Cinq ans de plus pour Félix Tshisekedi, le président « béton »
Il voulait un second mandat, il s’est offert un triomphe. L’organisation des élections a laissé à désirer, mais à 60 ans, Félix Tshisekedi, réélu pour cinq ans président de la République démocratique du Congo, va pouvoir s’atteler à « consolider les acquis ».
Haute stature et silhouette massive, casquette et chemise marquée du numéro 20, le chiffre qui lui avait été attribué par la commission électorale, « Fatshi Béton » (son surnom) a mené une campagne pugnace et à gros moyens à travers le vaste pays. Au final, face à 25 autres candidats et lors d’une élection à un seul tour, il réalise un score de 73,34% des voix, qui interroge par son ampleur et que ses adversaires attribuent aux irrégularités du scrutin.
Le bilan de son premier mandat a été jugé mitigé par les analystes.
Il n’a pas rétabli la paix dans l’est déchiré du pays. Les libertés qu’il disait vouloir défendre ont été mises à mal à l’approche des élections, avec l’emprisonnement d’opposants et de journalistes. Même si les chiffres de la croissance sont bons, les jeunes n’ont pas de travail et les « mamans » peinent à nourrir leurs familles.
Mais il a mis en avant des « acquis » et réalisations, à « consolider » selon lui, qui ont séduit les électeurs, comme la gratuité de l’enseignement primaire. Et il a promis de faire plus, d’étendre la gratuité au secondaire, de créer des emplois, de développer l’agriculture, de poursuivre son plan de développement du Congo profond.
Sur fond de rébellion soutenue par le Rwanda, accusé encore une fois par Kinshasa de velléités expansionnistes dans l’est de la RDC, Félix Tshisekedi, un Luba du Kasaï (centre de la RDC), a aussi usé du registre nationaliste et identitaire, en pointant les origines ou supposés soutiens « étrangers » de candidats de l’opposition. Le discours a pu être jugé populiste et dangereux par certains, dans un pays mosaïque à l’unité fragile, mais il a fait mouche.
Bon vivant
En décembre 2018, sa victoire avait marqué la première transition sans effusion de sang dans l’ex-Zaïre. Fils de l’opposant historique Étienne Tshisekedi, décédé l’année précédente, il succédait à Joseph Kabila, arrivé au pouvoir en 2001 après l’assassinat de son père Laurent-Désiré Kabila.
Mais l’opposant Martin Fayulu affirmait avoir remporté l’élection et accusait Félix Tshisekedi de complicité de « putsch électoral » ourdi par Joseph Kabila. « Fatshi » démentait encore récemment tout « arrangement frauduleux » avec son prédécesseur, mais la suspicion lui colle à la peau.
Au début de son premier mandat, un accord de coalition le liait à Joseph Kabila. Au bout de deux ans, il le faisait voler en éclats et s’affirmait seul chef à bord. Son habileté politique surprenait. Le « fils de » se faisait un prénom.
Les jeunes années de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, né le 13 juin 1963, ont été marquées par le combat d’Étienne Tshisekedi. A 19 ans, troisième d’une famille de cinq enfants, il suit son père relégué par le dictateur Mobutu Sese Seko (1965-1997) dans son village du Kasaï. A 22 ans, « Fatshi », sa mère et ses frères prennent le chemin de l’exil en Belgique, pays qu’il considèrera comme son « deuxième Congo », où il a notamment suivi une formation en marketing et communication. Dans l’ombre de la figure paternelle, il gravit les échelons du parti d’opposition Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS).
En 2011, il est élu député à Mbuji-Mayi, chef-lieu du Kasaï. Et en 2018, il est désigné, sans surprise, président et candidat du parti fondé par son père.
A la présidence, ses visiteurs découvrent un homme d’un abord courtois, sympathique, à l’écoute et à la voix mesurée. Il est réputé bon vivant, trop de l’avis de détracteurs qui le considèrent comme un oiseau de nuit donnant une piètre image de sa fonction de chef d’Etat.
Père de famille, il est marié à Denise Nyakeru, avec qui il a présenté aux Congolais ses voeux de Noël et pour 2024, évoquant dans son message les jeunes, l’emploi, le pouvoir d’achat…