Des millions de Taïwanais se sont rendus aux urnes sous la menace de Pékin

Le Vif

Des millions de Taïwanais se sont rendus aux urnes samedi pour élire leur prochain président, malgré les menaces croissantes de la Chine qui revendique l’île et promet « d’écraser » toute velléité d’indépendance.

De longues files étaient visibles devant les quelque 18.000 bureaux de vote, qui ont fermé à 16H00 locales (09H00 HB). Des Taïwanais sont revenus au pays pour l’occasion, le vote à l’étranger n’étant pas autorisé.
En 2020, la participation avait frôlé les 75% dans ce territoire de 23 millions d’habitants situé à 180 kilomètres des côtes chinoises et salué comme un modèle de démocratie en Asie.

L’élection, qui est aussi législative, est à un tour et les résultats sont attendus dans la soirée.

« C’est une bonne chose que tout le monde puisse venir voter et exercer ses droits de citoyen », confie à l’AFP Eve, 27 ans, venue dès l’ouverture.

« J’ai regardé dans l’urne et j’ai senti que je n’avais jamais été aussi enthousiaste qu’en ce moment, parce que je crois qu’il y a un candidat qui peut apporter de l’espoir à l’avenir de Taïwan », témoigne aussi Karen, enseignante de 54 ans, sans révéler son choix.

Pour Huang Pei-ya, employée à la Bourse, tous les Taïwanais doivent participer à ce scrutin.
« Je n’aime pas ceux qui disent qu’ils ne s’intéressent pas à la politique (…), qu’ils ne veulent pas voter », dit-elle. « Je pense qu’il faut se préoccuper de notre pays, de notre vie et aller voter ».

« Chérir notre démocratie »

Selon un communiqué de la compagnie ferroviaire taïwanaise, 746.000 personnes devaient prendre le train samedi, la plupart pour retourner voter dans leur ville d’origine, soit plus qu’en 2020 (environ 704.000).

C’est le cas d’Yvonne, 31 ans, qui partait pour Taichung (centre-ouest) et se dit « pas particulièrement inquiète à propos de nos relations avec la Chine, car aucun des candidats n’a osé proposer de mesure radicale ».

Favori du scrutin, le vice-président Lai Ching-te, du Parti démocrate progressiste (DPP), est vu par Pékin comme « un grave danger » car il est sur la même ligne que la présidente sortante, Tsai Ing-wen, qui clame que l’île est de facto indépendante.

Depuis l’élection de cette dernière, en 2016, la Chine a coupé toute communication de haut niveau avec Taïwan, qu’elle considère comme une de ses provinces.

Face à lui, Hou Yu-ih, candidat du Kuomintang (KMT), principal parti d’opposition, prône un rapprochement avec Pékin. Le troisième candidat, Ko Wen-je, du petit Parti populaire taïwanais (TPP), se présente comme anti-establishment.

Les Taïwanais votaient aussi pour renouveler les 113 sièges du Parlement, où le DPP pourrait perdre sa majorité.

« S’il vous plaît, allez voter pour montrer la vitalité de la démocratie taïwanaise », a lancé Lai Ching-te avant d’aller déposer son bulletin dans l’urne, dans le gymnase d’une école à Tainan (sud). »Nous devrions tous chérir notre démocratie et voter avec enthousiasme ».

Hou Yu-ih, lui, a dit espérer que « quelles que soient les turbulences qui ont marqué le processus électoral, tout le monde s’unira après le scrutin pour faire face à l’avenir de Taïwan ».

« Tigre de papier »

Toute la semaine, Pékin a accentué sa pression diplomatique et militaire. Jeudi, cinq ballons chinois ont franchi la ligne médiane séparant l’île autonome de la Chine, selon le ministère taïwanais de la Défense, qui a aussi repéré dix avions et six navires de guerre. Samedi, des journalistes de l’AFP ont observé un avion de chasse chinois au-dessus de la ville de Pingtan, la plus proche de Taïwan.

Et sur le réseau social chinois Weibo, le hashtag « Election à Taïwan » a été bloqué dans la matinée.
Pékin a appelé les électeurs à faire « le bon choix » et l’armée chinoise a promis « d’écraser » toute velléité « d’indépendance ».

Le statut de Taïwan est l’un des sujets les plus explosifs de la rivalité entre la Chine et les États-Unis, premier soutien militaire du territoire, et Washington a prévu d’envoyer une « délégation informelle » sur l’île après le vote.

Vendredi, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a rencontré à Washington Liu Jianchao, à la tête de la division internationale du Comité central du Parti communiste chinois. Il lui a rappelé l’importance de « maintenir la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan ».

A Taipei, Liu Pei-chi, professeur de lycée de 40 ans, raille Pékin qu’il qualifie de « tigre de papier ».
« Une fois que vous avez compris leurs ruses, vous n’avez plus peur », poursuit cet électeur du DPP. « J’espère pouvoir défendre mon pays, notre démocratie et le faire savoir au monde. »

Un conflit dans le détroit de Taïwan serait désastreux pour l’économie mondiale : l’île fournit 70% des semi-conducteurs de la planète et plus de 50% des conteneurs transportés dans le monde transitent par le détroit.

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