La présidente mexicaine Claudia Sheinbaum, le calme face à la «tempête Trump». © GETTY

Droits de douane: «Donald Trump opère un chantage mercantiliste, et peut-être risqué»

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Les sanctions de Donald Trump contre les produits en provenance du Mexique provoqueraient aussi une récession aux Etats-Unis, estime Bernard Duterme, directeur du Cetri.

Assiste-t-on à une forme d’opération de chantage de la part du président des Etats-Unis?

On assiste de la part de Donald Trump à un chantage mercantiliste, et peut-être à un chantage risqué. Depuis le début, la plupart des observateurs et des économistes ont émis des doutes sur la faisabilité de cette menace d’augmentation des taxes douanières à l’égard de tous les pays avec lesquels les Etats-Unis accusent un déficit commercial, en particulier avec le Mexique qui représente 20% de celui-ci. Les mauvaises langues disent que Donald Trump s’est focalisé sur cette arme absolue, les tarifs douaniers, parce que c’est la seule, en matière économique, à sa portée intellectuelle. Je n’oserais pas aller jusque-là. L’infaisabilité de cette politique résulte de la forte imbrication entre les économies des deux pays. On le voit aujourd’hui. C’est manifestement sous la pression de Wall Street, qui a commencé à dévisser à la suite de son annonce, que Donald Trump a abouti aussi vite à un accord, par téléphone, avec la présidente mexicaine.

«L’infaisabilité de cette politique résulte de la forte imbrication entre les économies des deux pays.»

En quoi ces mesures peuvent-elles être contre-productives pour l’économie américaine?

Imaginons que la hausse des droits de douane soit appliquée telle quelle, les économistes annoncent une très forte récession de l’économie mexicaine, mais également de l’économie américaine, du fait de la mise au chômage de millions de personnes. Rien que l’industrie automobile au Mexique –essentiellement nord-américaine– représente 20 millions d’emplois directs et indirects. Ce secteur a enregistré une croissance annuelle de 9% depuis 2020, avant tout grâce à des investissements nord-américains qui n’ont jamais été aussi importants au Mexique, et à la faveur de la stratégie du nearshoring qui consiste à relocaliser une production qui, avant, était essentiellement asiatique, au plus près des frontières américaines, là où la main-d’œuvre est qualifiée mais où elle reste nettement moins chère qu’aux Etats-Unis. Les principales exportations mexicaines vers les Etats-Unis sont aujourd’hui le fait d’investisseurs nord-américains. Les premiers touchés par la hausse des droits de douane seraient General Motors, Ford, Stellantis… Elle aurait aussi un effet sur l’inflation aux Etats-Unis. Un économiste a calculé que le prix de chaque voiture augmenterait d’environ 3.000 dollars.

Donald Trump et son administration pourraient-ils prendre conscience de ces effets pervers et s’en tenir aux promesses du Mexique et du Canada de renforcer le contrôle des frontières?

Lors de son premier mandat, il n’est pas allé aussi loin que ses menaces l’annonçaient. Va-t-on vers le même genre de situation? Très probablement, au vu du caractère contre-productif de cette mesure. Les rétorsions annoncées sont telles que tout le monde continue à dire que ce serait un jeu non pas de «win-win» mais de «lose-lose», perdant des deux côtés. La presse mexicaine, du reste, ne présente pas cet accord comme une défaite de Claudia Sheinbaum. Elle l’évalue non seulement en fonction des engagements du Mexique à confirmer les politiques menées ces dernières années par Andrés  Manuel López Obrador (NDLR: président de 2018-2024) et par la présidente actuelle en matière de migration et de lutte contre le narcotrafic mais aussi en fonction de l’engagement de Donald Trump pour tenter d’arrêter le flux d’armes des Etats-Unis vers le Mexique. Cela, le président américain ne l’a pas mis en avant dans son annonce. Les fabricants d’armes américains sont ses amis…

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