Déportation de demandeurs d’asile vers le Rwanda: la mesure « honteuse » du Royaume-Uni
Ce mardi, un avion reliera Londres au Rwanda avec des demandeurs d’asile à son bord. Le premier d’une longue série de vols déportant des personnes arrivées illégalement au Royaume-Uni. C’est en tout cas ce qui est prévu par le gouvernement de Boris Johnson.
Un aller simple pour le Rwanda. 6500 kilomètres. C’est le traitement que le gouvernement britannique compte réserver à toutes les personnes arrivant illégalement sur ses terres, peu importe leur pays d’origine. Le premier avion, prévu initialement pour 37 demandeurs d’asile, décolle ce mardi avec finalement 9 passagers. Cette mesure phare du « plan immigration » de Boris Johnson est loin de faire l’unanimité.
D’après les autorités britanniques, les personnes concernées pourront bénéficier d’un hébergement et d’un soutien au Rwanda pendant que leur demande d’asile est examinée par le gouvernement rwandais. Si celle-ci est acceptée, elles pourront y rester pendant une période pouvant aller jusqu’à cinq ans. Les personnes dont la demande d’asile au Rwanda est rejetée se verront offrir la possibilité de demander d’autres voies d’immigration, mais risquent toujours d’être expulsées.
Moins de passagers que prévu
Ce lundi, la Cour de Justice britannique examinait l’appel des associations Care4Calais et Detention Action, accompagnées de l’Union des services publics et commerciaux qui représente 80 % du personnel des forces frontalières, visant à faire annuler le premier départ de demandeurs d’asile en direction du Rwanda. L’appel a été rejeté.
Outre cet appel, les associations ont engagé un avocat pour chaque réfugié afin de les faire retirer individuellement du vol. Ainsi, parmi les 37 demandeurs d’asile prévus, 26 n’ont pas été contraint de prendre l’avion, selon les informations qu’une source du ministère de l’Intérieur a transmises à la BBC. Parmi ceux devant partir initialement se trouvaient notamment des Iraniens, des Irakiens, des Albanais et un Syrien. Un document avait été remis à certains demandeurs d’asile indiquant que leur déportation ne pouvait faire l’objet d’un appel.
Cette délocalisation des demandeurs d’asile vers le Rwanda est une mesure phare du « plan immigration » présenté par Boris Johnson le 14 avril. Ce lundi, l’élu conservateur a défendu son projet sur les ondes de la radio LBC. « Les groupes criminels qui mettent la vie des gens en danger dans la Manche doivent comprendre que leur modèle économique va s’effondrer sous ce gouvernement ». Les arrivées n’ont pourtant fait qu’augmenter depuis le début de son manda. Avec plus de 10 000 personnes arrivées illégalement sur les côtes britanniques, l’année 2022 bat tous les records.
Le gouvernement rwandais de Paul Kagame assure être en capacité de fournir de bonnes conditions d’accueil. Mais aucune garantie n’a encore été donnée à ce sujet. Pour financer cette sous-traitance, Londres promet 120 millions de livres (140 millions d’euros) par an au Rwanda.
La communauté internationale s’indigne
Le Haut-commissaire de l’ONU pour les réfugiés, Filippo Grandi, a condamné énergiquement la mesure ce lundi. « Cela ne va pas du tout, cet accord ne va pas du tout pour tellement de raisons différentes », a-t-il déclaré au cours d’une conférence de presse à Genève. « On parle d’un pays avec des structures et des ressources qui exporte ses responsabilités vers un autre pays, le Rwanda. Cela crée un précédent catastrophique. » Un avis que Sacha Deshmukh, le directeur général d’Amnesty International UK partage. « Il s’agit d’un abandon clair et honteux de la responsabilité du Royaume-Uni envers les réfugiés, qui est prévue par la Convention relative au statut des réfugiés [de Genève]. »
Sacha Deshmukh rappelle par la même occasion qu’un accord similaire avait été noué entre Israël, l’Ouganda et le Rwanda. Cet accord, qu’il qualifie de « désastreux », a rapidement été abandonné.
Le Royaume-Uni est le premier pays européen à concrétiser un tel accord de sous-traitance des demandes d’asile avec un pays extérieur. Une mesure qui n’aurait pas été possible si le pays était encore membre de l’Union européenne. Et son application ne fait que commencer : 130 autres personnes ont été informées qu’elles devraient être envoyées au Rwanda ce vendredi.
Victor Broisson
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