Comment une nouvelle phase se dessine dans la guerre Israël-Hamas (analyse)
Israël assure que la fin du volet intensif des combats est proche. Le menace du Hamas ne semble pourtant pas éteinte. L’après-guerre comporte d’énormes incertitudes.
La guerre entre Israël et le Hamas est-elle en passe d’entrer dans une nouvelle phase? Les propos du ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, le 15 janvier, le laisseraient penser, même si d’autres signes semblent infirmer cette hypothèse. La nature de l’après-guerre à Gaza s’impose en tout cas dans le débat.
Le chef de la défense israélienne a ainsi assuré que «la phase intensive des combats touchait à sa fin» dans le nord du territoire palestinien et que «dans le sud, nous allons y parvenir, et cela se terminera bientôt». Selon lui, la brigade de Khan Younès du groupe islamiste Hamas serait en voie de désintégration. C’est dans cette ville du sud de la bande de Gaza que Tsahal concentre ses opérations depuis plusieurs semaines. Elle abrite le foyer de son chef Yahya Sinouar, que l’Union européenne a inscrit sur sa liste des organisations et personnalités terroristes le 16 janvier, en raison de sa responsabilité dans le massacre du 7 octobre qui a coûté la vie à quelque 1 200 Israéliens. Pour appuyer sa prédiction, le ministre de la Défense a soutenu qu’Israël avait prévu à l’origine que «l’étape intensive des opérations durerait approximativement trois mois». La phase terrestre de l’offensive a commencé le 27 octobre.
Le temps où le dernier soldat israélien quittera Gaza n’est pas encore proche.
Encore des tirs de roquettes
Mais on voit mal les Israéliens ralentir le rythme de leurs opérations tant que le Mouvement de la résistance islamique et les autres groupes palestiniens engagés dans la confrontation continuent de menacer, même de manière plus intermittente, Israël. Le 16 janvier, une cinquantaine de roquettes, la plupart interceptées, ont encore visé la localité israélienne de Netivot. Elles auraient été tirées du centre de la bande de Gaza. Le même jour, Tsahal a encore affirmé avoir détruit une centaine de sites de lancement de ces mêmes projectiles et tué des dizaines de terroristes dans la région de Beit Lahia, située dans la partie nord du territoire pourtant censée être «libérée» de la menace des «ennemis». S’agissait-il d’une des opérations finales de l’offensive dans cette zone? Ou l’état-major israélien a-t-il sous-évalué la tâche qu’il reste à accomplir pour la contrôler entièrement? Mystère.
Dans le sud de la bande de Gaza, l’offensive israélienne n’a pas encore atteint ce stade. La même progression n’y est pas permise en raison de la concentration de populations, dont les déplacés du nord, de la réplique plus intense des groupes palestiniens engagés dans une lutte pour leur survie et de la présence présumée dans leur environnement d’un grand nombre d’otages. Car, concomitamment à la baisse d’intensité annoncée des opérations militaires, ressurgira la question du sort réservé aux quelque 130 captifs encore aux mains du Hamas et de ses alliés. Comme il est souvent advenu dans ce dossier, l’effroi et l’espoir se sont conjugués ces derniers jours. Le groupe palestinien a annoncé la mort de deux d’entre eux, Yossi Sharabi, 53 ans, et Itay Svirsky, 38 ans, supposément et possiblement tués dans des bombardements israéliens.
Par ailleurs, une négociation sous la supervision du Qatar et de la France a permis l’acheminement de médicaments au bénéfice de 45 otages. Paris intensifie son action dans ce domaine. Au centième jour de la guerre, le président Emmanuel Macron a publié une vidéo de soutien dans laquelle il assure vouloir tout faire pour «les ramener tous à la maison». La France compte encore trois captifs à Gaza: un Franco-Mexicain et deux Franco-Israéliens. En Israël, la pression est toujours intense également pour forcer le gouvernement de Benjamin Netanyahou à négocier des libérations. Mais l’objectif ne semble pas prioritaire aux yeux du cabinet de sécurité.
Gouvernance palestinienne
Le débat s’anime, en revanche, sur l’avenir de la bande de Gaza dans l’après-guerre. Le ministre de la Défense, Yoav Gallant, a redit, le 15 janvier, que «les Palestiniens [la] gouverneront à l’avenir. Le futur gouvernement de Gaza doit émaner de la bande de Gaza et doit être fondé sur des forces qui ne menacent pas l’Etat d’Israël.» Il n’a toutefois pas précisé sur quelles forces Israël comptait pour endosser cette mission. Les Etats-Unis tentent de faire avaliser l’idée d’une «Autorité palestinienne renouvelée». Selon la chaîne de télévision israélienne Kan, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, qui a rencontré le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, le 10 janvier, lui aurait conseillé de nommer un gouvernement aux pouvoirs étendus, composé de technocrates, pour gérer l’après-guerre. Mais il n’est pas acquis que Washington réussisse à convaincre les dirigeants israéliens de la pertinence de cette solution, vu l’extrême méfiance que la direction palestinienne leur inspire.
Ils privilégieraient, eux, d’autres options, une gestion temporaire par une mission multinationale présidée par les Etats-Unis en collaboration avec des pays européens et arabes ou une administration locale par des mokhtars, autorités claniques issues des grandes familles. Mais les deux solutions intrapalestiniennes avancées (nouvelle Autorité palestinienne ou administration locale) se heurteraient à coup sûr à l’hostilité que susciterait aux yeux des Gazaouis une démarche nécessitant une collaboration étroite avec l’armée israélienne. Le temps où le dernier soldat israélien quittera Gaza n’est pas encore proche.
Pour preuve, des officiels égyptiens ont fait état, le 16 janvier, d’une demande d’Israël de pouvoir déployer le long de la frontière entre Gaza et l’Egypte, le «corridor de Philadelphie», des forces à la place des miliciens palestiniens. Les Israéliens s’en étaient désengagés après le démantèlement de leurs colonies du territoire en 2005. Si cette mesure entrait en vigueur, on en reviendrait à la situation qui prévalait en 1979 au terme de l’accord de paix avec l’Egypte. Une nouvelle illustration de la détérioration du processus de pacification de la région qu’a provoqué le massacre commis par le Hamas le 7 octobre.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici