Etienne Dujardin
Crise des migrants : il est temps d’agir et non plus de subir
Des millions de migrants souhaitent venir en Europe et principalement dans les pays riches de notre continent. Tout le monde le reconnaît : la gestion allemande du dossier a été chaotique et Angela Merkel en porte une lourde responsabilité.
Accueillir plus d’un million de migrants en un an n’était pas raisonnable. La population allemande et la population européenne dans son ensemble souhaitent un discours crédible en matière d’immigration et d’intégration, alliant générosité et fermeté.
Angela Merkel a été une grande chancelière, son pays jouit d’une santé économique éclatante. Elle le doit à ses réformes et aussi à celles entreprises par son prédécesseur, Schröder. Dans le dossier des migrants par contre, elle a complètement sous-estimé la situation. Comment peut-on accueillir correctement un million de migrants en un an ? Il est difficile de trouver un logement décent et un travail pour un si grand nombre de gens, de leur donner des cours de langues et de les familiariser à notre culture. On ne peut pas, par ailleurs, contrôler correctement les intentions réelles et les véritables raisons de fuir d’autant de monde. En fin de compte, Angela Merkel a fait l’inverse de ce qu’il fallait faire en temps de crise : elle divise au lieu de rassembler.
D’une part, elle a divisé son pays. Depuis la mi-2015, elle ne cessait de baisser dans les sondages. Depuis Cologne, sa politique est contestée très durement, y compris au sein de son propre parti. Sa faible remise en question et sa volonté de poursuivre sa politique d’accueil malgré les mises en garde des ministres, des députés de son parti et de sa propre population, posent question. Il est étonnant qu’elle ne tienne pas davantage compte de l’opinion publique sur une question aussi fondamentale. Pire : sa politique fait monter l’extrême droite alors qu’on pensait l’Allemagne vaccinée face aux discours simplistes. Sa volonté de sous-titrer en arabe ses voeux de Nouvel an n’a pas été comprise et constitue un curieux message pour pousser vers l’intégration.
D’autre part, elle divise sensiblement et gravement l’Europe. Son appel à accueillir largement a créé un espoir démesuré chez les migrants qui affluent par millions aux frontières extérieures de l’Europe et certains pays, comme la Grèce, se sont vus littéralement submergés, entraînant les critiques d’une Europe passoire, incapable de contrôler ses frontières. Tout le monde constate que Schengen ne fonctionne plus aujourd’hui. Pour certains même, comme Nicolas Sarkozy, « Schengen est mort« . Le fossé n’a jamais été aussi grand entre Europe de l’Est et de l’Ouest. Les anciens pays soviétiques ne souhaitent plus être sous la coupe de personne et n’apprécient pas de voir leur souveraineté remise en cause. Un sentiment contre les technocrates de Bruxelles émerge à l’Est. Les populations ne comprennent pas qu’on tape sur leurs dirigeants et qu’on fasse, en même temps, les yeux doux à la Turquie d’Erdogan qui cite le régime d’Hitler comme un régime politique efficace sans susciter la moindre réaction forte des dirigeants européens.
Tout le monde est d’accord pour dire que la crise à laquelle nous sommes confrontés est l’une des plus graves que l’Europe doit traverser et pourrait même mettre à mal son existence à moyen terme. Il est donc temps que les politiques se retroussent les manches. Il est temps d’étudier notre réelle capacité d’accueil, de voir si le système des quotas est efficace, de revoir les contrôles des frontières externes de l’Europe et d’améliorer les mécanismes liés à Schengen. Jean-Claude Juncker a demandé, cette semaine encore, d’établir une politique européenne de l’immigration. Il serait presque temps, un an après la crise que nous connaissons !
Enfin, il est urgent de revoir notre système d’intégration. Il faut rappeler qu’il y a des droits et des devoirs. Voir une ministre socialiste francophone s’opposer à une initiative visant à imposer des cours de respect des femmes aux migrants, alors que toute la gauche flamande soutient cette mesure est assez hallucinant. L’échec de l’intégration dans certains quartiers saute aux yeux. Il faut changer de méthode. Financer des pièces de théâtre comme Djihad, c’est bien. Financer des activités sportives, c’est nécessaire, mais insuffisant. Il faut cesser d’acheter la paix sociale.
Finançons massivement des cours d’apprentissage pour des filières en pénurie. Finançons massivement des ASBL capables de montrer des visages qui réussissent. Proposons à de brillants médecins, avocats, journalistes, entrepreneurs, artisans, commerçants, issus de l’immigration de témoigner bien plus fréquemment dans les écoles pour montrer que l’intégration est possible, que les parcours qui méritent le respect et qui donnent l’envie de se dépasser ne sont pas minoritaires. Redonnons du pouvoir aux écoles et aux enseignants. Il n’est pas normal qu’un directeur d’école ne puisse pas expulser un élément qui perturbe fréquemment le corps professoral ou les autres élèves. Il y a un travail énorme à réaliser. Continuons d’accueillir, mais soyons modestes. Comme le disait le socialiste Michel Rocard : « On ne peut accueillir toute la misère du monde« . L’une des plus grandes démocraties du monde, à savoir les Etats-Unis, est bien plus stricte que nous pour contrôler les entrées et imposer une immigration choisie et non subie. Il n’est pas trop tard d’agir, mais il est temps !
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici