Consommation: rien n’est jamais gratuit
La gratuité n’existe pas. Car si une chose ne coûte rien, ou presque, c’est que quelqu’un d’autre paye la note. Voici la logique économique derrière la « gratuité » avec quelques exemples de la vie quotidienne.
La Chine, pays des bonnes affaires ?
Pour comprendre pourquoi les produits venus de Chine sont si bon marché, il suffit d’aller voir dans les alentours de Shenzhen, connu comme hall de production du monde. Cet ancien village de pêcheurs est devenu, en un rien de temps, une métropole exemplaire et l’un des symboles de l’un des plus grands bouleversements économiques de l’histoire. Si au début des années 1990, la Chine ne représentait encore que 2 % de l’économie mondiale, en 2016 c’était déjà plus de 15 %. Les économistes expliquent ce boom grâce au faible coût de la main-d’oeuvre, aux exigences environnementales inexistantes, aux brevets bafoués et à une monnaie chinoise fortement sous-évaluée. On rajoute à cela des tarifs de transport maritime qui sont parmi les plus bas au monde puisque la Chine figure toujours sur la liste des pays en développement de l’UPU (l’Union postale universelle qui supervise le courrier international). L’envoi « gratuit » de Chine est donc en réalité payé par les pays riches précise De Morgen.
Les fausses bonnes affaires de l’E-commerce
Selon la Dernière Heure, 75 % des commandes des géants de l’e-commerce se font via mobile là où les conditions de vente sont quasi illisible. De quoi faciliter les arnaques. Sur les sites américains comme Wish (300 millions d’utilisateurs ) ou Basso, ou encore le Hongkongais Joom, les Chinois AliExpress, Shein, Romwe, voire le russe Vova, on trouve de tout à des prix défiants toute concurrence. Comme souvent, quand c’est trop beau pour être vrai, il faut se méfier. Il n’est ainsi pas rare que les produits commandés sur ces sites soient des produits de mauvaise qualité ou qu’ils ne correspondent pas au descriptif, qu’il y ait des délais de livraison à rallonge, voire que le produit n’arrive jamais, ou encore que le service client soit aux abonnés absents. Entre autres mauvaises surprises, il se peut également qu’il y ait des frais de douane extravagants ou encore un remboursement quasi impossible. Du coup, les litiges avec ses sites explosent, constate la DH. Que faire si c’est votre cas ? Vous pouvez le signaler sur pointdecontact.belgique.be. S’adresser à Test-Achats ou le Centre européen des consommateurs (CEC) Belgique, spécialisé dans l’e-commerce, sont deux autres options. Une autre piste est la possibilité de se retourner vers l’émetteur de la carte de crédit en entrant une réclamation sur macarte.be, mais il faudra présenter « le résultat de votre tentative de résolution à l’amiable avec le commerçant », précise encore le quotidien.
Par contre, si vous achetez une contrefaçon, vous en serez pour vos frais. Ainsi, « s’il y a constatation de contrefaçon par les douanes, la saisie est immédiate, suivie par la destruction du produit. La douane prévient ensuite le représentant officiel de la marque flouée. Le bureau juridique de cette marque va entrer en contact avec le client et pourra lui demander jusqu’à 250 € de dédommagements », toujours selon la DH.
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Un vol à un prix ridiculement bas
Avec des billets à moins de 90 euros aller-retour, on peut s’offrir un week-end shopping en Europe. Depuis le milieu des années 1990, on a ainsi assisté à l’avènement des compagnies aériennes low cost. Celles-ci économisent sur tout et oublient les marges. Par exemple, on estime que le bénéfice net par passager dans le monde est aujourd’hui de 5 euros. Du coup, on récupère sur les montants annexes, qu’on qualifie pudiquement d’extras. Choisir son siège, prendre un bagage, une collation, réserver une voiture ? Il vous faudra compter un supplément. Ces montants sont une véritable vache à lait pour les compagnies et ont doublé entre 2014 et 2018. Les compagnies obtiennent ainsi, en moyenne, 21 euros supplémentaires par passager, soit 4 fois plus que le bénéfice du billet dit encore De Morgen.
Il y aussi les billets à des prix ridiculement bas, mais très changeants. Il faut donc être souple et alerte pour le dénicher. Cette technique de vente est basée sur ce qu’on appelle la « gestion du rendement ». Une forme de tarification basée sur l’élasticité des prix et où il n’y a qu’un certain nombre de sièges qui est offerte au meilleur prix. Le principe est également devenu courant dans l’industrie hôtelière. Ce principe explique aussi le last minute. Car, après tout, une pièce ou un siège vide, ne rapporte rien du tout.
WhatsApp gratuit ?
Communiquer, sous quelque forme que ce soit, a toujours coûté quelque chose. Enfin c’était le cas jusqu’à l’arrivée d’Internet et surtout de WhatsApp, le moyen de communication le plus populaire du moment. Chaque jour, 65 milliards de messages sont envoyés gratuitement dans le monde. Pour que cela fonctionne, il faut pourtant des techniciens, des centres de données et d’innombrables serveurs dans le monde. Comment est-ce possible que ce service soit gratuit, sans publicité et sans abonnements ? En réalité, l’application n’est devenue gratuite qu’en 2016. Avant il fallait encore payer 1 euro pour la télécharger. Le cas WhatsApp illustre parfaitement le modèle des entreprises technologiques. Soit investir dans la croissance, détourner des parts de marché et éliminer la concurrence. Et une fois qu’on est le plus grand, ou le dernier, c’est selon, on remporte le pactole.
Ainsi WhatsApp est aujourd’hui évaluée à environ 19,8 milliards d’euros. Et cette valeur ne fait que croître à mesure que le nombre d’utilisateurs augmente. Du coup, le modèle va-t-il encore longtemps rester le même, depuis que les fondateurs Koum et Acton ont lâché leur bébé pour de bon en 2018 (ils l’avaient déjà revendu en 2014 à Facebook pour 17 milliards) ? Selon les analystes, il est plus que probable que l’application prenne le chemin du WeChat chinois où il est possible, en plus du chat et des appels vidéo, de transférer de l’argent, contracter un prêt, réserver des vacances, jouer à des jeux et payer dans la plupart des magasins. Détail non négligeable, WeChat perçoit des frais pour chaque transaction financière.
Les jeux gratuits ou Free to Play
Avec l’essor des tablettes et smartphones, les jeux vidéo Free to play (littéralement » gratuits à jouer « ) s’invitent désormais partout et n’importe quand. Par Free to play, il faut comprendre ici des jeux gratuitement téléchargeables et jouables sur mobile, tels que Candy Crush, Farm-ville, Angry Birds, Toy Blast, Clash of Clans… Ceux-ci regroupent une grande variété de thèmes et de genres, du puzzle coloré au casse-tête amusant, en passant par les simulateurs proposant de gérer une ferme, un club de foot ou un empire virtuels. De petits divertissements capables de tromper l’ennui, voire d’occuper des soirées entières. C’est que presque tous ceux qui y ont déjà touché vous le confirmeront : il est difficile de résister à la tentation d’une petite partie au moindre trou dans l’emploi du temps et tout aussi pénible de s’arrêter.
Les Free to play sont généralement basés sur une logique de progression, de petites tâches à remplir, une difficulté croissante et sans cesse renouvelée. En d’autres mots : il n’existe pas de fin à ces jeux, il y a toujours un challenge à relever. Si tout est mis en place pour séduire le joueur, c’est pour l’inciter, au fur et à mesure qu’il s’implique dans le jeu, à mettre la main au portefeuille. L’immense majorité desFree to playproposent en effet des micro-transactions en ligne et/ou des boutiques virtuelles. L’objectif ? Permettre au joueur d’acheter du contenu exclusif ou de faciliter sa progression dans le jeu ( » Pay to win « ). » Ces systèmes promeuvent des achats avec des démarches commerciales très agressives, comme on en voit dans très peu de secteurs, met en garde Joël Billieux, par ailleurs coauteur d’une étude sur le sujet. Prises séparément, les sommes demandées sont dérisoires et les transactions sont décontextualisées. Plus le joueur est » pris » dans le jeu, plus il sera tenté de faire un achat lui permettant par exemple de progresser plus vite ou de faciliter le passage d’un niveau difficile.
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Une nourriture à moindre prix
Avec les supermarchés discount, il est possible de faire ses courses sans se ruiner. Pour se faire, les centrales d’achat de ces supermarchés font pression sur les fournisseurs pour qu’ils livrent leurs produits à des prix défiant toute concurrence et réduisant leur marge à peau de chagrin. Du coup si, en 1978, une famille belge moyenne dépensait encore 17,6 % de son revenu total en produits alimentaires, ce chiffre est d’à peine 12 % aujourd’hui. Un autre bel exemple est Ikea. On y trouve non seulement des meubles pas trop chers, mais on peut aussi y déjeuner pour 1 euro.
De l’altruisme ? Pas vraiment à en juger par leur chiffre d’affaires de 41 milliards d’euros et les 211 000 employés. Les bas prix s’expliquent par la taille de l’entreprise qui lui permet de produire en masse et donc de baisser le prix d’achat. En ce qui concerne le petit déjeuner, il représente 2 % des ventes d’IKEA Food, une branche qui comprend les restaurants, les bistros et les marchés alimentaires et qui représente tout de même plus de 5 % des ventes annuelles d’IKEA Belgique. Mais le succès est mondial puisqu’Ikea reçoit chaque année plus de 680 millions de visiteurs dans ses restaurants. Mieux, 20% des visiteurs n’y viendraient que dans l’intention d’y dîner (mais repars tout de même avec un petit quelque chose). On notera que le bas prix de la nourriture participe aussi à l’idée que le magasin est lui-même bon marché et qu’on y fait de bonnes affaires.
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