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Les démission défilent sur le bureau de Boris Johnson: la crise de trop ?

Le Vif

Après les ministres des Finances Rishi Sunak et de la Santé Sajid Javid ce mardi, le secrétaire d’État chargé de l’Enfance et de la Famille Will Quince et l’assistante auprès du secrétaire d’État aux Transports Laura Trott mercredi matin, c’est au tour du ministre de l’Éducation Robin Walker de jeter l’éponge.

Le Premier ministre Boris Johnson se prépare à un face à face musclé avec les députés britanniques mercredi après la démission spectaculaire de deux de ses ministres. Les ministres britanniques de la Santé Sajid Javid et des Finances Rishi Sunak ont annoncé à quelques minutes d’intervalle leur démission mardi soir, lassés des scandales à répétition qui secouent le gouvernement depuis des mois. Les deux démissions-chocs ont été annoncées alors que le Premier ministre venait de présenter des excuses après un énième scandale, reconnaissant avoir fait une « erreur » en nommant en février dans son gouvernement Chris Pincher, « whip » en chef adjoint chargé de la discipline parlementaire des députés conservateurs.  Ce dernier a démissionné la semaine dernière après avoir été accusé d’attouchements sur deux hommes. Mardi, après avoir affirmé l’inverse, Downing Street a reconnu que le Premier ministre avait été informé dès 2019 d’anciennes accusations à l’encontre de M. Pincher mais qu’il les avait « oubliées » en le nommant.

Le secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance et de la Famille, Will Quince, a également annoncé son départ, jugeant qu’il n’avait « pas le choix » après avoir répété « de bonne foi » dans les médias des éléments fournis par les services du Premier ministre « qui se sont avérés inexacts ». Laura Trott a démissionné de son poste d’assistante auprès du secrétaire d’État aux Transports jugeant que la confiance était « perdue ».

Le secrétaire d’Etat aux Ecoles Robin Walker, lui aussi démissionnaire selon les médias britanniques, a écrit mercredi à M. Johnson que les « grandes réalisations » du gouvernement avaient été « éclipsées par des erreurs et des interrogations sur l’intégrité ».

Deux poids lourds du gouvernement

Claquant simultanément la porte, Rishi Sunak, ministre des Finances, et Sajid Javid, ministre de la Santé, étaient des poids lourds du gouvernement britannique aux relations de plus en tendues avec le Premier ministre Boris Johnson.

Rishi Sunak

D’origine indienne pour le premier, pakistanaise pour le second, ils ont en commun d’avoir souffert du racisme dans le passé et d’être passés de la banque à la politique. « Le public attend à juste titre que le gouvernement soit mené de manière correcte, avec compétence et sérieux », a écrit dans sa lettre de démission Rishi Sunak. Longtemps cité parmi les favoris pour succéder à Boris Johnson, le Chancelier de l’Echiquier de 42 ans semble même envisager la fin de sa carrière dans un gouvernement. « Je reconnais que c’est peut-être mon dernier poste ministériel, mais je crois que ces standards méritent que l’on se batte pour les défendre, c’est pourquoi je démissionne », a-t-il écrit.

Eternel sourire aux lèvres et air de premier de la classe, cet homme à la silhouette longiligne a été propulsé, au début de la pandémie de Covid-19, aux fonctions de grand argentier dans lesquelles il s’est vite rendu populaire en déliant largement les cordons de la bourse. Rishi Sunak a longtemps été considéré comme le potentiel futur premier chef du gouvernement britannique hindou. Mais son image de sérieux et d’intégrité s’est trouvée sévèrement écornée quand a éclaté au grand jour le fait que son épouse, Akshata Murty, de nationalité indienne et fille d’un magnat des services informatiques, avait choisi de bénéficier d’un statut fiscal qui lui permettait d’éviter de payer au fisc britannique des impôts sur ses revenus étrangers. Rien d’illégal, mais cette révélation a été très mal perçue par des Britanniques en proie à une inflation record.

Rishi Sunak

Rishi Sunak est né à Southampton, sur la côte sud de l’Angleterre, d’un père médecin généraliste et d’une mère pharmacienne. Après le Winchester College, un très chic pensionnat pour garçons, il a étudié la politique, la philosophie et l’économie dans les prestigieuses universités d’Oxford, en Angleterre, et de Stanford, aux Etats-Unis. Avant d’entrer en politique, il a travaillé dans la finance, en particulier chez Goldman Sachs, et fondé sa propre société d’investissement.

Confiance perdue

Député depuis 2015, Rishi Sunak était entré au gouvernement début 2020 après la démission surprise de Sajid Javid, qui avait préféré quitter le portefeuille des Finances que d’avoir à y subir la mainmise de l’ex-conseiller tout puissant de Boris Johnson, Dominic Cummings. Cette fois, c’est le Premier ministre lui-même que Sajid Javid, 52 ans, vise dans sa lettre de démission. « C’est avec d’énormes regrets que je dois vous dire que je ne peux plus, en toute conscience, continuer à servir au sein de ce gouvernement », a écrit Sajid Javid à l’attention de Boris Johnson. Les Britanniques sont en « droit d’attendre de l’intégrité de la part de leur gouvernement », a-t-il poursuivi, annonçant que le chef du gouvernement avait « perdu » sa « confiance ».

Sajid Javid. © AFP

Sajid Javid, yeux ronds et crâne glabre, avait été nommé ministre des Finances lors de l’arrivée de Boris Johnson à Downing Street fin juillet 2019, après s’être rallié sur le tard au camp des Brexiters. Il avait auparavant été le premier ministre de l’Intérieur issu d’une minorité ethnique, sous Theresa May (Première ministre de 2016 à 2019). Depuis son élection au Parlement en 2010, ce fils de chauffeur de bus a rapidement gravi les échelons au sein du parti conservateur.

Sajid Javid © REUTERS

Son père était arrivé au Royaume-Uni au début des années 1960 sans un sou en poche, trouvant d’abord un travail dans une usine de coton de Rochdale, près de Manchester (nord-ouest de l’Angleterre). Après l’université, Sajid Javid a fait carrière dans la banque, d’abord à la Chase Manhattan Bank, puis à la Deutsche Bank, avant de se tourner vers la politique. Revenu au gouvernement en juin 2021 à la Santé, en pleine pandémie de coronavirus dans l’un des pays les plus durement touchés en Europe, il démissionne le jour du 74e anniversaire du service public de santé, le NHS, auquel les Britanniques sont tant attachés.

Nadhim Zahawi nommé nouveau ministre des Finances

Le Premier ministre britannique Boris Johnson a nommé mardi soir son ministre de l’Education, Nadhim Zahawi, au poste de ministre des Finances qu’occupait Rishi Sunak. Les services de M. Johnson ont indiqué que la reine Elizabeth II avait approuvé la nomination de M. Zahawi. Ce Kurde né en Irak est arrivé au Royaume-Uni avec sa famille sans parler un mot d’anglais, et a ensuite mené une carrière lucrative dans les affaires. M. Zahawi, 55 ans, a cofondé le réputé institut de sondage YouGov et a commencé sa carrière politique dans les milieux conservateurs à Londres, avant de devenir député en 2010. Il a gagné en popularité en assurant la gestion de la vaccination des Britanniques pendant la pandémie.

M. Javid a lui été remplacé à la Santé par Steve Barclay, jusque-là chargé de la coordination gouvernementale.

Boris Johnson pourra-t-il survivre à cette énième crise ?  

Lui qui a toujours refusé d’envisager la démission sent tout de même de plus en plus le vent du boulet. Déjà considérablement affaibli par le scandale des fêtes organisées à Downing Street pendant la pandémie, il a survécu il y a quelques semaines à un vote de défiance de son propre camp.

« Game over », soulignait ainsi The Times. « Chaque jour qu’il passe au pouvoir y augmente le chaos. » Pour le quotidien, Boris Johnson commet une erreur en s’accrochant au pouvoir car il n’a « plus la confiance ni de son parti, ni du pays ».

Se sont ajoutées plusieurs affaires à caractère sexuel au Parlement: un député soupçonné de viol a été arrêté puis libéré sous caution mi-mai, un autre a démissionné en avril pour avoir regardé de la pornographie à la Chambre sur son téléphone portable en avril et un ancien député a été condamné en mai à 18 mois de prison pour l’agression sexuelle d’un adolescent de 15 ans. Le départ de ces deux derniers députés a provoqué des élections législatives partielles et de lourdes défaites pour les conservateurs. Et, ce, alors que le parti avait déjà essuyé un très mauvais résultat aux élections locales de mai. De quoi exaspérer les Britanniques qui font face à une inflation au plus haut depuis quarante ans, à 9,1% en mai sur douze mois.

Boris Johnson.
Boris Johnson.

Après une grève historique des cheminots fin juin, les syndicats ont déjà appelé à un « été du mécontentement » et plusieurs professions –avocats, personnels de santé, enseignants– ont organisé ou annoncé des mouvements sociaux.

Dernière cerise sur ce gâteau déjà bien chargé, le vice-président du parti conservateur britannique, Bim Afolami, a démissionné mardi en direct à la télévision, expliquant qu’il ne pouvait plus soutenir le Premier ministre Boris Johnson. Également membre du parlement britannique, il a déclaré lors de l’émission « The News Desk » sur Talk TV: « Après les dernières accusations concernant le « whip » en chef adjoint (chargé de la discipline parlementaire des députés conservateurs, NDLR) et d’autres événements des dernières semaines, je pense que le Premier ministre n’a plus mon soutien ni celui du parti ou du pays. »  L’homme politique considère que Boris Johnson devrait présenter sa démission. « Il est clair qu’après avoir perdu le soutien de deux membres de son cabinet, il est temps pour lui de démissionner », a-t-il déclaré, confirmant par la même occasion son intention de ne plus être vice-président du parti conservateur.

Selon un sondage de l’institut YouGov mardi soir, 69% des électeurs britanniques estiment que Boris Johnson devrait démissionner. Plus de la moitié (54%) des électeurs conservateurs de 2019 pensent que le Premier ministre doit quitter son poste.

Le Premier ministre Boris Johnson risque donc de ne pas passer une délicieuse journée ce mercredi devant les députés britanniques. Les deux anciens ministres démissionnaires seront assis parmi les autres députés conservateurs pour la séance hebdomadaire de questions au Premier ministre qui s’annonce encore plus animée que d’habitude. Boris Johnson fera ensuite face aux présidents des principales commissions de la Chambre des Communes, parmi lesquels certains de ses plus virulents opposants chez les Tories.

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