Carte blanche
Critiquer la politique israélienne, ce n’est pas de l’antisémitisme
Le 25 novembre, le directeur de Human Rights Watch a été expulsé du pays par Israël en raison de son appel présumé au boycott. Cela s’inscrit dans une tendance plus large à réduire au silence les voix critiques de la politique israélienne. Particulièrement visé, le mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) est souvent qualifié d’antisémite. Une évolution inquiétante comme le soulignent dans une lettre ouverte une centaine de citoyens, d’académiques, juifs ou non juifs, engagés contre l’antisémitisme.
Le 25 septembre 2019, le ministère israélien des Affaires stratégiques présentait un nouveau rapport au Parlement européen. Dans ce rapport, le mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) dans son ensemble est assimilé à de l’antisémitisme. Le rapport appelle les gouvernements européens à mettre fin à toute forme de coopération avec les organisations qui soutiennent l’appel BDS.
Le ministère israélien des Affaires stratégiques n’en est pas à son coup d’essai. Au cours des deux dernières années, il a en effet publié plusieurs rapports discréditant les organisations de la société civile israélienne, palestinienne et européenne. La Haute Représentante de l’UE pour les Affaires étrangères, Federica Mogherini, a réagi en qualifiant ces attaques d' »infondées » et d' »inacceptables », ajoutant qu’elles « ne font que contribuer aux campagnes de désinformation ».
Diversion de la lutte contre l’antisémitisme
Les points de vue des signataires de la présente lettre sur le BDS peuvent être divergents. Certains d’entre nous soutiennent le BDS, d’autres non et cela pour diverses raisons. Cependant, nous rejetons unanimement l’affirmation erronée, inappropriée et trompeuse selon laquelle le BDS est une manifestation d’antisémitisme. Quoi que chacun puisse penser du BDS, il doit être clair qu’il s’agit d’une forme légitime et non violente de protestation contre l’occupation israélienne du territoire palestinien et qu’elle doit, à ce titre, être protégée par la liberté d’expression et de réunion. Cela a été confirmé récemment par la Haute Représentante sortante, Mme Mogherini, ainsi que par trois rapporteurs spéciaux des Nations Unies.
En tant que citoyens juifs, chercheurs scientifiques et engagés dans la lutte contre l’antisémitisme, nous rejetons sans équivoque les conclusions, tactiques et recommandations du ministère israélien des Affaires stratégiques. L’antisémitisme et les autres formes de racisme constituent un grave danger et doivent être activement combattus. Mais les recommandations du ministère israélien des Affaires stratégiques et des groupes étroitement associés au gouvernement israélien tels que « NGO Monitor » n’aident pas dans cette lutte importante. Au contraire, le fait d’assimiler la critique légitime de la politique israélienne à l’antisémitisme ne fait qu’affaiblir la lutte contre l’antisémitisme réel.
Rétrécissement de l’espace d’expression
Les tentatives visant à assimiler le mouvement BDS et les autres critiques de la politique israélienne dans les territoires palestiniens occupés à de l’antisémitisme sont avant tout des manoeuvres politiques. Ces dernières années, le gouvernement israélien du Premier ministre Netanyahou a qualifié d’antisémite toute forme d’opposition aux politiques israéliennes d’occupation et d’annexion. Les organisations locales de la société civile, qui subissent des pressions de toutes sortes, voient de ce fait leur espace d’expression se rétrécir de plus en plus.
De plus, le gouvernement israélien ne fait aucune distinction entre Israël et les territoires palestiniens occupés. Il considère comme antisémite aussi bien le boycott que les tentatives de différencier Israël et le territoire palestinien occupé.
Pour toutes ces raisons, nous demandons au gouvernement et au parlement fédéral d’affirmer clairement que le BDS est une forme légitime et non violente de critique de la politique israélienne, et qu’il ne peut en aucun cas être assimilé à l’antisémitisme. Nous les appelons également à soutenir financièrement et politiquement les organisations de la société civile israélienne et palestinienne (en ce compris celles qui souscrivent à l’appel BDS) qui combattent pacifiquement l’occupation israélienne et documentent les violations du droit international.
Ces organisations sont nos alliées dans la lutte contre l’occupation et l’annexion du territoire palestinien. Elles méritent plus que jamais notre plein appui, plutôt que des accusations non fondées d’antisémitisme.
LISTE DES SIGNATAIRES
1. Adèle Moulard, monitrice à l’UPJB-jeunes
2. Adeline Liebman, psychothérapeute
3. Adrien Mora, étudiant, moniteur à l’UPJB-jeunes
4. Alain Lapiower, administrateur de l’UPJB
5. Alban de Kerchove, directeur de recherche FNRS
6. Alice Desmedt, administratrice de l’Union des Progressistes Juifs de Belgique (UPJB)
7. Amélie Caillon, membre de l’Association belgo-palestinienne (Bruxelles)
8. André Lacroix, enseignant retraité, cofondateur du Syndicat de l’enseignement libre (SEL-Setca-FGBB)
9. Anne Grauwels, revue Points critiques (UPJB)
10. Anne Staquet, professeur de philosophie (Université de Mons).
11. Antonin Moriau, coordinateur de l’Union des Progressistes Juifs de Belgique
12. Anya Topolski, Universiteit Nijmegen
13. Aude Corbeel, étudiante en sciences spatiales.
14. Ava Silovy, membre de l’UPJB
15. Brigitte Herremans, onderzoeker Mensenrechtencentrum UGent
16. Claudine Van O, membre de l’UPJB
17. Daniel Apelbaum, citoyen engagé (UPJB)
18. Daniel Dekkers, ingénieur retraité
19. Deborah Rouach, comédienne belge
20. Didier de Neck, comédien, metteur en scène
21. Dirk De Bièvre, Universiteit Antwerpen
22. Dr. Lior Volinz, Vrije Universiteit Brussel
23. Elie Vamos, citoyen belge et juif laïque
24. Elsa Schiffmann, membre de l’UPJB
25. Éric David, professeur émérite de droit international (Université Libre de Bruxelles)
26. Esther Vamos, professeur émérite, ULB
27. Eva Brems, Department of European, Public and International Law Human Rights Centre
28. Fanny Filosof, juive, athée et féministe
29. Florian Gillard, étudiant à l’ULB
30. Georges Bauherz, professeur à l’Université libre de Bruxelles (ULB), chef de service honoraire des Hôpitaux IRIS Sud
31. Hans Rosenblatt, alias Henri Roanne, ancien journaliste, enfant caché 1942-44
32. Heinz Hurvitz, professeur émérite ULB, administrateur de l’Institut d’études du judaïsme (Martin Buber, ULB)
33. Henri Goldman, rédacteur en chef de la revue Politique, administrateur de l’UPJB
34. Henri Wajnblum, Membre du comité de rédaction de « Points Critiques » (revue de l’UPJB)
35. Herman De Ley, Universiteit Gent
36. Hugo Corten, étudiant en sciences politiques et militant de l’ABP
37. Irène Kaufer, membre de l’UPJB
38. Itamar Shachar, Een Andere Joodse Stem
39. Jacques Aron, professeur honoraire, essayiste
40. Jacques Bude, professeur émérite de psychologie sociale (Université Libre de Bruxelles), mère et père assassinés à Auschwitz
41. Jacques Koplowicz, professeur de chimie retraité
42. Jacques Ravedovitz, psychothérapeute, ancien président de l’UPJB
43. Jacques Schiffmann, ingénieur, chargé de cours honoraire à l’ULB
44. Jean Vogel, professeur de l’ULB, président de l’Institut Marcel Liebman
45. Jean-Jacques Amy, Emeritus hoogleraar Vrije Universiteit Brussel
46. Jérôme Peraya, permanent d' »Agir pour la paix »
47. José Gotovitch, professeur honoraire (Université Libre de Bruxelles)
48. Julie Ringelheim, chercheuse en droit au FNRS et à l’UCL
49. Julien Staszewski, citoyen belge
50. Karin Verelst, Vrije Universiteit Brussel
51. Ketura le Roij, membre de l’UPJB
52. Lara Szyper, psychothérapeute
53. Laurent Vogel, chargé de cours à l’ULB, chercheur à l’Institut syndical européen
54. Léopold Darcheville, journaliste
55. Lila Bel Mamoune, étudiante à l’ULB
56. Ludo Abicht, Universiteit Antwerpen
57. Madeline Lutjeharms, Vrije Universiteit Brussel
58. Mady Wajnblum, membre de l’UPJB
59. Marc Abramowicz, psychologue
60. Marc De Meyere, Emeritus hoogleraar Universiteit Gent
61. Marc Jacquemain, professeur honoraire (Université de Liège)
62. Maroussia Toungouz Névessingnsky, avocate en droit des étrangers, administratrice de l’UPJB
63. Mateo Alaluf, professeur honoraire (Université Libre de Bruxelles)
64. Mathieu Staszewski, employé communal
65. Maysan Qasem, étudiante à l’ULB
66. Michel Staszewski, professeur d’histoire retraité, ancien administrateur du MRAX
67. Miguel Schelck, étudiant à l’ULB
68. Nassera Bousbaine, enseignante en soins infirmiers
69. Nicole Gere, administratrice de l’UPJB
70. Nicole Mayer, sociologue, ancienne administratrice du Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie (MRAX)
71. Pablo Van den Bulcke, membre de l’UPJB
72. Patricia Geller, psychanalyste
73. Patrick Italiano, chercheur en sociologie (Université de Liège)
74. Paul Tellier, membre de l’UPJB
75. Perrine Humblet, professeur à l’ULB
76. Pierre Marage, professeur émérite, ancien doyen de la Faculté des Sciences de l’Université Libre de Bruxelles
77. Rebecca Nabulsi, monitrice à l’UPJB-jeunes
78. Sabine Kahn, chercheuse et chargée de cours en sciences de l’éducation (Université Libre de Bruxelles)
79. Sabine Ringelheim, journaliste
80. Sacha Schiffman, administrateur de l’UPJB
81. Serge Deruette, professeur à l’Université de Mons
82. Serge Gutwirth, hoogleraar mensenrechten aan de Vrije Universiteit Brussel
83. Sharon Geczynski, sociologue et attachée de communication
84. Simon Chabrillat, chercheur dans un établissement scientifique fédéral, membre de l’UPJB
85. Stéphanie Koplowicz, députée du PTB au Parlement bruxellois
86. Suzanne Mousset, généticienne, chercheuse au Fonds National de la Recherche Scientifique
87. Tessa Parzenczewski, revue Points critiques (UPJB)
88. Thérèse Liebmann, docteur en histoire (ULB), professeure retraitée, citoyenne juive engagée
89. Tom Sauer, Universiteit Antwerpen
90. Valentine Joukovsky, administratrice de l’UPJB
91. Valérie Alaluf, médecin généraliste
92. Victor Ginsburgh, professeur honoraire, ULB
93. Vincent Engel, écrivain et chroniqueur, professeur à l’Université catholique de Louvain et à l’Ihecs
94. Willy Estersohn, ancien journaliste
95. Youri Mora, administrateur de l’Union des Progressistes Juifs de Belgique
96. Zoé Georgoutsos, membre de l’UPJB
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