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Donald Trump mène-t-il la même politique migratoire qu’Obama ?

Jelle Dehaen Journaliste Knack, historien et philosophe

Le président américain Donald Trump prétend mener la même politique Barack Obama. A-t-il raison sur ce point ?

Récemment, Donald Trump a fait grand bruit en imposant une interdiction de voyage aux habitants de sept pays musulmans. Pendant 90 jours, les personnes nées en Somalie, au Soudan, en Irak, en Libye, au Yémen ou en Iran n’avaient pas le droit d’entrer aux États-Unis. Pour les réfugiés, l’interdiction était de 120 jours et dans le cas de la Syrie pour une durée indéterminée. Entre-temps, le juge a suspendu l’interdiction, mais l’administration Trump fait appel contre cette décision.

Trump essaie de réfuter sa décision en indiquant que Barack Obama menait la même politique. « Ma mesure ressemble fort à ce que faisait Obama. En 2011, il a interdit la délivrance de visas aux Irakiens pendant six mois », déclare le nouveau président dans un communiqué.

Ce communiqué précise également que la liste des sept pays incriminés n’est pas une invention de Trump. « Les sept pays (…) ont été qualifiés de sources de terrorisme par l’administration d’Obama. »

Terrorisme

À première vue, les différences entre Obama et Trump semblent effectivement petites. Obama n’a absolument pas mené de politique de frontières ouvertes. Il a répété à plusieurs reprises, tout comme Trump, que la sécurité en Amérique constitue sa principale préoccupation. C’est pourquoi Obama a régulièrement durci les procédures de contrôle. En outre, plus de 2,5 millions de personnes ont été expulsées sous Obama, une primeur pour un président américain.

Donald Trump et Barack Obama

Il est vrai que l’afflux d’Irakiens s’est pratiquement arrêté en 2011. La décision a été prise suite à un scandale autour de deux terroristes irakiens arrêtés dans le Kentucky. Ils avaient commis des attentats en Irak contre des soldats américains et financé Al-Qaïda depuis les États-Unis. Des lacunes dans les contrôles avaient permis aux Irakiens d’entrer en Amérique. Ils avaient menti sur leur formulaire de demande et suite à un échange défaillant d’informations les services américains n’avaient pas découvert la fraude.

Quand le scandale a éclaté, Obama a décidé de renforcer les procédures d’admission pour les Irakiens. Les Irakiens qui vivaient déjà aux États-Unis ont également été soumis à un examen approfondi. Cependant, l’implémentation de ces nouvelles mesures a pris tant de temps et de main d’oeuvre que le flux de réfugiés venu d’Irak a pratiquement cessé. En 2010, les États-Unis ont admis 18 000 Irakiens, un an plus tard à peine 6000.

Ce n’était d’ailleurs pas la première fois que certains pays étaient soumis à un contrôle plus strict. En 2008, le nombre de demandes frauduleuses d’un certain nombre de pays africains a augmenté et les procédures d’admission ont également été renforcées.

Pourtant, les différences entre Trump et Obama sont importantes. Trump souhaite interdire l’accès au territoire américain à toute personne issue d’un de ces sept pays. Obama n’a jamais été aussi radical. En 2011, les Irakiens continuaient à venir aux États-Unis, mais beaucoup moins.

En outre, Obama était confronté à un motif concret pour les mesures – les deux terroristes irakiens. En revanche, Trump ne semble pas avoir de raisons spécifiques pour justifier l’interdiction d’accès au territoire. L’administration Trump n’a pas prouvé qu’un habitant d’un de ces sept pays a l’intention de venir en Amérique pour commettre des attentats. Elle souligne plutôt la menace générale du terrorisme islamique.

Anti-musulman

Trump a-t-il raison de craindre les habitants de ces sept pays? La semaine dernière, des opposants de Trump ont diffusé un graphique étonnant. Celui-ci révèle que ces dernières années aucun citoyen américain n’a été tué par une personne originaire d’un de ces sept pays. Au sens strict, ce graphique est exact. Pratiquement tous les djihadistes nés à l’étranger et coupables de meurtres en Amérique venaient d’Égypte, d’Arabie saoudite des Émirats arabes unis. Pourtant, ces trois pays ne figurent pas sur la liste des sept pays incriminés.

Donald Trump mène-t-il la même politique migratoire qu'Obama ?
© Cato Institute

Néanmoins, le graphique néglige certaines informations importantes. Depuis le 11 septembre, il y a eu trois attentats commis aux États-Unis par des Iraniens et des Somaliens – deux pays de la liste de sept. Ceux-ci ont fait plusieurs blessés et deux fois l’assaillant a été tué. Et une quinzaine de personnes nées dans un pays de la liste ont été condamnées pour complicité de terrorisme.

Donald Trump mène-t-il la même politique migratoire qu'Obama ?
© Cato Institute

Pourtant, il n’y a pas de menace concrète et immédiate qui justifie une l’interdiction d’accès au territoire. Selon les critiques, cela signifie que la mesure de Trump est dirigée contre les musulmans. Ce serait également une différence importante par rapport à Obama. Quand Obama a renforcé les contrôles en 2011, il a été confronté à de nombreuses critiques. Que les Irakiens ayant coopéré avec les Américains – et récompensés par un passage aux États-Unis – soient obligés de passer encore des mois dans un pays dangereux a heurté certains observateurs. Comme cette mesure était très spécifique, Obama ne pouvait être accusé de sentiments antimusulmans.

Trump souligne lui-même qu’il ne vise pas les musulmans. « Malgré les fausses informations parues dans la presse, ce n’est pas une interdiction des musulmans. Il ne s’agit pas de religion, mais de la protection de notre pays », dit-il.

Cette explication n’est guère étonnante, car il est anticonstitutionnel d’interdire l’accès aux États-Unis pour des motifs religieux. C’est également ce qu’a déclaré Mike Pence, le vice-président de Trump il y a quelques mois.

À première vue, l’interdiction ne vise pas les musulmans. Outre ces sept pays, qui comptent à peine 12% de tous les musulmans, il existe encore une cinquantaine de pays où les musulmans sont en majorité et où on ne leur impose pas de limitations. En outre, l’interdiction – à l’exception de la Syrie – est temporaire et non absolue. Dans certains cas spécifiques, les habitants des sept pays peuvent toujours être admis aux États-Unis.

Cependant, il y a un grand mais. Lors de la campagne présidentielle, Trump a plaidé à plusieurs reprises en faveur d’une interdiction de voyage pour tous les musulmans jusqu’à ce que « nous sachions ce qui se passe [au Moyen-Orient] ». Et Rudy Guliani, ancien maire de New York et conseiller de Trump, a déclaré récemment que le président lui avait demandé d’empêcher les musulmans d’entrer aux États-Unis. Comme c’est interdit pour des motifs religieux, une interdiction basée sur la nationalité est la seule solution. Pour l’instant, l’interdiction ne concerne donc pas tous les musulmans, même s’il y a des raisons d’imaginer que c’est le cas de la motivation. Et reste à voir quelles mesures seront prises à long terme.

Liste de sept pays

Qu’en est-il de la deuxième partie de l’affirmation de Trump? Obama a-t-il décrété que les sept pays sont des bastions terroristes ?

Jusqu’à un certain point, c’est correct. En 2015, on a établi une liste de pays qui ont « régulièrement soutenu le terrorisme international ». Cependant, cette liste de pays n’avait qu’un objectif très limité. Il y a 38 pays – dont la Belgique – où les citoyens n’ont pas besoin de visa pour visiter l’Amérique. En 2015, Obama a décidé que les personnes qui avaient récemment été dans ces sept pays avaient tout de même besoin d’un visa. On ne les a donc pas privés de l’accès à l’Amérique, on les a soumis à un examen plus approfondi. Un Belge qui possédait également la nationalité syrienne, par exemple, ou qui avait été récemment en Syrie subissait un contrôle renforcé. À la lumière du grand nombre de djihadistes en Syrie, cette mesure n’avait pas fait grand bruit.

Sans préparation

Il y a également des différences de forme. Les mesures d’Obama étaient assez bien préparées. Il y a eu au moins une douzaine de réunions avec tous les services concernés, même si la communication avec les Irakiens touchés n’était pas toujours optimale. En revanche, la décision de Trump a été décrétée sans beaucoup de concertation. Elle a entraîné un immense chaos, surtout dans les aéroports. Personne ne connaissait très bien les implications des nouvelles mesures.

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