COP 28 : pourquoi le captage de CO2 est une fausse bonne solution
La technique de captage et de stockage de carbone est poussée par les producteurs de pétrole, à la Conférence sur le climat de Dubaï. Mais, depuis les années 1990, elle est loin d’avoir fait ses preuves.
Les attentes des producteurs d’or noir sont grandes concernant Gorgon : il s’agit de la plus grande installation de captage et stockage de CO2 (CCS, Carbon Capture and Storage) au monde, située sur une île au large de l’Australie et qui compte 200 puits de forage. C’est Chevron, deuxième major américaine derrière ExxonMobil, qui est au commande de ce projet phare de 54 milliards de dollars, lancé en 2017. Mais voilà, Gorgon multiplie les échecs. Dans les derniers résultats qu’elle a communiqués, la compagnie Chevron reconnaît n’avoir pu stocker dans le sous-sol qu’environ un tiers du CO2 capturé de juin 2022 à juin 2023. Pour la sixième année consécutive, Chevron n’a donc pu atteindre – loin de là – l’objectif de captage et stockage de 80 % du carbone produit par les forages. Ces revers persistants devraient refroidir les enthousiasmes pour cette technologie dite « prometteuse » par les producteurs de pétrole.
A la COP de Dubaï, cette technologie a néanmoins fait les choux gras des principaux pays producteurs de pétrole, l’Arabie Saoudite en tête, qui s’oppose fermement à toute mention d’une « sortie des énergies fossiles » dans le texte final de la conférence. Pour ces pays et les compagnies pétro-gazières, le CCS s’avère un outil incontournable pour lutter contre le réchauffement climatique. Il est aussi surtout le moyen de justifier la poursuite de l’exploitation et de la production d’hydrocarbures à grand échelle. D’où l’importance de la distinction faite, dans les négociations de Dubaï, entre les fossiles « unabated » et les fossiles « abated ». Unabated désigne la production d’hydrocarbures sans dispositif d’atténuation des gaz à effet de serre, le CCS étant le plus répandu de ces dispositifs. Abated désigne, dès lors, le pétrole « propre », produit sans émissions de CO2 ou presque.
Les producteurs de pétrole poussent à ce que la COP ne se prononce sur une sortie ou une réduction progressive de la production des seules ressources fossiles unabated. Mais les experts climatiques estiment qu’il serait risqué d’inclure ce terme dans un accord international sans l’avoir clairement défini et sans s’accorder sur un délai d’effectivité. D’autant qu’aucun des 500 projets de CCS, à divers stades de développement, répertoriés par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), n’a, jusqu’ici, tenu ses promesses. Or cette technologie a été mise au point dans les années 1990 déjà. Seules une quarantaine d’installation sont actuellement actives dans le monde, mais leur capacité de captage global ne dépasse pas les 50 millions de tonnes de CO2, soit moins de la moitié des émissions de la Belgique… Prometteuse sur le papier, la technique n’est visiblement qu’une fausse bonne solution.
Un rôle majeur pour les cimenteries
Elle est en outre très coûteuse. Dans l’hypothèse d’un développement important du CCS, il faudrait débourser 30 000 milliards de dollars de plus que dans l’hypothèse d’un développement modeste, comme le prône l’AIE elle-même. En effet, l’Agence de l’énergie recommande de n’accorder qu’un rôle très marginal à cette technologie balbutiante et de plutôt se focaliser sur la fin des investissements dans les énergies fossiles. Pour l’Union européenne, le captage de CO2 ne peut jouer qu’un rôle majeur pour certaines industries lourdes, comme les cimenteries qui sont à l’origine de 7 % des émissions mondiales.
Pour le reste, il faut être conscient qu’un procédé tel que le CCS permet seulement de contenir des émissions de gaz à effet de serre, pas de les empêcher. Par conséquent, si cette technique pousse à maintenir la production d’hydrocarbures dans des proportions quasi aussi importantes qu’aujourd’hui, comme le souhaite leurs producteurs, ce sera un échec pour la sauvegarde du climat. Car le captage n’a lieu principalement que lors de l’extraction et de la production de pétrole, pour ne prendre que cet exemple, pas lorsque celui-ci est brûlé dans les moteurs des véhicules thermiques ou dans les chaudières à mazout. Cela ne résoudrait donc qu’une toute petite partie du problème. Et ce, pour autant que la demande en énergies fossiles n’augmente pas, comme c’était encore le cas en 2022 et comme ce le sera en 2023, où les niveaux ont dépassé ceux d’avant la pandémie de Covid.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici