Christophe Ruggia condamné à deux ans de prison ferme sous bracelet électronique pour agressions sexuelles sur Adèle Haenel
L’actrice Adèle Haenel avait porté plainte contre le réalisateur Christophe Ruggia, qu’elle accusait d’agressions sexuelles alors qu’elle avait moins de 15 ans. Il a été reconnu coupable ce lundi devant le tribunal correctionnel de Paris, et a fait appel dans la foulée.
L’affaire avait bouleversé le monde du cinéma et ouvert la voie au #Metoo français. Le réalisateur français Christophe Ruggia a été reconnu coupable lundi à Paris d’avoir agressé sexuellement l’actrice Adèle Haenel quand elle avait entre 12 et 14 ans, et été condamné à quatre ans de prison dont deux ferme à effectuer sous bracelet électronique.
L’actrice, visiblement nerveuse avant le jugement, n’a pas réagi à l’annonce du délibéré. Christophe Ruggia, qui évitait de la regarder, n’a pas montré de réaction non plus. Le tribunal a aussi condamné le réalisateur à indemniser Adèle Haenel à hauteur de 15.000 euros pour son préjudice moral, et 20.000 pour ses années de suivi psychologique.
L’accusation avait requis le 10 décembre cinq ans de prison, dont deux ferme aménagés sous bracelet électronique à l’encontre du réalisateur, qui a contesté jusqu’au bout avoir agressé Adèle Haenel entre ses 12 et 14 ans. Les avocates de Christophe Ruggia avaient de leur côté plaidé la relaxe, même si aux yeux de tous il est déjà « coupable », avaient-elles déploré, craignant que le tribunal ne soit tenu « de rendre justice le pistolet sur la tempe ».
Christophe Ruggia fait appel
L’une de ses avocates, Fanny Collin, a immédiatement annoncé que Christophe Ruggia « se rend(ait) au greffe pour faire appel » car « nous ne pouvons pas nous résoudre à l’injustice ». La défense de Christophe Ruggia avait plaidé la relaxe. « Dans ces conditions et parce que nous ne pouvons pas nous résoudre à l’injustice, au moment où je vous parle Christophe Ruggia se rend au greffe (…) pour faire appel de cette décision », a déclaré Me Collin aux journalistes.
Adèle Haenel avait joué le rôle principal de son film « Les Diables » en 2001, une histoire de fugue perpétuelle d’un frère et d’une soeur qui tourne à l’inceste, avec des scènes de sexe entre les enfants et de longs gros plans sur le corps nu d’Adèle Haenel. Plusieurs adultes sur le plateau avaient dit leur « malaise » face au comportement « déplacé » du réalisateur presque quadragénaire avec son actrice.
Les agressions sexuelles qu’a dénoncées Adèle Haenel – publiquement sur le site d’investigation Mediapart en 2019, déclenchant #Metoo dans le cinéma français – auraient débuté chez le réalisateur, après le tournage du film sous couvert de préparation de sa promotion. Et se seraient poursuivies quasiment tous les samedis après-midi pendant deux ans. A la barre, l’actrice, qui s’est mise aujourd’hui en retrait du cinéma, a décrit le processus toujours identique des agressions. Elle assise sur le canapé, lui qui vient « se coller » l’air de rien au fil de la conversation parce que « ma puce (t’es) vraiment trop drôle ». Puis les mains qui passent sous le T-shirt, dans son pantalon. Après le « goûter », il la ramenait chez ses parents.
Droite comme un i à l’audience, le visage régulièrement pris de spasmes nerveux, Adèle Haenel avait cherché les mots pour décrire l’impossibilité de sortir de cet engrenage, face à un homme qui disait l’avoir « créée », qu’il n’avait « pas eu de chance de tomber amoureux d’elle », cette « adulte dans un corps d’enfant ».
L’actrice, qui avait péniblement contenu sa rage face aux dénégations répétées de Christophe Ruggia, se contentant de le fixer d’un regard noir qu’il évitait, avait fini par exploser la seconde après-midi de procès. Bondissant de son siège et dans un cri venu de loin, elle avait hurlé « mais ferme ta gueule ! », frappant des mains sur la table devant elle, figeant pendant quelques secondes la salle d’audience.
Le réalisateur était en train d’expliquer qu’il avait tenté de la protéger des retombées du film dans la vraie vie. Elle avait ensuite quitté la salle, comme en écho à son départ de la cérémonie des César en 2020 après l’annonce du prix du meilleur réalisateur décerné à Roman Polanski, accusé d’agressions sexuelles et de viols par plusieurs femmes.
Ce geste avait érigé Adèle Haenel en symbole des féministes.
Soutenant qu’elle avait une « sensualité débordante » à 12 ans, Christophe Ruggia a pourtant assuré n’avoir « jamais » été « attiré » par l’actrice. Les accusations portées contre lui ? Une « vengeance » car il aurait refusé de la faire jouer à nouveau. Et puis, « il fallait lancer un #Metoo français, et c’est tombé sur moi ».
Une « défense absurde », avait balayé la procureure Camille Ploch. « Il a fait le choix d’agresser sexuellement. Il avait toute sa conscience d’homme, d’adulte pour agir autrement. » « Cette audience doit rappeler l’interdit, qui était l’adulte, qui était l’enfant », avait martelé la magistrate, disant n’avoir « aucun doute » sur la réalité des agressions, décrites de manière « constante » par Adèle Haenel.