Coup d’Etat ou… coup d’éclat: que cherche Trump ?
Sans précédent dans l’histoire politique américaine, la remise en cause par Donald Trump des résultats de l’élection présidentielle soulève une interrogation centrale: quel est son objectif ?
Pour certains, le milliardaire républicain est ni plus ni moins qu’en train de fomenter un attentat contre l’institution démocratique américaine. Pour d’autres, le président, résolu mais frustré de devoir quitter la scène, sort de son chapeau de « showman » tous les ingrédients du chaos afin de conserver à tout prix les projecteurs braqués sur lui.
Et, dans cet âge d’or du conspirationnisme, chacun à tout le loisir de se forger sa propre vérité.
Vu sous un certain angle, Donald Trump ne fait qu’exercer un droit légitime à exiger des résultats vérifiés dans une élection où il s’est retrouvé au coude-à-coude avec Joe Biden dans quelques Etats cruciaux, où il affirme que des tricheries électorales se sont produites. « Election truquée! », a-t-il encore tweeté jeudi.
– Incompréhensible –
Dans les faits, la croisade médiatico-judiciaire dans laquelle s’est lancé le président semble incompréhensible.
L’histoire des Etats-Unis est jalonnée d’élections conclues par des résultats plus serrés que l’édition 2020, sans que cela se traduise par l’affrontement auquel le monde assiste médusé.
Près de 10 jours après le scrutin, le camp Trump est toujours dans l’incapacité de produire un seul élément concret prouvant l’existence d’une fraude à grande échelle.
Alors, que cherche à faire M. Trump ?
Pour les partisans de la théorie du coup d’Etat, l’ex-magnat des affaires a jeté le masque et suit désormais sans complexe une stratégie d’autocrate. Logique, disent-ils, pour quelqu’un qui n’a jamais caché son admiration pour Vladimir Poutine et d’autres dirigeants à poigne, pas vraiment réputés pour leur défense des règles démocratiques. Leur théorie est confortée par le fait que l’impétueux septuagénaire a limogé lundi son ministre de la Défense Mark Esper, aux idées réputées s’écarter parfois trop de la ligne présidentielle.
– Pourquoi ces limogeages ? –
D’autres hauts responsables du Pentagone ont été renvoyés dans le sillage de M. Esper. « Pourquoi ? », a tweeté Alexander Vindman, un officier militaire et ancien conseiller de l’exécutif, renvoyé de la Maison Blanche pour avoir témoigné contre le président lors de sa procédure en destitution.
Parmi les autres sonnettes d’alarme citées en appui de cette théorie figure le feu vert donné lundi par le ministre américain de la Justice, Bill Barr, à l’ouverture d’enquêtes sur d’éventuelles irrégularités lors de la présidentielle. Une position inédite qui a déclenché la démission de Richard Pilger, chargé de la question des élections au ministère.
M. Barr « autorise le ministère à être instrumentalisé afin d’annuler les résultats de l’élection », ont dénoncé deux juristes, Ryan Goodman et Andrew Weissmann, dans le quotidien Washington Post.
Selon un scénario encore plus extrême et catastrophiste, Donald Trump oeuvrerait à une prise de contrôle souterraine du collège électoral, l’organe rassemblant les grands électeurs chargé de désigner officiellement en décembre le président, selon les règles du scrutin indirect américain.
Une telle hypothèse, qui supposerait que les Etats républicains réussissent à tordre le bras à un nombre important de grands électeurs, semble toutefois peu réaliste. Mais elle illustre la tension régnant actuellement dans le pays.
Et la déclaration mardi du secrétaire d’Etat Mike Pompeo qui a évoqué, envers et contre tout, une transition vers un « second » mandat pour Donald Trump, n’a pas aidé à calmer les esprits.
– Terre brûlée ? –
La théorie alternative qui agite actuellement Washington est celle d’un Trump qui aurait décidé de se retirer, mais en affichant le comportement contraire à l’humilité d’un vaincu et à la décence d’un sortant. Entre politique de la terre brûlée et recherche plus intéressée de financements, le président pourrait continuer à refuser de concéder sa défaite et rester fidèle à son image machiste de « combattant » et de « gagnant », lui qui a toujours dit publiquement exécrer les « losers ».
Même s’il a terminé second dans la course à la Maison Blanche, il sait que pour cela il peut s’appuyer sur sa base électorale aussi solide que loyale, et un bilan respectable de plus de 72 millions de suffrages.
L’heure de la reconversion ayant sonné, on le suppose de nouveau tenté par le petit écran, surtout après avoir déploré le recentrage de Fox News, pas assez trumpiste à son goût. Occuper à tout prix le terrain médiatique ou continuer à bombarder les citoyens américains de demandes de participation financière à son « Official Election Defense Fund » ne peut que servir sa volonté de rester au premier plan, même sous une présidence Biden.
Et le chaos qu’il aura semé fournirait le contexte idéal pour le premier épisode d’une nouvelle série de télé-réalité avec le septuagénaire en super star.
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