André Crespin
Congo : tout le monde se réjouit-il de l’accord obtenu ?
Le 31 décembre 2016, un accord politique a été conclu entre majorité et opposition sous l’égide des évêques congolais. Pour la première fois dans l’histoire du pays, cet accord a été négocié uniquement entre Congolais, ce qui constitue un motif de satisfaction pour toutes les parties assises autour de la table. Mais en est-il de même à l’extérieur du pays?
Depuis quelques semaines, le Congo traverse des moments politiques difficiles autour de la date effective de fin du mandat du Président Joseph Kabila. Selon la Constitution, son successeur aurait du prêter serment le 20 décembre dernier. Mais les élections n’ont pas pu être organisées dans les temps. Les incertitudes quant à cette transition politique ont suscité de nombreuses tensions. Au cours des derniers mois, plus de cent personnes sont décédées lors de manifestations violentes, faisant craindre que le pays sombre dans le chaos.
Cet accord historique intervient dans un contexte particulièrement tendu. D’une part, au Congo, la population (et singulièrement la jeunesse) exprime légitimement son mécontentement quant au manque d’amélioration de son quotidien. Bien que des projets ambitieux aient été mis en oeuvre, notamment dans le domaine des infrastructures, la pauvreté reste une dure réalité pour une immense majorité des Congolais. D’autre part, les pays occidentaux n’ont pas toujours joué un rôle constructif au cours des dernières semaines. La perte de leur influence économique semble en être une des causes principales. Selon le FMI, en 2015, 73 % du commerce extérieur congolais s’est effectué avec la Chine, pour seulement 18 % avec l’Union européenne. Quinze ans plutôt, c’était l’inverse. Cela peut sans doute expliquer la nervosité de certaines capitales occidentales qui n’ont pu qu’observer que cette négociation politique s’effectuait sans médiation aucune de leur part. Tom Perriello, envoyé spécial des USA pour la région des Grands Lacs, a tenté à plusieurs reprises de s’immiscer dans le processus, afin de « remettre le dialogue sur les rails ». Sans succès.
A Kinshasa, notre partenaire « Etoile du Sud » se réjouit de l’obtention de l’accord de la Saint-Sylvestre. Selon Erick Kambale, son directeur, cet accord vise avant tout deux choses : organiser la période de transition entre la fin officielle du mandat de Kabila et l’arrivée du nouveau président (prévue en décembre 2017) et, d’autre part, garantir autant que faire se peut la stabilité au sein du pays. Cet accord propose des pistes pour résoudre ces deux problèmes. Entre autres en prévoyant la nomination d’un nouveau gouvernement d’union nationale, la formation d’une commission de suivi de l’accord et du processus électoral présidée par l’opposant historique Etienne Tsishekedi ainsi que la garantie que la Constitution ne sera pas modifiée pour permettre à Kabila de se présenter à un troisième mandat.
Les ressources naturelles du Congo sont gigantesques et suscitent depuis toujours la convoitise des puissances étrangères
Depuis son indépendance, celles-ci s’immiscent comme elles le peuvent dans la vie politique interne pour tenter d’influencer leurs intérêts économiques. L’accord du 31 décembre, conclu entre Congolais uniquement, marque dès lors une étape importante dans le long chemin qui mènera le pays à une authentique indépendance, dans le respect de sa souveraineté.
Comme dans tout accord politique, sa mise en oeuvre sera vraisemblablement encore plus ardue que sa négociation. A commencer par l’organisation même des élections dont le coût est estimé à 1,2 milliard de dollars alors que le gouvernement ne dispose que d’un budget annuel de 4 milliards. Leur financement constitue donc en soi un énorme défi. Dans un contexte difficile comme l’est celui du Congo, nous espérons que la communauté internationale soutiendra pleinement le processus de mise en oeuvre de l’accord de la Saint-Sylvestre. Il permettra au Congo d’organiser une transition politique de manière pacifique et démocratique.
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