate a réussi à s’imposer à la tête d’une alliance gouvernementale alors que sa formation n’était pas arrivée en tête du scrutin (en troisième position, les deux fois). Ainsi le voulait le charme de la «coalition Gambie», en référence aux couleurs du drapeau de ce pays d’Afrique de l’Ouest, le rouge pour le Parti ouvrier socialiste (Posl), le bleu pour le Parti démocratique (PD), et le vert pour Les Verts. Pendant une décennie, le Parti chrétien-social (PCS) a donc été renvoyé dans l’opposition alors qu’il avait participé à toutes les équipées gouvernementales depuis 1974.
Lassitude de la coalition?
L’heure de la revanche, ou en tout cas du retour au pouvoir, pourrait sonner au soir du 8 octobre. Pourquoi cette fois-ci? Après deux législatures, l’attelage socialiste- démocratique-écologiste a semblé donner des signes d’essoufflement. Une impression que s’est empressé d’accréditer la tête de liste du PCS, Luc Frieden, un ancien ministre des Finances et de la Justice sorti d’une retraite politique pour mener le combat de la reconquête. «La coalition à trois partis ne peut désormais plus avancer, les uns bloquant les autres», a-t-il asséné. En outre, la formation de droite est donnée gagnante du scrutin dans les sondages avec un score de 28,3% et 19 des soixante députés de la future assemblée parlementaire. Enfin, les personnes interrogées par les instituts d’études d’opinion marqueraient désormais une préférence pour la fin d’une coalition à trois au profit d’une alliance à deux.
Pour autant, le chemin est loin d’être tracé pour l’avènement du Parti chrétien-social au sein du gouvernement. En 2013 et en 2018 aussi, il était arrivé en tête des élections législatives. Cela n’avait pas empêché qu’il soit snobé par les potentiels partenaires. Un phénomène semblable pourrait se reproduire, la personnalité de Luc Frieden suscitant de fortes réserves dans le camp du Parti ouvrier socialiste. Dans ce contexte, une éventuelle entente entre les chrétiens-sociaux et les socialistes, donnés en tête des sondages, pourrait être contrariée. Et si le Parti démocratique, troisième larron, subissait le contrecoup de l’usure du pouvoir et perdait quelques élus, il ne serait pas en mesure de procurer l’appoint suffisant au Parti chrétien-social pour former une coalition bipartite. Une alliance à trois serait alors nécessaire. Une étude d’opinion de l’Institut Ilres pour RTL et le Luxemburger Wort, publiée début septembre, place le PCS à 28,3%, le Posl à 19,8%, le PD à 17,4%, les Verts à 10,7%, le Parti Pirate à 9,9%, le Parti réformiste d’alternative démocratique (ADR) à 6,9% et La Gauche à 5%.
Vote protestataire
Une incertitude majeure plane cependant sur l’issue du scrutin. Un tiers des électeurs déclarent ignorer encore pour qui ils voteront. Cette prise de décision de dernière minute, assez inédite au Luxembourg, ne pourrait-elle pas favoriser un vote protestataire? se demandent les observateurs. Si c’était le cas, elle servirait sans doute les ambitions du Parti Pirate, de La Gauche, du Parti réformiste d’alternative démocratique (qui prône «une croissance modérée» et une immigration tout aussi modérée, le tout par la voie du référendum), voire du nouveau parti Liberté, dissidence, encore plus populiste, de l’ADR.
La protestation, au Luxembourg, porte sur la gestion de la crise sanitaire, la politique économique et le fonctionnement des institutions. «Il y a dans le corps électoral luxembourgeois 20 à 25% des votants qui expriment des opinions critiques sur certains thèmes, et cette part non négligeable pourrait bien voter pour des partis qui, à leurs yeux, incarneraient le mieux la protestation de la politique post-pandémique», analysait, le 2 octobre dans Le Quotidien, le professeur Philippe Poirier, titulaire de la chaire en études parlementaires de l’université du Luxembourg.
Il est cependant une formation qui ne devrait pas profiter cette fois-ci de ce réflexe protestataire, ce sont les Verts. Lors des élections législatives du 14 octobre 2018, ils avaient été décrétés «gagnants du scrutin» grâce à une belle progression. Passés de 10,13% en 2013 à 15,13%, ils avaient pu briguer une participation au gouvernement. Mais celle-ci leur sera sans doute préjudiciable le 8 octobre.
«Le problème des Verts, c’est qu’ils ont eu très peu de visibilité pendant la pandémie, car leurs ministères n’étaient pas autant concernés» que ceux de l’Economie, de la Santé et de l’Education nationale. «A tort ou à raison, c’est ce partenaire qui a été affaibli», souligne d’abord Philippe Poirier. A ce constat, s’ajoutent la question du coût de l’énergie et les inquiétudes sur la façon de la développer. «Le révélateur a été le conflit en Ukraine qui a fait exploser les factures jusqu’à près de 40% pour certains foyers. […] Une partie de l’électorat associe la question énergétique à des politiques, vraies ou fausses, des Verts. Ce qui peut leur arriver est survenu dans d’autres pays. Depuis un an et demi, tous les partis écologistes ont reculé aux élections législatives ou régionales à cause de cette question», analyse le professeur de l’université de Luxembourg dans Le Quotidien.
Priorité aux logements
Pourtant, ni le dossier de l’énergie ni celui des conséquences du dérèglement climatique ne figurent en tête des préoccupations affichées par les électeurs luxembourgeois. C’est le thème du logement qui trône au premier rang de leurs attentes à l’égard du scrutin législatif. Beaucoup sont en effet propriétaires. Pas étonnant dès lors que le Parti chrétien-social en ait fait un des éléments principaux de son programme. Il entend associer l’Etat et le secteur privé afin d’en créer de nouveaux, en réduisant notamment la TVA pour les investisseurs de 17 à 3%.
L’après-8 octobre dira si ces mesures, le résultat de l’élection, et une certaine lassitude à l’égard de la coalition sortante tripartite permettent à la droite luxembourgeoise de renouer avec l’exercice du pouvoir.
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