Conflit au Soudan: sixième jour de combats à Khartoum, les appels à la trêve ignorés
Explosions et tirs continuent jeudi de déchirer Khartoum alors que la communauté internationale tente d’arracher un cessez-le-feu aux deux généraux en lutte pour le pouvoir au Soudan, à la veille de la fête musulmane de l’Aïd el-Fitr.
Dans la ville de plus de cinq millions d’habitants, les familles se pressent sur les routes pour fuir raids aériens, rafales et combats de rue qui ont tué depuis samedi plus de 270 civils et se concentrent à Khartoum et au Darfour, dans l’ouest.
À quelques dizaines de kilomètres de la capitale, toutefois, la vie suit son cours et les maisons s’ouvrent pour accueillir les déplacés. Traumatisés, ils ont roulé ou marché des heures durant, car désormais le litre d’essence s’échange à 10 dollars (un peu plus de neuf euros, NDLR) dans l’un des pays les plus pauvres du monde.
Pour arriver à l’abri, ils ont dû subir les questions ou les fouilles des hommes postés aux check-points des Forces de soutien rapide (FSR), les paramilitaires du général Mohamed Hamdane Daglo, dit Hemedti et de l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane, chef de facto du Soudan depuis le putsch mené par les deux hommes en 2021. Surtout, ils ont dû progresser au milieu des cadavres qui jonchent les bords de route, les blindés et pick-ups calcinés dans les combats à l’arme lourde, et éviter les zones les plus dangereuses, repérables de loin aux épaisses colonnes de fumée noire qui s’en échappent.
Jeudi, de nouveau, les patrons de l’ONU, de l’Union africaine, de la Ligue arabe et d’autres organisations régionales doivent se réunir pour réclamer un cessez-le-feu, alors que les musulmans à travers le monde s’apprêtent à fêter l’Aïd el-Fitr, la fin du ramadan, vendredi ou samedi.
L’armée de l’air, qui vise les bases et les positions des FSR disséminées dans les zones habitées de Khartoum, n’hésite pas à larguer des bombes, parfois au-dessus d’hôpitaux, ont témoigné des médecins. En cinq jours, « 70% des 74 hôpitaux de Khartoum et des zones touchées par les combats ont été mis hors d’usage« , selon leur syndicat ajoutant qu’ils ont été bombardés, n’ont plus aucun stock pour opérer ou bien que des combattants en ont pris le contrôle, chassant médecins et blessés. Les organisations humanitaires ont pour la plupart été forcées de suspendre leur aide, cruciale dans un pays où plus d’un habitant sur trois souffre de la faim en temps normal.
Les civils soumis à un dilemme
L’ONU ne compte plus « les pillages et les attaques » sur ses stocks et son personnel, et dénonce « des violences sexuelles contre des humanitaires« . Les habitants de Khartoum, eux doivent choisir entre deux maux: rester dans une ville où électricité et eau courante ont disparu, où à tout moment, une balle perdue peut transpercer un mur ou une fenêtre. Ou partir sous les tirs croisés et imaginer la prise de leur maison avec tout ce qu’ils n’ont pas pu emporter.
Car les Soudanais n’ont pas oublié les batailles et les atrocités qui ont valu au dictateur Omar el-Béchir, déchu en 2019, deux mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour « crimes de guerre », « crimes contre l’humanité » et « génocide » au Darfour. Pendant la guerre au Darfour qui a éclaté en 2003, il avait délégué la politique de la terre brûlée à Hemedti et le général Burhane était l’un des commandants de son armée régulière.
Les FSR, créées en 2013, regroupent des milliers d’anciens Janjawids, des miliciens arabes recrutés par Omar el-Béchir pour mener cette guerre.