Nancy et Ronald Reagan © Reuters

Donald Trump est l’enfant naturel de Ronald Reagan et Richard Nixon

Rudi Rotthier Journaliste Knack.be

Depuis la longue campagne électorale, Donald Trump est régulièrement comparé aux présidents Richard Nixon et Ronald Reagan. Mais il est peut-être plus sensé de le voir comme un croisement à moitié réussi des deux.

La comparaison avec Reagan est la plus évidente. Tant Donald Trump que Reagan ont eu une longue carrière en dehors de la politique. Ils ont tous les deux été ridiculisés et sous-estimés, et ils ont tous les deux été élus à la consternation de leur adversaire. Pour Reagan, le mot clé était : acteur ! Ou plus justement : acteur de seconde zone! Dans le cas de Trump, c’est devenu: personnage soap de la téléréalité. Tout comme Trump, Reagan a été démocrate avant d’être républicain, et il était divorcé et très préoccupé par son apparence.

Pendant les campagnes, à la fois en 1976 quand il a perdu contre Gerald Ford et en 1980 quand il a remporté la nomination et la présidence, on le décrivait comme un incapable, quelqu’un qui ne connaissait pas l’ABC de la politique, qui servait simplement d’enseigne maquillée à des intérêts qui le dépassaient et qui était trop âgé pour la fonction – le président le plus âgé à entrer dans la Maison-Blanche jusqu’à ce que Trump brise ce record la semaine dernière. Il était considéré comme un va-t-en-guerre dangereux avec son évocation de l’ « evil empire », l’empire du mal, l’Union soviétique.

Malgré sa conduite pas toujours très chrétienne, il était, tout comme Trump, soutenu par des groupes évangéliques conservateurs, et comme chez Trump sa campagne comportait également une nuance raciste.

Le même slogan de campagne

Dans un certain sens, Reagan était beaucoup mieux préparé que Trump. Il avait travaillé pendant des années comme gouverneur de Californie. Il avait adopté une idéologie clairement définie : pour le marché libre, contre le gouvernement, à moins que cet état agisse à plein régime contre l’Union soviétique.

Trump ne partage certainement pas cette idéologie. Il est pro état et contre le libre-échange. Pour les autres sujets, il faudra attendre, car ses convictions de base ne sont pas inébranlables.

Leurs campagnes ont été menées en termes pratiquement identiques. ‘Let’s Make America Great Again’ était le slogan de Reagan, Trump a supprimé le ‘Let’s’ et déclare que pour lui son pays n’a plus été « grand » depuis Reagan. Le point de départ des deux campagnes était également le même : le pays est en crise, et il faut un bouleversement opéré par un nouveau leader résolu.

Comme pour beaucoup de choses, Trump s’est montré à la fois fan et critique de Reagan. Depuis peu, il est surtout fan et il se considère comme son héritier. Début janvier, il a diffusé une photo sur Twitter de sa rencontre avec les Reagan.

Cependant, les différences sont tout aussi nettes que les ressemblances.

La différence la plus frappante, c’est que Reagan émanait l’optimisme, et pratiquait un humour solaire, un peu bébête, alors que Trump répand la colère et peut effectivement se montrer drôle, mais plutôt en termes sinistres.

Une fois à la Maison-Blanche, les Reagan ont continué à faire l’objet de railleries, et on n’a jamais vraiment cessé de traiter Ronald d’idiot présomptueux. Le fait que Nancy Reagan s’adressait régulièrement à une astrologue contribuait à cette image. Cependant, leur autodérision fonctionnait comme un baume. Ronald se moquait de son âge. Quand Nancy Reagan a été critiquée parce qu’elle portait des vêtements coûteux en période d’austérité et qu’elle faisait de travaux de rénovation à la Maison-Blanche, elle est montée sur un podium vêtue de vêtements bariolés de seconde main, en chantant ‘Second-Hand Rose’.

Entre-temps, pour beaucoup d’Américains les avantages de Ronald Reagan pèsent beaucoup plus que les inconvénients. Ils le voient comme celui qui a fait ployer l’Union Soviétique et qui a terminé une Guerre froide. Ils estiment aussi qu’il a déclenché une belle croissance économique en dépit des coupes sociales et des déficits.

Richard Nixon: un parano aux avantages sociaux

Au niveau du caractère, Donald Trump ressemble peut-être plus à Richard Nixon qui était aussi rancunier et susceptible que le nouveau président, et tout aussi en colère contre les médias. Pour lui, on utilise souvent le terme de paranoïa. En 1960, il avait perdu les élections face au télégénique Kennedy. Lors de son repêchage en 1968, il a essayé d’atteindre le groupe de population qui a élu Trump : les hommes blancs. Il a lancé la notion de « majorité silencieuse ». Cette majorité était contre les gaspillages de la ‘great society’ de son prédécesseur Lyndon B. Johnson et surtout contre les bouleversements sociaux des années 1960. Trump a repris le slogan de Reagan, mais aussi la majorité silencieuse de Nixon. Dans le dernier cas, il faut toutefois nuancer : chez Trump, la majorité silencieuse représente à peine une majorité, et elle ne se tait pas du tout. Mais Trump et Nixon pêchent dans le même étang de citoyens oubliés par les politiques.

Le programme de Trump est plus proche de Nixon que de Reagan. Bien qu’il ait mené une campagne contre l’État-providence lancée par son prédécesseur Lyndon B. Johnson, Nixon a instauré une série de mesures sociales. Il fait la distinction entre les ‘undeserving poor’ (pauvres non méritants) et les ‘deserving poor’ (pauvres méritants) de qui la société devait s’occuper. Sous Nixon, les dépenses sociales ont été augmentées et l’avortement (il est vrai pas par lui, mais par un jugement de Cour suprême) a été légalisé sur tout le territoire américain.

Conservateur et adversaire invétéré des communistes, Nixon a créé la surprise en enclenchant la diplomatie ping-pong avec la Chine de Mao.

« Tricky Dicky »

Cependant, entre-temps, il rongeait son frein au Bureau ovale, démêlait des complots, et rouspétait contre les juifs. Surnommé Tricky Dicky, il était réputé pour son caractère rusé et malin. Ce dernier ne l’a cependant pas empêché de faire cambrioler le quartier général démocrate installé dans les bureaux Watergate à Washington et de se voir obligé de démissionner.

Si on croise le programme et la susceptibilité de Nixon avec les talents de communication de Reagan, on n’aboutit toujours pas à Trump. Aucun des deux n’était aussi en quête d’attention ou versatile que Trump. Cependant, Trump est plus proche d’un croisement entre ces deux républicains que d’un seul président américain avant lui.

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