Elections en Italie : la coalition de centre droit en tête des sondages
Les Italiens retourneront aux urnes plus tôt que prévu. Le 25 septembre 2022, ils devront choisir entre la coalition de centre droit, favorite des sondages, et la gauche du Parti Démocrate et son probable allié, le Mouvement des 5 étoiles.
Abandonné par trois partenaires majeurs de la coalition, Mario Draghi a démissionné le 21 juillet dernier. L’Italie a décidé d’organiser des élections générales anticipées à la rentrée. Ces élections devaient normalement se tenir en 2023 mais le président Sergio Mattarella a décidé de dissoudre les deux chambres du Parlement à l’issue de la crise qui secoue le gouvernement. Au programme, un affrontement entre un bloc cimenté par une droite populiste et deux partis de gauche plus fragiles qui auront peut-être besoin l’un de l’autre pour l’emporter.
Le Parlement bicaméral italien
Le Parlement italien est composé d’une chambre basse, la Chambre des députés et d’une chambre haute, le Sénat de la République. Le Parlement fonctionne selon un bicaméralisme dit « parfait ». Les deux chambres ont des pouvoirs égaux : elles doivent voter une loi sans que l’une puisse outrepasser l’autre.
Les deux chambres sont élues au suffrage universel pour une durée de cinq ans, à moins d’une dissolution anticipée des deux chambres ou d’une seule par le président de la République.
Les Italiens voteront pour élire 200 sénateurs et de 400 députés qui composeront le Parlement de la République italienne. Pour le président italien, les exigences sont nombreuses et importantes : faire face à l’inflation et aux derniers rebonds de la pandémie, limiter les effets de la guerre en Ukraine et renforcer « la collaboration de plus en plus nécessaire au niveau européen et international ».
Pour ces élections, la coalition dite « de centre droit » réunit Forza Italia, le parti de droite de Silvio Berlusconi, et l’extrême droite représentée par la Ligue du tribun populiste antimigrants Matteo Salvini et Fratelli d’Italia. Fratelli d’Italia est un parti post-fasciste présidé par Giorgia Meloni, donné en tête dans les intentions de vote, à près de 24%, devant le Parti démocrate (22%) et la Ligue (14%), selon un sondage de l’institut SWG réalisé le 18 juillet. Forza Italia recueillerait 7,4% des voix et le Mouvement 5 Etoiles (M5S, populiste) 11,2%.
La coalition de centre droit : Forza Italia – La Ligue – Fratelli d’Italia
Forza Italia (FI)
Forza Italia (FI) est un parti de centre droit fondé en janvier 1994 par Silvio Berlusconi. La création du parti avait pour but d’empêcher une victoire du Parti démocratique de la gauche. Forza Italia se revendique du renouveau et de la modernité. Il est composé d’ex-membres de la Démocratie chrétienne. Ses idées politiques sont essentiellement sociale-démocrates.
Une seule personnalité de ce parti a accédé aux fonctions gouvernementales depuis 1945: Silvio Berlusconi.
A 85 ans, Silvio Berlusconi est pour les italiens le symbole d’une droite modérée et européiste. L’homme d’Etat s’était réjoui de l’arrivée de Mario Draghi à la tête du pays et semblait être l’un de ses alliés les plus sincères. Mais Silvio Berlusconi aurait été influencé par Matteo Salvini et a préféré de nouvelles élections à la stabilité le 20 juillet dernier.
La Ligue
La Ligue ou Lega est née en 1989 de la fusion de plusieurs mouvements autonomistes régionaux du nord de l’Italie. L’objectif du parti était de faire de l’Italie un Etat fédéral. La Lega a rejoint dans les années 2000 la coalition de centre droit qui a pris la tête du pays lors des élections.
Au gouvernement, la Lega a contribué à l’approbation d’une réforme restrictive de la loi sur l’immigration et l’asile. Cette réforme s’est soldée par une réduction drastique de l’immigration illégale par la combinaison d’une politique d’accords bilatéraux avec les pays d’origine des immigrants à des rejets à la frontière. La Ligue critique l’Union économique et monétaire et cela depuis son processus de création.
Lors des élections politiques de 2018, le parti a obtenu le meilleur résultat depuis sa fondation (17,34 % à la Chambre, 17,63 % au Sénat) et le leadership au sein de la coalition de centre droit.
Matteo Salvini, leader du parti et de la coalition de centre droit semble avoir retourné sa veste face à Mario Draghi. « J’ai beaucoup de respect pour Mario Draghi », avait-il déclaré avant d’exhorter ses partisans au Sénat à ne pas voter la confiance au président du Conseil. Il espérait avec cette décision réjouir ses premiers électeurs qui s’opposaient à l’implication du parti à l’exécutif de Mario Draghi.
Fratelli d’Italia
Fratelli d’Italia a obtenu sa place en tête de liste des partis de droite favoris des Italiens lorsque Matteo Salvini a décidé de soutenir le gouvernement d’« urgence nationale » dirigé par Mario Draghi.
Fratelli d’Italia a été fondé en 2012 à la suite d’une scission entre le Peuple de la liberté et le courant national-conservateur de l’ancien parti Alliance nationale.
Fratelli d’Italia est actuellement porté par Giorgia Meloni, ministre de la Jeunesse de 2008 à 2011, qui pourrait bien succéder à Mario Draghi à l’automne prochain. Connue pour ses fortes opinions nationalistes, notamment à l’égard des migrants en situation irrégulière, la dirigeante du parti d’extrême-droite appelle depuis des années à un « blocus naval » en mer Méditerranée.
Le parti milite pour un souverainisme, une lutte contre l’immigration, mais aussi la préservation des traditions nationales.
Ces dernières années, Meloni s’est rapprochée d’autres dirigeants souverainistes comme le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki et son homologue slovène Janez Janša.
« Nous sommes prêts. Cette nation a un besoin désespéré de recouvrer sa conscience, sa fierté et sa liberté », a tweeté jeudi Giorgia Meloni.
Les positions de Fratelli d’Italia préoccupent les partenaires européens de l’Italie car, s’il ne défend pas une sortie de l’Union Européenne, Fratelli d’Italia prône une révision des traités et la substitution de l’Union par une « confédération d’Etats souverains« . Le parti ne plaide pas pour une sortie de l’euro mais réclame une réforme radicale de la Banque Centrale Européenne.
Getano Azzariti, professeur de droit constitutionnel à l’université Sapienza de Rome, a déclaré à l’Agence France-Presse que le mélange complexe de scrutin proportionnel et de scrutin majoritaire à un tour en Italie donnait un « grand avantage » à la coalition de droite.
En s’accordant au préalable sur un candidat commun, « il est clair que c’est le centre-droit qui va gagner », a-t-il affirmé.
Le Parti démocrate (PD)
Le Parti démocrate (PD) est né de la fusion de plusieurs anciens partis, et est traversé par des courants issus de l’ancienne Démocratie chrétienne et par des courants issus de l’ancien Parti communiste italien.
Seuls le centre et la gauche incarnée par le Parti démocrate (PD) sont restés jusqu’au bout aux côtés de Mario Draghi, entre autres par peur des élections anticipées de septembre où ils sont annoncés battus par la droite selon les sondages.
Enrico Letta, visage du Parti Démocrate et ancien Premier ministre regrette le canyon qui s’est creusé entre l’Italie et ses députés. Les enquêtes d’opinion suggèrent que le Parti démocrate pourrait être contraint de s’allier avec le Mouvement 5 Etoiles (M5S) pour l’emporter sur la droite.
Mouvement 5 étoiles (M5E)
Les cinq étoiles du parti correspondent à cinq objectifs de départ du programme de ce mouvement officiellement né fin 2009 après des réflexions postées sur un blog en 2005.
- Eau publique
- Zéro déchet grâce au tri, à la réutilisation et au recyclage
- Des énergies renouvelables
- La mobilité durable
- La connectivité grâce au wi-fi libre et gratuit
Le mouvement 5 étoiles a construit son identité anti-système sur le rejet des partis politiques classiques et sur l’honnêteté de ses membres. Le parti est actuellement dans la tourmente. Le M5S, déchiré par de nombreuses querelles internes et une crise d’identité, avait perdu plus d’une soixantaine de sénateurs et députés en juin dernier. Premier parti aux dernières élections nationales de 2018, le M5S s’est fait abattre en plein vol par les mêmes logiques politiques qu’il voulait détruire. Le responsable de ce déchirement est l’actuel ministre des Affaires étrangères, Luigi Di Maio, ancien chef du parti et l’un des visages les plus représentatifs de ce mouvement contestataire. Di Maio avait en effet quitté le bateau en juin pour former un nouveau groupe parlementaire.
Giuseppe Conte, ancien président du Conseil, est désormais le capitaine du Mouvement 5 étoiles. C’est lui qui, pour tenter de sauver son parti antisystème et populiste a déclenché la crise politique qui signé la fin de l’exécutif Draghi. Ainsi, le Mouvement 5 étoiles a allumé l’incendie en boycottant le 20 juillet dernier un vote de confiance sur un plan d’aide à la vie chère de 26 milliards d’euros. La Ligue et Forza Italia ont quant à elles jeté de l’huile sur le feu en rejetant les demandes d’aide de Mario Draghi pour mener son administration à son terme prévu au printemps 2023.
La campagne électorale italienne s’annonce atypique. Les différents partis disposent d’un mois seulement, intense et difficile qui plus est, pour convaincre les électeurs. Le pays de Dante se dirige vers un affrontement entre la gauche du PD, avec une possible alliance avec le M5S, et une droite populiste incarnée par Salvini, Berlusconi et Meloni qui se voit à la tête du prochain gouvernement.
Pour l’heure, Mario Draghi restera en fonction jusqu’à la formation du nouveau gouvernement.
Emily Degrande
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