Mélanie Geelkens

Cette obsession des journalistes à décrire le physique des femmes (chronique)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Ramener une femme à son physique, c’est minimiser ses capacités intellectuelles, c’est inférioriser ses accomplissements.

Parité bien ordonnée commence par soi-même. Alors, voilà: il n’y a pas si longtemps, sur le site du Vif, on pouvait lire le portrait de l’avocate de Salah Abdeslam, Olivia Ronen. « Silhouette menue et élégante, cheveux noirs en chignon sur la tête. » C’est marrant, mais si Sven Mary était resté le conseil du terroriste, il est absolument certain qu’aucun journaliste n’aurait écrit « allure sportive et élancée, plus un poil sur le caillou ». Il y a un peu plus longtemps, toujours dans votre magazine préféré, un article sur l’élue démocrate américaine Alexandria Ocasio-Cortez insistait sur son « charme indiscutable ». Une recherche dans les archives des médias francophones belges et français démontre que personne n’a jamais utilisé de tels termes pour décrire, disons, le Premier ministre canadien Justin Trudeau (dans le genre charmant, pourtant…)

Ramener une femme u0026#xE0; son physique, c’est minimiser ses capacitu0026#xE9;s intellectuelles, c’est infu0026#xE9;rioriser ses accomplissements.

Début septembre, c’est Sudpresse qui accouchait dans ses pages sportives d’un « Deux lolitas à New York » pour évoquer la finale de l’US Open entre Leylah Fernandez et Emma Raducanu. Deux joueuses de tennis certes moyennement classées à l’ ATP, certes jeunes (18 et 19 ans, le texte le souligne abondamment), mais « lolitas », sérieusement? Petite définition, pour rappel: « Très jeune fille qui suscite le désir masculin par l’image d’une féminité précoce. »

[Soupirs] En filigrane, c’est toujours de ça qu’il s’agit: du degré de « baisabilité » qu’inspire une personnalité féminine à un type rédigeant quelques mots à son propos (faut-il préciser que ces trois articles avaient un auteur masculin? ). Un autre exemple, plus ancien, dans Le Soir (en Une, en plus) : « Il y a désormais la bouche de Marie NDiaye. La bouche du Goncourt. C’est la bouche d’un canon, siffle un collègue. En sort en tout cas une vérité: elle a le goût de la lecture. Et elle le donne. »

La bonne nouvelle, c’est que le journaliste qui a écrit ces lignes (par ailleurs un excellent confrère) les trouve désormais tellement dégoulinantes de misogynie qu’il en est devenu honteux. Parce qu’il a compris, depuis. Que ce traitement médiatique n’était réservé qu’aux femmes. D’autant plus lorsqu’elles sont jeunes et jolies. Il avait tellement bien compris qu’il avait fini par lancer l’idée d’une chronique sur l’égalité des genres dans Le Vif pour aider à déconstruire les stéréotypes sexistes ambiants. Ainsi était née « Une sacrée paire ». Comme quoi…

Lisez, lisez attentivement et vous aussi, vous la verrez. Cette obsession pour l’apparence des femmes, pour leur morphologie, pour leur âge, pour ce qu’elles portent (ou ne devraient pas porter). Les sous-entendus libidineux. Les allusions qui, in fine, confinent celles qui en font l’objet à une place sexuée, voire sexualisée. Ramener une femme à son physique, c’est minimiser ses capacités intellectuelles, c’est inférioriser ses accomplissements. D’abord des corps avant d’être des cerveaux. Peu importe qu’elles plaident brillamment, qu’elles réalisent une ascension politique fulgurante ou un exploit sportif, qu’elles remportent un prestigieux prix littéraire. Rien de tout ça ne suffit tant qu’il n’aura pas été répondu à cette implicite question: « Elle est bonne, ou pas? » Malheur à celles qui ne seraient pas jugées assez désirables. Cela rappelle cette sortie d’un journaliste flamand de la VRT, en 2014, qui se demandait si Maggie De Block, vu son obésité, pouvait bel et bien être ministre de la Santé. Les bourrelets n’ont jamais empêché de penser. Le patriarcat, par contre, obstrue fréquemment la réflexion.

Climax, saison 2

Ceci n’est pas du porno, mais de l’éducation: avec ses vidéos (explicites et sans filtre) détaillant les différentes techniques masturbatoires, Climax entend démystifier la sexualité des femmes et cet onanisme encore si tabou. Cette série a été construite sur base d’expertises scientifiques et de témoignages de femmes. Et elle vient de sortir une deuxième saison, pour encore approfondir le sujet du plaisir sexuel féminin!

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femmes pour 75 hommes: pas fameuse, la parité au Panthéon, à Paris. L’arrivée de la chanteuse et danseuse Joséphine Baker dans la nécropole, le 30 novembre prochain, marque la volonté de rééquilibrage de l’Elysée. Il s’agira surtout de la première entrée d’une personnalité féminine… seule. Sophie Berthelot, la première femme à y être inhumée en 1907, accompagnait son mari. Marie Curie y a fait son entrée en même temps que son époux Pierre, comme Simone et Antoine Veil. Quant aux résistantes Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz, elles avaient été honorées en même temps que deux autres résistants.

Sous surveillance

« Pour surprendre votre femme en utilisant un téléphone Android, tout ce dont vous avez besoin est son mot de passe et de cinq minutes avec l’appareil. Le meilleur moment pour s’en occuper est quand elle dort. » Ça, c’est de la pub! Celle d’une application (épinglée par le site korii) proposant aux maris jaloux d’installer un mouchard sur le GSM de leur compagne, capable d’envoyer des captures de leur écran pour vérifier ce qu’elles font en temps réel. Après la violence physique, verbale, économique, place à la violence numérique.

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