Christian Makarian
« Daech veut détruire la diversité et la cohabitation »
C’est le risque principal, celui qui menace de nouveau l’ensemble du Moyen-Orient : en espérant que le groupe Etat islamique soit enfin éradiqué et chassé de ses bases territoriales de Mossoul (ce qui est en cours) et de Raqqa, en Syrie (ce qui reste à accomplir), qu’adviendra-t-il de ses combattants qui n’auraient pas été pris ou tués ?
Exfiltrés, banalisés, ils iront répandre la mort ailleurs, afin d’assurer la continuité de Daech.
u0022La diversité et la cohabitation faisaient la spécificité même du Proche-Orientu0022
C’est à cette démonstration qu’ils se sont livrés, le dimanche des Rameaux, en procédant à un massacre de chrétiens, en Basse-Egypte : deux bombes, placées devant des églises majeures d’Alexandrie et de Tanta, ont déchiqueté les corps des fidèles venus assister à la messe, jusqu’à couvrir de sang les murs de ces lieux de paix, ultimes refuges d’une communauté bien plus ancienne et plus ancrée dans le pays des pharaons que ne le sont les sunnites. Daech mute, se déplace, mais son poison idéologique demeure intact : il s’agit de détruire la diversité et la cohabitation, qui faisaient la spécificité même du Proche-Orient, afin d’imposer par la peur l’idée stupide que l’islam recouvre tout, abolit tout, élimine tout. Mais il y a en Egypte deux enjeux supplémentaires.
D’une part, depuis plusieurs années, le Sinaï est en proie à des djihadistes du désert extrêmement actifs, qui surgissent brusquement des dunes pour tuer indistinctement les représentants de l’Etat central égyptien (soldats, gardes-frontières douaniers, guides…), tenu d’une main de fer par les militaires du maréchal Al-Sissi (liquidateurs des Frères musulmans). Dans cette zone incontrôlable, les attaques sont ininterrompues, les armes circulent, les trafics se multiplient, au point qu’Israël ne cesse de s’alarmer de voir, à ses frontières directes, le groupe Etat islamique installer une redoutable succursale nomade.
D’autre part, les djihadistes entendent rendre coup pour coup au pape François, promoteur zélé d’un dialogue croissant entre les religions. Ce dernier se rendra en Egypte, les 28 et 29 avril prochains, à l’invitation des autorités politiques, mais aussi musulmanes et coptes : plus qu’un symbole, c’est un axe stratégique essentiel. François avait déjà reçu l’an dernier au Vatican (une grande première, assez critiquée) le grand imam de la mosquée phare d’Al-Azhar (Le Caire). Il persiste en se rendant sur place, au coeur d’un pays qui a vocation à devenir la plate-forme du dialogue entre les civilisations, en raison de son rayonnement sur l’ensemble du monde arabe. En guise de préparatifs, en février dernier, au Caire, Al-Azhar et le Conseil des sages musulmans (Abu Dhabi) ont émis une déclaration fondamentale affirmant » l’égalité entre musulmans et chrétiens « . C’est ce pari que Daech veut combattre par le crime. Et dont le pape est, grâce au courage des coptes, en train de faire la marque de l’Eglise du XXIe siècle.
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