Danemark, un programme de déradicalisation qui « marche »
La ville d’Aarhus au Danemark s’enorgueillit de son programme original de prévention de la radicalisation jihadiste qui privilégie l’approche sociale, après le succès d’une expérience similaire menée auprès de membres de gangs.
De nombreux responsables français, élus, universitaires ou éducateurs, ont fait le déplacement ces dernières années pour étudier le « modèle d’Aarhus », du nom de la deuxième ville du royaume scandinave. Articulé autour d’un programme de tutorat, sa réussite est difficile à évaluer précisément même si ses promoteurs assurent qu’il « marche ».
Qui gère le programme?
Les services sociaux et de la jeunesse municipaux travaillent sur des projets de prévention depuis plusieurs décennies à Aarhus. Après des programmes s’adressant aux membres de gangs de motards, ils ont lancé l’initiative contre la radicalisation en 2007.
Les enseignants et responsables associatifs sont formés pour reconnaître les signes de radicalisation et encouragés à contacter l’équipe antiradicalisation si un jeune les inquiète. Elle comprend deux travailleurs sociaux et deux policiers. Ces derniers se rendent dans les établissements scolaires pour « créer un débat sur la façon de vivre sa vie tout en respectant la façon dont les autres vivent la leur », explique Toke Agerschou, directeur du projet.
Qui est visé?
Tous les collégiens et lycéens, de toute origine ou de tout quartier, sur la base du volontariat. Depuis 2013, environ 250 signalements ont été faits, dont une centaine cette année. Les jeunes peuvent être signalés par leur famille ou amis, la police, les travailleurs sociaux ou les responsables associatifs. Après évaluation du risque, la personne signalée se voit proposer un suivi psychologique, un programme de « tutorat », et une aide sociale pour accéder à une formation ou un emploi, et un logement. Depuis début 2013, 34 personnes ont quitté cette ville de 300.000 habitants pour combattre en Syrie ou en Irak. Les autorités locales se réunissent régulièrement avec les responsables d’une mosquée que 25 d’entre eux ont fréquentée.
Que fait-on des jeunes radicalisés?
Les responsables du programme leur offrent un suivi psychologique, ainsi qu’à leur famille. Un réseau de soutien doit répondre aux questions de leurs proches. Certains jeunes sont directement aidés dans leur recherche d’emploi ou de logement, et une vingtaine ont accepté de rencontrer régulièrement un tuteur. Une dizaine d’entre eux le font encore aujourd’hui. Ces rencontres avec le tuteur sont informelles. Elles peuvent consister à aller ensemble à la bibliothèque municipale ou à un match de football. Les 17 jeunes d’Aarhus revenus de Syrie et d’Irak ont tous été contactés par les responsables du programme, et deux tiers d’entre eux travaillent ou ont repris une formation actuellement. Un programme spécifique de « sortie » du jihadisme, pour ceux qui ont combattu, n’a pas encore attiré de volontaire.
Le programme offre-t-il des privilèges?
La municipalité apporte « le soutien qu’on reçoit si on a un enfant ordinaire ayant des problèmes sociaux », selon M. Agerschou, citant l’exemple des toxicomanes. Si les jeunes revenus de Syrie ont probablement enfreint les lois sur le terrorisme, pour l’instant la police n’a pas d’élément contre eux. « Si vous faites quelque chose d’illégal vous devez être condamné », souligne le responsable.
Quels sont les résultats?
Après le départ de 30 habitants d’Aarhus pour la Syrie en 2013, il n’y en a eu qu’un en 2014 et trois jusqu’ici en 2015. « Venir à leur rencontre avec des exigences et de la confiance (…) ça marche », selon M. Agerschou. Il souligne toutefois que le programme n’est peut-être pas la seule explication à la baisse des chiffres.
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