Comment les attentats de Paris changent l’accueil des migrants
Depuis les attentats de Paris du 13 novembre, certains pays européens deviennent plus réticents à accueillir des migrants sur leur territoire.
L’Union européenne a mis au point, le 22 septembre dernier, un plan de répartition de l’accueil des réfugiés entre les différents pays membres. Mais depuis les attentats de Paris, l’accueil des migrants dépend beaucoup du bon vouloir des Etats. En effet, nombreux sont les pays qui se cachent derrière des justifications sécuritaires pour freiner l’accueil. L’accroissement des risques liés aux terroristes légitimerait, selon certains Etats, le durcissement des règles de sécurité du pays en matière d’accueil des migrants et de contrôles aux frontières.
Une des raisons de ce durcissement est l’argument de passeports syriens utilisés par les kamikazes, décrite par certains comme une « manoeuvre » de l’Etat islamique, et qui fait douter sur le fait que certains terroristes pourraient se glisser dans le flux de migrants.
Aux Etats-Unis, la Chambre des représentants a voté jeudi dernier la suspension de l’accueil des réfugiés syriens et irakiens sur le territoire américain. La Chambre, à majorité républicaine, veut que ce soit le cas jusqu’à ce que des mesures de contrôle plus sévères soient mises en place. Le Président Barack Obama a déjà promis de mettre son veto et la proposition doit encore être présentée au Sénat américain, où elle ne devrait en principe pas être approuvée.
Les Etats-Unis ne sont pas les seuls à réagir dans ce sens. Certains pays européens se posent le même genre de questions. En Pologne, le nouveau gouvernement doit encore être officiellement mis en place. En attendant, nombreuses sont leurs déclarations visant à défier les décisions de l’Union européenne sur l’accueil des migrants. La nouvelle Première ministre, Beata Szydlo, a d’ailleurs déclaré qu’elle refusait les répartitions décidées le 22 septembre. En Hongrie également, le Parlement a donné le feu vert au Premier ministre, Viktor Orban, pour l’autoriser à intenter une action en justice pour contrer les accords de répartition. Le Premier ministre hongrois se dit convaincu que les terroristes ont « exploité les migrations de masse« . La Slovaquie compte aussi utiliser la loi pour contester la répartition de l’UE.
En République tchèque, le Président Milos Zeman, a participé la semaine dernière à une manifestation anti-immigration et anti-islam organisée dans la capitale, lui aussi contre les quotas de répartition. Les manifestations anti-migrants se sont d’ailleurs multipliées dans plusieurs pays.
En Serbie, l’accès au territoire a été limité aux migrants originaires de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan. Mêmes mesures en Macédoine, où l’accueil des migrants venant du Maroc, Sri Lanka, Soudan, Liberia, Congo et Pakistan vont également être revus.
En Norvège, c’est la loi sur le droit d’asile qui a été revue. Cette mesure était prévue depuis plusieurs semaines, mais le débat autour de cette législation a pris une connotation sécuritaire, rapporte France Culture, qui consacre une longue émission à « la crise des réfugiés à l’ombre du terrorisme ».
Les Etats européens de manière plus générale, emmenés par la France, ont également obtenu la généralisation des contrôles aux frontières extérieures de l’UE. Ce renforcement des contrôles aura des conséquences sur les réfugiés, et notamment sur les routes empruntées par ceux-ci.
Ne pas « mélanger la crise des migrants et la menace terroriste »
Pour l’Union européenne et l’ONU, les attentats de Paris ne devraient pas avoir de conséquences négatives sur l’accueil des réfugiés. Pour Thorbjørn Jagland, secrétaire général du Conseil de l’Europe, « on ne devrait pas mélanger la crise des migrants et la menace terroriste. Le terrorisme était là bien avant. Nous ne devons pas accuser de terrorisme ceux qui le fuient« , a-t-il confié à l’AFP.
C’est également l’avis de Melissa Fleming, porte-parole du Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés (UNHCR), qui se dit préoccupée « par les réactions de certains Etats qui veulent mettre fin aux programmes mis en place, revenir sur leurs engagements pris pour gérer la crise des réfugiés, ou proposent d’ériger des barrières ou des clôtures (…) Les réfugiés ne devraient pas devenir des boucs émissaires et ils ne doivent pas devenir les victimes secondaires de ces tragiques évènements« .
François Hollande et Barack Obama ont également répété que les réfugiés sont, dans leur immense majorité, les premières victimes du terrorisme, qu’ils fuient justement en se rendant aux Etats-Unis et en Europe.
En Belgique, des centaines de demandeurs d’asile dans un froid glacial
En raison de la pénurie des abris, de plus en plus de demandeurs d’asile sont dans la rue, rapporte De Morgen. Le secrétaire d’Etat à l’Asile, Theo Francken, a décidé de fermer l’Office des Etrangers en raison de la menace terroriste de niveau 4 sur la Région bruxelloise. Cela allonge encore le temps d’attente de nombreuses demandes en cours.
La capacité de pré-accueil pour les réfugiés en attente d’une inscription a été augmentée de 500 à 1000 places, mais c’est loin d’être suffisant. La nuit dernière, des centaines d’entre eux n’ont pas eu d’autres options que de passer la nuit dans la rue, par un froid glacial. « La prise en charge est concentrée sur les personnes les plus vulnérables, qui reçoivent un abri« , assure la porte-parole de Theo Francken au Morgen. Cela ne concerne pas les jeunes hommes célibataires, qui pourraient devoir se trouver eux-mêmes un abri, certains « ayant par exemple des connaissances à Bruxelles« .
Theo Francken s’est engagé à augmenter la capacité d’accueil le plus tôt possible, souligne sa porte-parole, sans préciser toutefois de date précise. En attendant, les migrants peuvent compter sur des accueils privés, notamment offerts par les églises, les hôtels, les auberges de jeunesse ou encore des citoyens volontaires.
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