Coronavirus : pourquoi les citoyens dévalisent-ils les supermarchés ?
À l’approche d’une catastrophe – qu’elle soit naturelle ou sanitaire – les citoyens se précipitent en grand nombre dans les supermarchés. C’est ce qu’on appelle » l’achat de panique « . Cette réaction est-elle le signe de la prudence ou bien celui de l’irrationalité ? Analyse du phénomène.
Les images parlent d’elles-mêmes :deux Australiennes se disputent violemment dans un supermarché. La raison de cet échange de coups ? Obtenir les derniers rouleaux de papier toilette qui traînent sur l’étagère. Au milieu de l’épidémie de coronavirus, certaines provisions et fournitures deviennent la convoitise des citoyens. Faire ses courses en temps de crise prend parfois des allures de parcours du combattant. Difficile de naviguer entre les rayons, quand des centaines de clients s’amassent devant les produits…
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Cet exemple australien n’est pas unique: les files d’attente à la caisse de certains commerces n’ont jamais été aussi longues aux États-Unis, tweet un résident de Washington. La demande de riz et nouilles instantanées n’a jamais été aussi massive à Singapour. Les dépenses ont considérablement augmenté ces derniers jours en Nouvelle-Zélande. Et le gouvernement français s’est vu obligé de plafonner le prix des gels hydroalcooliques pour éviter tout abus de la part des commerçants.
Telles sont les conséquences de l’achat de panique – un phénomène qui se produit face à une crise, et qui peut rapidement faire grimper les prix, mais également entraîner la pénurie de certains produits de première nécessité. En Belgique, les médecins généralistes doivent trouver des alternatives pour se protéger, en vue de la pénurie de masques.
Un acte rationnel, si modéré
En temps de crise, il est normal de prendre certaines précautions en s’approvisionnant en fournitures d’urgence. « Faire le plein de nourriture et d’autres fournitures aide les gens à sentir qu’ils ont un certain contrôle sur les événements. C’est un processus de réflexion logique: si le virus arrive dans votre région, vous voulez pouvoir réduire vos contacts avec les autres mais aussi vous assurer de survivre à cette période de retrait« , explique David Savage, professeur agrégé de comportement et de microéconomie à l’Université de Newcastle en Australie, dans une étude sur la question.
En revanche, acheter 500 boîtes de fèves ou une trentaine de sacs de rouleaux de papier toilette pour une période d’isolement de probablement deux semaines n’est pas raisonnable. Ce type de comportement peut aggraver les pénuries. Le stockage irrationnel peut également conduire à des hausses de prix. Il existe plusieurs exemples de dérives spéculatives en réponse au coronavirus – ebay a d’ailleurs été obligé de retirer les masques de la vente. Le géant américain Amazon avait lui aussi indiqué retirer de la vente près d’un million de produits présentés, à tort, comme pouvant guérir ou protéger du coronavirus.
https://twitter.com/KristinaMMoy/status/1233903225293524992Kristina Moyhttps://twitter.com/KristinaMMoy
I have never in my life seen Seattle Costco lines like this – 40 carts deep with over one-hour wait times. Plus, lots of Instacart orders for cases of water. #stateofemergency #costco #Covid19usa #panicbuying pic.twitter.com/XWXtmEQi7L
— Kristina Moy (@KristinaMMoy) February 29, 2020
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La psychologie de l’achat de panique
On constate une grande différence entre l’achat de panique et la préparation aux catastrophes, explique Steven Taylor, professeur et psychologue clinicien à l’Université de la Colombie-Britannique et auteur de The Psychology of Pandemics. C’est l’incertitude.
Dans le cas d’une inondation ou d’un ouragan, par exemple, la plupart des citoyens ont une idée plus ou moins précise de la quantité de denrées et fournitures qu’ils doivent se procurer en cas de panne de courant, de pénurie d’eau ou de quarantaine forcée par les événements (ex : impossibilité de sortir de chez soi à cause d’une inondation, d’une tempête de neige…).
Dans le cas du coronavirus, de nombreuses incertitudes demeurent. L’achat de panique est alors alimenté par l’anxiété. Les citoyens veulent garder un certain contrôle sur les événements, mais ne savent pas exactement ce dont ils ont réellement besoin. Ils ont alors la volonté d’acheter à foison pour apaiser leur crainte, quitte à parfois exagérer sur les quantités.
« Dans des circonstances comme celles-ci, les gens ressentent le besoin de faire quelque chose qui soit proportionnel à ce qu’ils perçoivent comme le niveau de la crise « , explique Taylor à la BBC. « Nous savons qu’il faut se laver les mains, par exemple. Mais pour beaucoup de gens, cette simple hygiène des mains semble trop ordinaire. [L’épidémie de coronavirus] est considérée comme un événement dramatique, donc une réponse dramatique est nécessaire, de sorte que les gens dépensent leur argent dans des choses qu’ils n’ont pas forcément besoin, et ce, dans l’espoir de se protéger. »
On peut donc considérer l’achat de panique comme étant finalement un mécanisme psychologique activé pour faire face à nos peurs et nos incertitudes. C’est un moyen de garder une forme de contrôle sur une situation qui nous échappe. Quant à savoir s’il s’agit réellement d’un acte irrationnel, la question divise encore. Certains chercheurs pensent en effet que l’étiquette de « panique » peut être un peu trompeuse et que la véritable « panique » est rare, réservée aux situations où la mort est imminente.
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