Conflit Israël-Hamas: pourquoi l’interdiction de manifestations propalestiniennes en Europe pose question
Le droit des pro-Palestiniens à manifester a été conforté par le Royaume-Uni. La ministre britannique de l’Intérieur a appris qu’on ne badine pas avec la liberté d’expression et l’autonomie de la police.
A Londres, le droit de manifester l’a emporté sur la pression politique. Ainsi pourraient être résumées les turbulences politiques qui ont mené à un remaniement du gouvernement de Rishi Sunak, le 13 novembre. Habituée des sorties fracassantes, la ministre de l’Intérieur, Suella Braverman, avait dénoncé le laxisme supposé de la Metropolitan Police de Londres à l’égard de manifestants de gauche, comparée à une fermeté présumée affichée envers des «coreligionnaires» de droite. Son objectif était de faire interdire une manifestation propalestinienne le 11 novembre, dont la tenue était jugée trop proche des commémorations de l’armistice de la Première Guerre mondiale le lendemain. Une démarche fondamentalement politique: pour Suella Braverman, de l’aile droite du parti conservateur britannique, ces manifestations se résumaient à des «marches de la haine».
Pour Amnesty, il s’agit de «créer un “effet dissuasif” qui menace de réduire l’expression au silence .
Celle du 11 novembre a rassemblé trois cent mille soutiens de la cause palestinienne sans incident notable. Suella Braverman a démissionné et, par un jeu de dominos, a provoqué le retour aux affaires comme chef de la diplomatie de l’ancien Premier ministre David Cameron, le «génial» initiateur du référendum de 2016 qui mena au Brexit. Le grand gagnant du bras de fer a été le chef de la Metropolitan Police de Londres, Mark Rowley, qui en a conforté l’indépendance.
Cet épisode témoigne des entraves que les gouvernements d’Etats occidentaux ont tenté de poser depuis le 7 octobre à l’organisation de protestations contre la politique d’Israël dans la bande de Gaza. «Dans de nombreux pays européens, les autorités restreignent illégalement le droit de manifester. Les mesures imposées vont des restrictions ciblant certains chants et pancartes ou les drapeaux palestiniens, jusqu’à des arrestations de manifestants et des violences policières à leur encontre», a dénoncé Amnesty International, le 20 octobre. La disposition la plus radicale en Europe a été prise par le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui a décrété une interdiction des manifestations. Elle a été annulée par le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative du pays.
Dans un texte de Julia Hall, sa spécialiste de la lutte antiterroriste et des droits humains en Europe, Amnesty International décèle dans ces mesures l’intention pour les gouvernements de «créer un “effet dissuasif” qui menace de réduire l’expression au silence». Human Rights Watch estime qu’elles ont «des effets néfastes sur les droits humains en Europe».
Cette même organisation a salué «l’approche nuancée» de la police de Londres à l’égard des manifestations propalestiniennes. Dans le contexte, elle marche sur des œufs. Elle a procédé à l’arrestation de manifestants qui arboraient des stickers à l’effigie des parapentes utilisés par le Hamas lors de l’attaque contre Israël ou qui brandissaient des drapeaux noirs appelant au djihad. Mais elle a toléré des appels verbaux au djihad ou des slogans «From the river to the sea, Palestine must be free» (de la rivière du Jourdain jusqu’à la mer, la Palestine doit être libre) qui implique la disparition de l’Etat d’Israël et relève d’un antisionisme assimilé à de l’antisémitisme.
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