Cristina Kirchner : aimée des pauvres, détestée des riches
Cristina Kirchner, première dame puis présidente de l’Argentine, a imposé pendant ses deux mandats un style de confrontation avec le pouvoir économique et une politique sociale qui l’a rendue très populaire chez les plus démunis.
Elue dès le 1er tour en 2007 et en 2011, elle a successivement été en conflit avec le secteur agricole agro-industriel, le puissant groupe médiatique Clarin, les fonds « vautours » et les milieux économiques, qui lui reprochaient un contrôle des changes, une nationalisation musclée et une politique protectionniste.
Parallèlement, sa politique de gauche d’aides sociales et de généreuses subventions, au prix d’un déficit budgétaire élevé, assortie d’une réévaluation obligatoire des salaires sur l’inflation, ont séduit dans les quartiers défavorisés.
Cristina Kirchner, 63 ans, ne laisse pas indifférent en Argentine. On l’aime ou on la déteste. Ses détracteurs la voient démagogue, populiste et corrompue. Pour ses défenseurs, elle a eu le courage de juger les anciens dictateurs, réduit les inégalités et s’est érigée contre l’élite économique.
Militante dans sa jeunesse du Parti justicialiste de l’ex-président Juan Domingo Peron, Cristina Fernandez a commencé sa carrière politique dans la province de Santa Cruz, en Patagonie, région d’origine de son mari Nestor Kirchner. Elle sera ensuite élue sénatrice, puis députée.
« Je ne suis ni Evita, ni Hillary », avait déclaré Cristina Kirchner en 2007 alors qu’elle était la première dame de l’Argentine, avant de succéder à son mari Nestor Kirchner.
« Avec Hillary, nous avons des points communs, nous avons été toutes les deux sénatrice, avocate et femme de président, mais cela s’arrête là », disait en 2007 l’Argentine au sujet de l’Américaine, bien placée pour devenir la première femme présidente des Etats-Unis.
Dur d’être présidente
La veuve de Nestor Kirchner confie que son mari l’avait prévenue que la tâche serait plus ardue pour une femme. « Il me disait toujours qu’on exigerait plus de moi ».
« Etre présidente, c’est très dur », a récemment reconnu Mme Kirchner, qui qualifie les accusations de corruption dont elle fait l’objet de « persécution politique ».
En juin, l’ancien vice-ministre de la Planification José Lopez, en poste pendant les 12 ans de présidence de Cristina et Nestor Kirchner, a été arrêté alors qu’il tentait de dissimuler 9 millions de dollars en liquide dans un monastère.
Depuis qu’elle a quitté le pouvoir, fin 2015, elle vit dans son fief politique de Patagonie, se contentant de brefs séjours à Buenos Aires. En mars, c’est une convocation judiciaire qui l’a conduite dans la capitale.
D’après sa biographe Sandra Russo, « elle a un seuil élevé de résistance psychique » et lors des joutes parlementaires, « Cristina s’est habituée à lutter pour être entendue ». Elle met aussi en avant le fait que dans un pays macho, « le composant féminin » « pèse beaucoup dans la balance en Argentine ».
Depuis Isabel Peron, arrivée à la présidence à la mort de Juan Peron en 1974 et déposée en 1976 par un coup d’Etat, 10 femmes ont gouverné un pays d’Amérique latine, notamment Dilma Rousseff au Brésil et Michelle Bachelet au Chili.
Proche des Etats-Unis durant les années 1990, l’Argentine a changé de ligne en 2005, préférant s’allier à l’axe bolivarien du président vénézuélien Hugo Chavez, une politique maintenue par Cristina Kirchner.
Talons hauts, toilettes soignées, brushing toujours impeccable. Cristina Kirchner ne cache pas sa coquetterie : « J’aime beaucoup me maquiller depuis que j’ai 15 ans », a-t-elle admis un jour.
Elle se défendait de vouloir ressembler à Evita, mais « Cristina », comme on l’appelle, a cultivé les similitudes avec ce personnage chéri des Argentins, qui a fondé avec son mari, le général Peron, le Péronisme. Ce mouvement politique majeur en Argentine a gouverné le pays de 1989 à 2015, avec un intermède de 1999 à 2001.
« Pour le peuple argentin, Evita c’est identité et légende. Cristina appartient au présent (…) Cristina n’est pas encore un symbole, c’est une vraie politicienne », dit la biographe.
Sur son futur politique, elle maintient le secret. Les adversaires de Mauricio Macri prédisaient que Cristina Kirchner lui mènerait, depuis l’opposition, une vie impossible. Mais il n’en est rien. L’influence de l’ancienne présidente sur la vie politique a fondu. Elle pourrait néanmoins briguer un nouveau mandat en 2019.
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