Pour Nedim Gürsel, il faut du changement en Turquie. © AFP

Coup de force politique en Turquie: «Erdogan suit la trajectoire de Poutine»

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Pour l’écrivain Nedim Gürsel, l’exercice du pouvoir par le président turc, «c’est du totalitarisme».

Nedim Gürsel est un romancier turc, vivant à Paris. La Première Femme (Seuil, 1986), Un long été à Istanbul (Gallimard, 1991), L’Ange rouge (Seuil, 2013) ou Le Fils du capitaine (Seuil, 2016) l’ont installé comme une des principales plumes de la littérature de son pays. Son dernier livre, Amour et rébellion. Le voyage de Candide à Istanbul (éd. du Rocher) est sorti en 2024. Il exprime son ressenti sur la situation de son pays après l’arrestation d’Ekrem Imamoglu.

Que vous inspire l’arrestation d’Ekrem Imamoglu?

Je n’aurais jamais imaginé que Recep Tayyip Erdogan soit capable de faire cela. Car cela signifie que l’Etat de droit n’existe pas. La Turquie vit le règne absolu de l’arbitraire. Erdogan ne veut plus quitter le pouvoir. Il semble décidé à tout faire pour empêcher la candidature d’Ekrem Imamoglu. Car, dans ce cas, il risquerait de perdre le pouvoir.

La mairie d’Istanbul est un poste stratégique pour la conquête de la présidence. L’accession d’Ekrem Imamoglu à cette fonction a-t-elle beaucoup servi sa popularité?

Ekrem Imamoglu bénéficie d’une grande popularité en raison de sa gestion de la municipalité d’Istanbul. Malgré tous les pièges qui lui ont été tendus par le pouvoir, il a été réélu lors des élections municipales du 31 mars 2024. Istanbul est une métropole de seize millions d’habitants, deux fois la population de la Grèce. Elle dispose d’un budget énorme. C’est un Etat dans l’Etat. Elle représente beaucoup pour Recep Tayyip Erdogan, qui a lui-même été maire d’Istanbul avant d’être Premier ministre et président. A l’échelon national, l’opposition a progressé lors des dernières élections législatives du 14 mai 2023. Mais pas suffisamment pour renverser l’AKP. Recep Tayyip Erdogan suit un peu la trajectoire de Vladimir Poutine. Il tente la même stratégie, avec un non-respect absolu de l’Etat de droit.

«La séparation des pouvoirs est une affaire révolue en Turquie.»

Comment pourriez-vous définir le pouvoir d’Erdogan?

On a souvent parlé à propos de lui de «dérive autoritaire». Cela ne suffit plus aujourd’hui pour qualifier son exercice du pouvoir. Pour moi, c’est du totalitarisme. Par le non-respect absolu des institutions, par les ingérences dans l’appareil judiciaire… La séparation des pouvoirs est une affaire révolue en Turquie.

Les institutions turques ne sont-elles pas suffisamment solides pour empêcher ce totalitarisme?

Des «purifications» ont été opérées au sein de ces institutions. Des actions non démocratiques ont été menées pour décrédibiliser des dirigeants de partis politiques. Il ne faut pas oublier que l’AKP règne sur la Turquie depuis 22 ans. Il est arrivé au pouvoir en 2003, et ne l’a pas quitté depuis. Il est temps qu’il y ait un changement. Ekrem Imamoglu représentait le changement.

(1) Amour et rébellion. Le voyage de Candide à Istanbul, par Nedim Gürsel, éd. du Rocher, 288 p.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire