« Coup d’état militaire » au Soudan
Des soldats ont arrêté lundi matin les dirigeants civils au Soudan, un « coup d’Etat militaire » selon des militants pro-démocratie dans ce pays d’Afrique de l’Est où l’union sacrée post-dictature entre autorités civiles et militaires aura été de courte durée.
« La plupart des ministres et les membres civils du Conseil de souveraineté ont été arrêtés », a annoncé le ministère de l’Information, alors que peu d’informations filtrent dans un pays où l’Internet a été coupé et où les télécommunications sont de plus en plus aléatoires.
Ce sont « des forces militaires » qui les ont emmenés vers une destination inconnue et les retiennent, ajoute le communiqué du ministère.
Le Soudan connaît une transition précaire entachée de divisions politiques et de luttes de pouvoir depuis que l’armée a poussé au départ l’ancien président Omar el-Béchir en avril 2019 après trois décennies de pouvoir sous la pression d’une énorme mobilisation populaire. Depuis août de la même année, le pays est dirigé par un Conseil de souveraineté composé pour moitié de civils et pour moitié de militaires.
Mais ces derniers jours, la tension est montée entre les deux camps. Le 16 octobre, des pro-armée ont planté leurs tentes devant le palais présidentiel où siègent les autorités de transition, partagées entre civils et militaires selon la transition qui devait s’achever en 2023.
En réponse, le 21 octobre, des pro-civils sont descendus par dizaines de milliers dans les rues des différentes villes du pays, dans un joyeux festival pour, disaient-ils, « sauver » leur « révolution », le soulèvement qui a mis fin en 2019 à 30 années de dictature d’Omar el-Béchir.
Depuis, le sit-in des pro-armées a débordé ailleurs dans Khartoum. Dimanche matin, premier jour de la semaine, ils ont bloqué un des principaux ponts de la ville créant des embouteillages monstres. Et le soir, ils sont de nouveau ressortis, brûlant des pneus en travers de route.
Face à eux, l’Association des professionnels, l’un des fers de lance de la révolte de 2019, a appelé les partisans d’un pouvoir civil à la « désobéissance civile » face à un « coup d’Etat militaire violent ».
– Civils divisés –
Il y a deux jours déjà, le camp pro-civil avait mis en garde contre un « coup d’Etat rampant », lors d’une conférence de presse qu’une petite foule avait cherché à empêcher.
La direction du pays est censé être remise aux civils lors d’une première étape avant d’arriver fin 2023 aux premières élections libres en 30 ans.
Mais les civils eux-mêmes sont divisés. La preuve? Les manifestants rivaux qui ont organisé une démonstration de force à Khartoum se revendiquent tous des Forces de la liberté et du changement (FLC), la grande alliance anti-Béchir qui s’est créée en 2019.
Alors que la tension n’a cessé de monter, de nombreux hauts diplomates, parmi lesquels l’émissaire américain Jeffrey Feltman, se sont pressés à Khartoum ces derniers jours.
A chacun, le chef du Conseil de souveraineté, le général Abdel Fattah al-Burhane, et le Premier ministre, le technocrate Abdallah Hamdok dont le sort est inconnu lundi, ont redit leur attachement à « la coopération civils-militaires » et à « la transition démocratique ».
La rumeur courait dans Khartoum qu’un remaniement ministériel était imminent et que l’armée cherchait à étendre son influence au sein des autorités de transition. Mais M. Hamdok, qui parlait depuis des jours de « crise la plus grave et la plus dangereuse » pour la transition, avait démenti.
La tentative de coup d’Etat « doit cesser immédiatement », exhorte Berlin
L’Allemagne a « clairement condamné » lundi la tentative de coup d’Etat au Soudan qui « doit cesser immédiatement » pour permettre la poursuite d’une « transition politique pacifique vers la démocratie », selon un communiqué du ministre des Affaires étrangères.
« Les informations faisant état d’une nouvelle tentative de coup d’État au Soudan sont atterrantes », a déclaré Heiko Maas, appelant au « dialogue » entre responsables politiques alors que l’armée soudanaise a arrêté les dirigeants civils, notamment le Premier ministre.
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