Anne-Sophie Bailly
EDITO | Droit des femmes et avortement: on craignait le pire. Il est là
Au Nebraska, une jeune femme a avorté. Elle a été inclupée ainsi que sa mère. Ce sont leurs échanges sur Facebook qui ont mené à leur inculpation. On en est là. A ce que des données récoltées par les géants de la Silicon Valley conduisent à arrêter une jeune femme confrontée à une grossesse non-désirée.
On savait que la révocation de l’arrêt Roe versus Wade par la Cour suprême des Etats-Unis, qui avait entériné le droit à l’avortement en 1973, se traduirait par un retour en arrière dramatique du droit des femmes dans une série d’Etats américains.
On savait que cette décision serait catastrophique pour bon nombre de femmes qui n’auraient d’autre choix que de se tourner vers les avortements illégaux et dangereux. Au risque, parfois, d’y perdre la vie.
On savait que la révocation d’un droit qui paraissait acquis définitivement accroîtrait les inégalités et priverait encore davantage les plus précaires du droit à s’autodéterminer, à disposer de leur corps, à agir sur leur propre vie.
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Et puis, on craignait qu’une surveillance étroite du comportement des femmes ne s’instaure.
C’est le cas.
La semaine dernière, dans le Nebraska, Jessica Burgess, 41 ans, a été accusée d’avoir aidé sa fille de 17 ans à avorter. Cet Etat du Midwest bannit l’IVG après vingt semaines de grossesse depuis 2010. La mère doit répondre de cinq chefs d’inculpation. Sa fille, elle, fait face à trois chefs d’accusation, dont ceux de dissimulation et d’abandon de cadavre. C’est la transmission à la police par Meta, la maison mère de Facebook, de messages privés que se sont échangés la mère et la fille au sujet de l’utilisation de médicaments pouvant provoquer l’avortement qui a conduit à l’inculpation des deux femmes. Le géant des réseaux sociaux se défend d’avoir eu connaissance d’un dossier d’enquête concernant un avortement dans la requête que la police lui a adressée.
Demain, plus rien n’empêchera qu’une femme victime d’une fausse couche soit soupçonnée d’avortement, et donc de crime.
Quoi qu’il en soit, on en est là. A ce que les masses de données récoltées sur les messageries privées par les géants de la tech servent à poursuivre des femmes et à criminaliser leurs propos.
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On savait que le droit des femmes ferait un bond en arrière. Deux mois à peine après la révocation de l’arrêt par la Cour suprême, la situation le prouve. Demain, plus rien n’empêchera qu’une femme victime d’une fausse couche soit soupçonnée d’avortement et donc de crime. Après-demain, ce sera celle qui aura tapé «pilule du lendemain» dans un moteur de recherche qui sera en danger.
Ce n’est pas un retour en arrière. C’est devenu pire qu’avant.
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