Course à Downing Street: duel final entre Rishi Sunak et Liz Truss
Il est désormais acquis que le gouvernement britannique sera dirigé soit pour la première fois par un homme non-blanc, soit pour la troisième fois par une femme.
Dans sept semaines, l’un d’eux deviendra Premier ministre britannique: l’ex-ministre des Finances Rishi Sunak et la ministre des Affaires étrangères Liz Truss se sont qualifiés mercredi pour le duel final dans la course à Downing Street pour succéder à Boris Johnson
Sélectionnés par les députés du parti à l’issue d’une série de cinq votes, les deux concurrents seront départagés par les 200.000 adhérents du parti conservateur, à l’issue d’un vote par correspondance dont le résultat est attendu le 5 septembre. Rishi Sunak a obtenu mercredi 137 votes de députés conservateurs, devant Liz Truss (113 votes) et la secrétaire d’Etat au Commerce extérieur Penny Mordaunt, éliminée avec 105 voix, selon les résultats annoncés par Graham Brady, responsable de l’organisation du scrutin interne.
« Merci d’avoir placé votre confiance en moi », a réagi sur Twitter Liz Truss.
« Hasta la vista, baby »
Après sa démission le 7 juillet de Boris Johnson, emporté par les scandales, il a tiré sa révérence lors d’une dernière séance de questions au Parlement en tant que Premier ministre. Il s’est fendu d’un « hasta la vista, baby » et de conseils à destination de celui ou celle qui lui succèdera: « Restez proche des Américains, soutenez les Ukrainiens, battez-vous pour la liberté et la démocratie partout. Baissez les impôts et dérégulez où vous pouvez pour faire de ce pays le meilleur endroit pour vivre et investir. »
Jusqu’au dernier moment, les équipes des trois candidats se sont activées pour obtenir les suffrages des députés conservateurs, notamment de ceux qui soutenaient l’ex-secrétaire d’Etat à l’Egalité Kemi Badenoch, éliminée mardi.
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Course très ouverte
Rishi Sunak, 42 ans, dont le départ du gouvernement début juillet a contribué à précipiter la chute du Premier ministre Boris Johnson, est en tête depuis le premier vote. Pour autant, la compétition, très ouverte, est loin d’être gagnée pour celui qui semble moins populaire auprès de la base du parti qu’auprès des députés.
Selon un sondage YouGov publié mardi, l’ex-ministre des Finances serait largement battu en finale quel que soit son adversaire. A l’inverse, Liz Truss, 46 ans, avait été jugée peu convaincante la semaine dernière mais a réussi à réduire l’écart. Elle semble par ailleurs la mieux placée pour récupérer les voix de Kemi Badenoch, qui représente comme elle l’aile droite des Tories.
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M. Sunak a été accusé par le député David Davis de chercher à « réallouer » certains de ses votes vers Liz Truss afin d’éliminer Penny Mordaunt, qu’il considère comme plus difficile à battre. « C’est la campagne la plus sale que j’ai jamais vue », a affirmé M. Davis sur la radio LBC.
Mme Mordaunt, 49 ans et quasi inconnue des Britanniques il y a encore 10 jours, avait été propulsée favorite dans un sondage YouGov la semaine dernière mais jugée floue et peu convaincante lors de deux débats télévisés. Son équipe de campagne la présentait comme incarnant « le changement » alors que ses deux rivaux, poids lourds sous Johnson, sont les candidats de « la continuité ». Elle a remercié dans un tweet ses équipes pour leur « dur travail », « nous avançons ensemble ».
La crise de confiance et les questions d’intégrité ont marqué la campagne, les candidats affirmant tous vouloir tourner – au moins sur la forme – la page de l’ère Johnson entachée de scandales. Les candidats ont également largement débattu de la façon dont ils comptaient s’attaquer à la crise du coût de la vie qui étrangle les ménages britanniques, alors que l’inflation a encore accéléré en juin, à 9,4% sur un an.
Un débat entre les deux finalistes se tiendra dès lundi prochain sur la BBC, a annoncé le groupe audiovisuel public. Il se déroulera en direct depuis Stoke-on-Trent, ville du centre de l’Angleterre qui avait voté à plus de 69% pour le Brexit lors du référendum de 2016, devant un public de 80 à 100 personnes.
Quelles différences entre Truss et Sunak ?
Ils présentent des positions divergentes dans plusieurs domaines clés. Voici les points sur lesquels les deux candidats comptent faire la différence pour succéder au Premier ministre Boris Johnson.
Impôts
C’est pour l’heure le sujet qui divise le plus pendant la campagne.
A cet égard Rishi Sunak, ministre des Finances depuis plus de deux ans avant de démissionner en début de mois, est perçu comme candidat de la continuité. Il entend maintenir les augmentations d’impôts récentes pour équilibrer les comptes après les dépenses et emprunts record pendant la pandémie. Il fait de la lutte contre l’inflation, à un niveau inédit depuis 40 ans, sa priorité, et a étrillé les « contes de fées » de ses concurrents de réduire la fiscalité, estimant que de telles baisses ne feraient qu’accentuer le problème. Il promet de baisser les impôts une fois l’inflation réduite.
Liz Truss a quant à elle promis de réduire la pression fiscale « dès le premier jour ». Elle entend revenir sur une hausse récente des cotisations sociales, tout en voulant maintenir l’impôt sur les sociétés à un niveau « compétitif ».
Coût de la vie
A la tête du ministère des Finances, Rishi Sunak a déjà mis en oeuvre un ensemble de mesures de soutien aux ménages face à la crise du coût de la vie la plus sévère depuis des décennies. L’enveloppe de 15 millions de livres sterling présentée en mai est destinée aux familles aux revenus modestes, les trois quarts des fonds étant destinés aux bénéficiaires de prestations sociales. Ses concurrents ont toutefois critiqué ces mesures comme insuffisantes. Liz Truss a promis d’utiliser la croissance économique alimentée par les baisses d’impôts comme le principal levier face à la crise.
Brexit
Liz Truss, qui était pour le maintien dans l’Union européenne lors du référendum de 2016 avant de se convertir en défenseure zélée de la sortie de l’UE, conduit depuis décembre les négociations avec Bruxelles sur les points de frictions. Elle est l’une des architectes du projet de loi controversé du gouvernement Boris Johnson d’outrepasser les dispositions spécifiques à la province d’Irlande du Nord, en violation du droit international selon les Européens. Rishi Sunak, qui a soutenu le Brexit en 2016, a exprimé son soutien au projet de loi controversé. En tant que Chancelier, il a fait la promotion de « ports francs » comme un moyen de tirer parti du Brexit.
Immigration
Sous pression face à la multiplication des traversées de la Manche de migrants sur de petites embarcations, le gouvernement conservateur compte expulser vers le Rwanda les demandeurs d’asile arrivés illégalement sur le sol britannique. Le projet hautement controversé, dont la mise en oeuvre a été suspendue par la Cour européenne des droits de l’Homme, est soutenu par l’un comme l’autre des finalistes. Liz Truss l’a qualifié de « complètement moral ».
Défense
Rishi Sunak a refusé de définir des « objectifs arbitraires » sur les dépenses militaires dans le sillage de l’invasion russe en Ukraine. Mais il voit les objectifs des pays membres de l’OTAN de dépenser 2% de PIB pour la Défense, « comme un plancher et non un plafond ». Il plaide pour un relèvement du budget de la Défense à 2,5% de PIB. Liz Truss s’est quant à elle engagée à atteindre 3% d’ici à 2030.
Climat
Rishi Sunak a promis de maintenir l’objectif gouvernemental de la neutralité carbone d’ici à 2050. Il maintiendrait des « prélèvements verts » sur les factures d’énergie pour favoriser le développement des énergies renouvelables. Liz Truss a promis de supprimer ces prélèvements, mais s’est engagée à maintenir l’objectif de 2050.
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