C’est le moment de (re)lire Yanis Varoufakis
Le 6 juillet 2015, le ministre des finances du gouvernement d’Alexis Tsipras, Yanis Varoufakis, démissionnait de son poste, afin, disait-on, de rendre les négociations en cours, entre la Grèce et les autorités financières européennes, plus aisées.
Quelques jours plus tard, le secret de polichinelle était levé : dans un entretien avec les journalistes de New Statesman, Varoufakis révélait que la véritable raison de son départ était le refus manifesté par ses collègues de le suivre dans son désir de voir le pays quitter la zone euro. Se plier aux diktats formulés par les représentants de la Banque centrale européenne, du Fonds monétaire international et de la Commission européenne, était, pour Varoufakis, la meilleure manière de trahir et la Grèce, et l’Europe ; il fallait une autre stratégie. Comme le contexte était à l’urgence, il n’en voyait qu’une : précipiter un « Grexit », et l’improvisation d’une nouvelle monnaie permettant la constitution d’un marché interne provisoire – en attendant mieux.
La démission de Varoufakis fut loin d’être le chant du cygne de celui que beaucoup considéraient comme le politicien le plus cool de la planète ; au contraire, elle signa un redoublement d’activité, composé à la fois de publications, et d’un activisme renouvelé. Celui-ci aboutit au lancement, à Berlin, le 9 février dernier, d’un vaste mouvement politique paneuropéen nommé « DiEM 25 » (pour Democracy in Europe Movement), dont le but était de fédérer les forces de gauche radicale autour d’un projet alternatif pour l’Europe. Celles-là trouvèrent leur climax dans la parution de Et les faibles subissent ce qu’ils doivent ? que l’économiste méditait depuis de nombreuses années, mais dont les sollicitations de la vie politique grecque avaient rendu impossible la rédaction. Sous-titré « Comment l’Europe de l’austérité menace la stabilité du monde », ce livre fournissait l’armature théorique sur laquelle reposait l’initiative de « DiEM 25 », ainsi que les choix posés par Varoufakis lorsqu’il était encore ministre.
La thèse principale de Et les faibles subissent ce qu’ils doivent ? était simple : l’Europe que nous connaissons n’a rien à voir avec l’Europe telle qu’elle a pu être rêvée par certains de ses créateurs – et par pas mal de ses citoyens. Un peu comme le « socialisme réellement existant » moqué par les théoriciens du libéralisme, l’ « Europe réellement existante » n’est qu’un sinistre montage institutionnel dont les dirigeants sont incapables de se rendre compte qu’ils envoient leur véhicule dans le mur. En défendant une politique financière absurde, au mépris des principes les plus élémentaires de la démocratie, non seulement sont-ils en train de détruire l’économie du continent, mais, de surcroît, ils nourrissent l’émergence des groupuscules les plus hostiles à toute idée d’Europe. C’est une idée généreuse de l’Europe qu’il s’agit de relancer, et d’appuyer par une politique effective, si l’on veut éviter ce que Varoufakis lui-même avait défendu – et que le Royaume-Uni s’apprête à mettre au vote. ˜
Et les faibles subissent ce qu’ils doivent ?, par Yanis Varoufakis, éd. Les liens qui libèrent, 448 p.
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