" Parler avec tout le monde ", une obligation spécifiquement française. © L. marin/afp

Comment la politique étrangère de Macron se heurte aujourd’hui à la complexité croissante du monde

Séquence inaugurale spectaculaire : en 2017, le sommet de l’Otan, le G7 de Taormina, la visite de Vladimir Poutine à Versailles, la présence de Donald Trump lors du défilé du 14 Juillet sur les Champs-Elysées ont propulsé le fameux  » domaine réservé  » du président de la République française au-devant de son action. En un temps record, Emmanuel Macron a su incontestablement s’imposer comme une figure internationale de premier plan. Et puis…

Dans un monde apolaire, caractérisé par l’effondrement du directoire mondial, il était inévitable que les ennuis se rejoignent. Avec un degré d’acuité inédit – qui veut que tout soit soudain grave. A la guirlande des conflits inextricables dans lesquels la France s’escrime à clarifier son positionnement, du Mali à la Syrie en passant par la Libye, s’ajoute le caractère désormais imprévisible des grandes puissances, impossibles à domestiquer – telle était la Russie, telle est devenue à son tour l’Amérique. Une partie du monde est hors de contrôle, l’autre très difficile à suivre. C’est parce qu’il a compris que la notion même d’alliance changeait profondément de sens qu’Emmanuel Macron a décidé de  » coller  » au facétieux Donald Trump : privilégier le facteur personnel était la seule carte à jouer auprès d’un homme qui considère qu’il a moins d’alliés que de vassaux. Macron cherche à dresser une digue face à la tourmente internationale.

Des étiquettes dépassées

Cette orientation lui vaut le reproche d’alignement atlantique, critique largement infondée et complètement dépassée. Comme le note finement l’historien Justin Vaïsse dans un article lumineux,  » Le passé d’un oxymore. Le débat français de politique étrangère  » (Esprit, novembre 2017),  » ces étiquettes, héritées de la division des années 1960 entre gaullistes et atlantistes, n’ont pas plus de consistance pour décrire les enjeux contemporains que la division entre Armagnacs et Bourguignons « . Car l’indépendance proclamée par le général de Gaulle, et poursuivie jusqu’à Jacques Chirac, la fameuse ligne  » gaullo-mitterrandienne « , prévalait quand l’Amérique aspirait à dominer le monde et à imposer ses concepts. Elle est désormais en panne de concept et sa domination se transforme en nationalisme économique ; Trump fait des Etats-Unis un pays  » comme les autres « …

Dans cette optique, les opérations militaires, notamment en Syrie, n’ont d’autre but que de marquer la suprématie militaire américaine, non pas la supériorité stratégique. Certes, le recul très sensible de l’implantation territoriale de Daech marque un succès, mais la solution politique syrienne s’avère toujours plus hypothétique avec la victoire d’Assad. Emmanuel Macron a choisi le chemin de crête, le plus étroit : c’est en restant concentré sur la mission spécifique de la France –  » parler avec tout le monde  » – et en conservant la ligne du dialogue entre les parties (en particulier au Moyen-Orient, comme on l’a vu avec le Liban), qu’il entend traverser les champs de mines diplomatiques et empoigner le drapeau, déchiqueté, du multilatéralisme.

Reste la zone de paix que constituait l’Europe depuis 1957. Est-ce si vrai ?  » L’Europe qui protège « , s’est évertué à plaider le président. Or, l’Union s’est transformée en terrain de lutte identitaire. Après le Brexit, le populisme de la Hongrie et de la Pologne, c’est l’Italie qui défie l’UE. Sans parler de l’Allemagne, qui subit à son tour les secousses des eurosceptiques… La France aurait-elle un partenaire stable dans la réforme de l’Union ? C’est tout le projet macronien qui entre en souffrance, comme si ce jeune président avait contre lui toute une vieille époque, très ingrate.

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