Parce qu’elle a eu le temps de renforcer ses lignes de défense et qu’elle est «débarrassée» du front de Kherson, l’armée russe se montre redoutable face aux Ukrainiens. © photonews

Comment la Russie répond à la contre-offensive de l’Ukraine

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

A la contre-offensive ukrainienne dont les avancées sont restreintes, les Russes répondent par des dispositifs de protection affûtés et même de possibles contre-attaques.

En menant d’apparentes attaques dans les régions de Lyman, à la pointe nord de l’oblast de Donetsk, et de Kreminna, dans l’ouest de celui de Louhansk, et en bombardant plusieurs villes d’Ukraine, jusqu’à Lviv, dans la nuit du 19 au 20 juin, les Russes ont semblé vouloir reprendre l’initiative face à une contre-offensive ukrainienne qui a agité les esprits pendant plusieurs mois, a mené ses premières actions terrestres depuis le 6 juin, et suscite déjà des interrogations sur son déroulement auprès des plus impatients.

Après la conquête de sept villages lors de la première semaine de l’opération, l’Ukraine n’aurait repris qu’une seule autre localité, Piatykhatky, à 25 kilomètres au sud-ouest de la ville d’Orikhiv, dans la province de Zaporijia, pendant la deuxième, hors les progressions apparemment très lentes autour de Bakhmout, du côté de Donetsk. De quoi imprégner les discours des dirigeants soit de gravité – «L’ennemi n’abandonne pas ses plans pour atteindre les frontières des régions de Donetsk et de Louhansk», a reconnu la vice-ministre de la Défense, Hanna Maliar –, soit d’optimisme forcé – «La Russie perdra les territoires occupés. Il n’y a pas, et il n’y aura pas [d’autres options] que nos mesures de “désoccupation”. Nos troupes avancent, poste par poste, pas à pas. Nous avançons», dixit Volodymyr Zelensky, le 19 juin.

La défense “élastique” des Russes ne peut tenir dans la durée sur une ligne aussi longue.

La réponse russe à la contre-offensive de l’Ukraine

La situation militaire peut être résumée par des avancées réduites de l’armée ukrainienne, des pertes sans doute relativement élevées dans ses rangs et une défense russe rendue plus robuste par les dispositifs mis en place, l’expérience accumulée et le renfort de troupes que l’état-major a pu dégager du front de Kherson après les inondations causées par la destruction du barrage de Kakhovka.

«Les Russes utilisent une tactique défensive assez classique qui consiste à infliger des pertes aux attaquants lorsqu’ils sont sur la première ligne, puis à replier les unités de deuxième ligne lorsque cette dernière est atteinte afin de laisser “le champ libre” à leur artillerie et aux manœuvres de contre-attaque de la troisième ligne, détaille l’ancien officier français Guillaume Ancel, sur son blog “Ne pas subir”, en date du 18 juin. Le point faible de cette défense “élastique” est qu’elle ne peut tenir dans la durée sur une ligne aussi longue (plus de mille kilomètres) alors que chaque attaque l’affaiblit progressivement: il n’est en effet pas possible de reconstituer la première ligne (en particulier les obstacles endommagés), ni de compenser les pertes de la deuxième sans entamer les réserves de troisième ligne, sollicitées sur toutes les zones du front attaquées.» La lenteur de la progression et l’ampleur des pertes humaines, côté ukrainien, correspondraient somme toute à la configuration de ce genre de contre-offensive.

Scénario coréen?

Pour l’expert militaire, l’objectif de la Russie est de provoquer l’enlisement du conflit. «Si les troupes de Poutine arrivaient à contenir l’offensive ukrainienne jusqu’au début de l’hiver, elles épuiseraient de fait l’effort de guerre – considérable – consenti par les alliés et, en premier lieu, par les combattants ukrainiens. L’enlisement signerait l’échec de cette opération de libération de l’Ukraine.» Vladimir Poutine resterait alors le maître du jeu dans le conflit, selon un scénario du type de la guerre de Corée. Septante ans après l’arrêt des combats sur le terrain, la paix n’a pas encore gagné la péninsule asiatique.

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